Les obsèques de Cyril Berger
1972-2023
Cormeilles et Parisis, le 8 aout 2023
Comment un moment, dur et fort, de ma vie familiale a pu se dérouler avec efficacité, et avec beauté, grâce à la qualité des humains qui y ont pris part, mais aussi grâce à la puissance des outils informatiques d’aujourd’hui.
L’informatique, on peut (et on a raison) de la critiquer, de s’en méfier. Mais il y a des cas où elle est vraiment au service de l’humain, en ce qu’il a de plus personnel et de plus profond.
Je viens de le vivre avec les obsèques de mon fils Cyril, en ce début d’août 2023.
L’informatique a joué dans toutes les phases :
- l’annonce du décès et les messages de condoléances
- la préparation de la cérémonie
- la cérémonie elle-même
- la pérennisation de la mémoire.
L’annonce du décès. Le rôle majeur de Facebook
Autrefois, on envoyait des faire-part, formules passablement stéréotypées, que les Pompes Funèbres se chargeaient de diffuser par la Poste, qui tenait compte de la large bordure noire sur les enveloppes pour les acheminer au plus vite.
Mais Cyril ne vivait plus avec nous, et n’a pas laissé de carnet d’adresses. Même son dernier téléphone ne comportait qu’un seul numéro/
Or il a été longtemps mansonnien, et a laissé beaucoup de souvenirs. Certains amis ont d’ailleurs quitté Maisons… Comment les prévenir ?
Il se trouve qu’il existe un groupe Facebook très actif, avec quelque 11 000 membres : « Tu sais que… ».
J’y ai donc annoncé la triste nouvelle avec une image de Cyril. L’administratrice a bien voulu laisser passer ce message, bien qu’il sorte un peu de l’ordinaire du groupe, où chats perdus et recherches d’une femme de ménage tiennent souvent le haut de l’écran.
Le résultat a été impressionnant :
- plus de cent message de condoléances reçus, pour une grande part venant de Mansonniens pour moi anonymes, et d’autres personnes connues aussi en présentiel,
- mais bonheur imprévu, le message a atteint plusieurs anciens amis de Cyril, qui n’habitent plus à Maisons mais y restent attachés, notamment à travers les réseaux sociaux ; un peu de bouche-à-oreille a pris le relais, et plusieurs ont fait le déplacement ou se sont fait représenter.
Par ailleurs, j’ai pu constater que les différents services publics, de la police aux mairies concernées en passant par les assurances sociales, avaient mis leur dossier à jour (quitte à me refuser l’accès à leurs données).
2. La préparation de la cérémonie
Le crématorium de Cormeilles est assez loin de mon domicile, et je n’ai plus de voiture. M’y rendre matériellement pour construire la cérémonie aurait donc pris beaucoup de temps.
Heureusement, entre le téléphone, les mails et les envois de fichiers (par Wetransfer, vu le volume des musiques et des vidéos), tout a pu se faire en ligne.
Il était demandé, si possible, une trentaine de photographies. Etant donné l’importance de nos fonds, pour Cyril comme pour toute la famille, cela m’a demandé presque deux jours de travail. La plupart des documents étant sur disques, le travail était tout de même très simplifié. Complété quand même par la numérisation de quelques documents papier et d’une bande magnétique son.
La maîtresse de cérémonies, avec délicatesse et compétence, a assemblé tous les documents dans un ensemble bien réussi, de l’avis de tous les participants.
3. La cérémonie elle-même
3.1. Entrée dans la salle
On se regroupe dans une salle très blanche, très nue.
Au centre, le cercueil avec quelques fleurs. Dès ce moment, à la différence des cérémonies à l’église notamment, le défunt est vraiment au centre de la scène, de l’attention.
Musique : Die Irae du requiem de Mozart par Karayan
(Pour les morceaux classiques, le funérarium a ses fonds, ou les prends sur le net).
3.2. Le temps de parole
Aujourd’hui l’on trouve ces interventions dans toutes les formes d’obsèques. Autrefois, à l’église, seul le curé ou l’officiant prenait la parole, plus ou moins bien informée selon les cas et plus ou moins inspirée selon ses qualités oratoires.Dans le cas de Cyril, nous avons été trois. Je joins mon intervention en annexe.
Moment émouvant. Il est fréquent que les intervenants aient la gorge trop serrée pour parler. Si on lui a fourni le texte, la maîtresse de cérémonie se charge de le lire. Ici encore, le mail est bien pratique.
3. 3. Recueillement, photos, vidéos et musique
La matière était riche. C’est une œuvre réellement artistique qu’a réalisée le funérarium sur nos indications.Sur le mur derrière le cercueil, formant écran, les photos défilent en diaporama, avec de vastes horizons paysagers pour assurer les transitions.
La musique de fond était celle de Cyril, ou de morceaux où il assurait la batterie.
En conclusion, une assez courte vidéo, récente, de Cyril au piano. Terriblement présent !
Le lien pour télécharger les deux vidéos :
3.4. Le geste d’hommage
On retrouve un geste classique des obsèques : tous viennent devant le cercueil et font un geste. Ici, des pétales de fleurs ont remplacé l’eau bénite d’antan.
3.5. Le éépart symbolique du cercueil
Effet symboliques dépouillés mais d’une grande clarté de sens : le rideau se ferme entre le cercueil et l’assistance. Quelques instants plus tard, il s’ouvre à nouveau. Le cercueil n’est plus là. Cyril est parti.
C’est à la fois plus simple et plus fort que pour une inhumation classique, où les porteurs viennent emporter le cercueil pour le mettre dans le corbillard.
(Je crois me souvenir qu’à la première crémation à laquelle j’ai assistée, on voyait carrément le four s’ouvrir et le cercueil y être poussé. Laid. )
Musique : Lacrimosa dies illa du Requem de Mozard par Karayan
4 Le souvenir
Un minimum de souvenir sera assuré par le transfert de l’urne en un lieu de souvenir (en général un cimetière), légalement obligatoire, sauf dispersion autorisée en lieu ad hoc (à vérifier)
Dans le cas de Cyril, l’urne ira au Père Lachaise, où nous avons un caveau de famille ancien.
Mais, à part quelques membres de la famille, qui ira au Père Lachaise ? Où d’ailleurs il n’y aura pas grand-chose à voir, hors l’urne elle-même et une forme d’inscription brève, écrite ou gravée.
L’informatique offre le moyen d’une mémorisation beaucoup plus riche.
Tous les documents joints, brièvement téléchargeables sur WeTransfer , mais ensuite indéfiniment à disposition dans mes disques durs et chez ceux qui auront voulu les télécharger en temps utile.
En outre, pour tous les membres de la famille proche, ces documents prendront place dans l’important volume des souvenirs : images, texte… généalogie. Ils y trouveront un large contexte… et contribueront à l’enrichir.
Remerciements
Merci, à toi, Cyril, dont le difficile demi-siècle d’existence nous a obligés à vivre plus courageusement, et que donc nous n’oublierons pas.
Et merci à :
- l’agence des Pompes Funèbres de Maisons-Laffitte
- la maîtresse de cérémonies du funérarium
- Aurélie Avril, qui administre le groupe Facebook.
Pierre Berger, 21/8/2023
Annexe. Mon intervention
Cyril, c’est l’histoire d’une lutte permanente pour vivre, pour jouer avec des amis ou en compétition, pour s’exprimer par la musique.
Mais c’est aussi la rencontre répétée de l’adversité, la fermeture des horizons, et finalement ce décès encore jeune. Il n’avait plus beaucoup d’énergie, mais il ne souhaitait pas mourir.
Un mot revient chez tous ceux qui l’ont connu, à toutes les époques : il était gentil. Mais aussi, amusant, créatif, capable d’efforts persévérants sur de longues années.
Les problèmes commencent avec les études, mais on pouvait espérer qu’il les réussirait quand même, après deux bonnes années à l’école de la Chambre de Commerce, où il est apprécié, et qui le conduit à un CAP… et à une entrée en lycée pour aller à un baccalauréat professionnel.
Mais patatras, pendant une visite à Belle-Ile-en-Mer, il fait une chute et une grosse pierre lui ampute gravement la main gauche. Il n’est plus capable de continuer au lycée.
Malgré plusieurs essais de travail, notamment dans une entreprise de mécanique, il finit par renoncer définitivement et se résigner à son statut handicapé.
Pour autant il n’abandonne pas la musique. Il est devenu de première force comme batteur, et participe à plusieurs groupes, qui donnent quelques concerts. Mais il est trop créatif pour se contenter de jouer le rôle d’une boite à rythmes sur des musiques répétitives. En outre, sa main gauche reste douloureuse. Il doit, là encore, renoncer.
C’est le jeu d’échecs qui l’aidera à vivre jusqu’au dernier moment. Au club de Maisons-Laffitte, il prouve sa valeur, est coté dans le système ELO, participe à maints tournois. Il est même un temps président du club.
Mais c’est finalement son cœur qui le lâche, dans une nuit de juillet dernier, et qui nous conduit tous ici pour lui rendre hommage.
Nous sommes tristes. Tristes qu’il ne soit plus là pour tenter de nouveaux efforts. Tristes du souvenir de tant d’épreuves, physiques et morales, qu’il a supportées pendant son demi-siècle de vie parmi nous.
Je terminerai par les mots d’un de ses cousins, dont l’existence aussi a été bien difficile, et qui est maintenant dans un monastère bénédictin :
« Lorsque j'ai reçu la nouvelle, je suis resté silencieux. J'ai observé les images de Cyrille qui me sont venues ; et puis j'ai pensé à vous et aux émotions qui vous traversent en ce moment. J'ai fini cette méditation par souhaiter profondément que Cyrille ait atteint la paix dans l'éternité de l'Univers. »