Veolia-Suez : les complexités de la gouvernance

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La tentative d’OPA de Veolia sur Suez, aux mains de la justice au moment où nous écrivons ces lignes (29/10/20) illustre bien les différents aspects de la gouvernance à notre époque, en particulier l’intervention de multiples parties prenantes.

L’acteur principal, c’est Antoine Frérot, président de Veolia depuis 2010 Personnalité forte et controversée. Même la page Wikipedia qui lui est consacrée met en garde ses lecteurs contre des tentatives de manipulation ! Même ses photos dans la presse expriment le déefi plus que la tranquille assurance. Cependant un long portrait (une page, Les Echos du 10/9) en trace un profil sympathique : « le vrai visage d’un dirigeant à la bonhomie trompeuse : celui d’un combattant ».

Début septembre 2020 il repart (ce n’est pas son premier essai) à l’assaut du groupe Suez, et Jean-Michel Bezat lui consacre (Le Monde, 1/9) une belle page synthétique.

Les parties prenantes, ce sont d’abord les actionnariats. Antoine Frérot a visiblement son conseil d’administration derrière lui. Son offre fait bien les affaires d’Engie, qui ne demanderait pas mieux que de lui céder ses parts dans Suez. En revanche, la gouvernance de Suez va tout faire pour lui échapper et, le octobre, saisit la justice, ce qui suffit à retarder l’opération pour plusieurs mois.

L’environnement, ne semble pas en cause. Bien au co’ntraire, il s’agit, titre La Croix (1/9) d’une fusion « au nom de l’environnement », Antoine Frérot disant vouloir créer le « grand champion mondial français de la transformation écologique ».

Quant aux fournisseurs, les activités du groupe ne mettant pas en cause une importance sous-traitance (à la différence par exemple de l’automobile ou de l’aéronautique.

(Nous laissons de côté d'importantsseconds rôles, Meridian et Ardian)

Quant aux clients, on n’en parle guère, sauf Le Parisien l(6/9), toujours proche de la vie pratique du français moyen, dans une double page avec interview de Thierry Déau, président de Meridiam, autre acteur important de cette vaste saga. Il s’engage : « Le prix de l’eau n’augmentera pas ».

Pour les salariés, Antoine Frérot leur affirme que l’opération sera sans effet négatif. Le moins qu’on puisse dire est qu’il ne les convainc pas ! Il leur adresse une pleine page de publicité dans Le Parisien (24/9). Il s’y engage à « préserver l’ensemble de vos emplois et de vos acquis sociaux ». Il va même jusqu’à promettre la création d’un « comité paritaire avec des représentants de Suez et de Veolia, y compris des représentants des salariés » pour contrôler de futures sessions.

L’intersyndicale n’y croit pas, lui renvoie une page entière de publicité toujours dans Le Parisien (29/9), illustrée d’un Pinocchio au long nez. « Vous avez tout à y gagner, nous avons tout à y perdre ».

Quant aux pouvoirs publics, la position de l’État évà Volue au fil du temps. Le 5 septembre, le Premier ministre déclare que la fusion « fait sens ». Le 10, il demande à Veolia d’améliorer son offre. Le 18, Premier ministre et ministre de l’économie prennent leur distances.

Le 15, les députés s’emparent du sujet, et le 24 ils auditionnent les deux parties. Mais ne se prononcent pas. Le 17, les élus locaux ne prennent pas parti.

Le premier acte se conclut le 5 octobre : le conseil d’administration d’Engie vend l’essentiel de sa participation à Veolia. Par 7 voix (le président, cinq administrateurs et le représentant de la CGC) contre quatre (trois du gouvernement, une de la CGT). La CFDT, qui disposait de deux voix, a quitté la salle avant le vote. Pour Le Monde (une page) , l’État a perdu la face. Pour Les Echos, la rédaction s’est donné le temps de la réflexion et conclut : « La cogestion rêvée par la CFDT à l’épreuve ».

Mais le suspense continue. Dès le lendemain du conseil, l’intersyndicale annonçait son intention de passer sur le terrain judiciaire, et le 9 octobre le tribunal judiciaire de Paris a ordonné en référé « la suspension des effets » de l’acquisition, tant que les comités sociaux et économiques (CSE) de Suez et Suez Eau France n'auront pas été "informés et consultés". Engie et Veolia ont annoncé qu'ils feront appel.

La gouvernance, un long fleuve tranquille…

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