• INFORMATIQUE HOSPITALIERE


La santé à l'heure du régionalisme


Une nouvelle ère vient de s'ouvrir pour l'informatique hospitalière française. A la mi-janvier, un décret et des conventions constitutives ont donné corps aux "agences régionales d'hospitalisation" et nommé leurs directeurs (Darh). Ainsi se concrétisent les ordonnances d'avril 1996 qui en avaient posé le principe, pour répondre notamment aux sévères critiques du rapport de l'Igas (Inspection générale des affaires sociales. Voir LMI du 10/3/95).

La région, puissante mais encore mal structurée

La Région joue désormais un rôle décisif. Aux structures de la sécurité sociale (Urcam, Unions régionales des caisses d'assurance maladie) et des hôpitaux, répondent d'ores et déjà des structures syndicales, en particulier les URML (Unions régionales des médecins libéraux). D'autres professions, comme les pharmaciens, ont des "organismes concentrateurs" à ce même niveau. Enfin, les Drass (Directions régionales des affaires sanitaires et sociales) dominent l'ensemble, mais sans que leurs relations aient été précisément définies, notamment avec les Darh...

Rien n'est donc encore tout à fait clair. Le ministère des Affaires Sociales nous a précisé qu'une information sur ce thème serait prématurée car "pour l'instant, une réflexion est menée, qui pourrait déboucher sur des résultats plus concrets".

Cette décentralisation va-t-elle remettre de l'ordre dans un "système d'information de santé" quelque peu chaotique? Non que la dépense y soit excessive par elle-même. Dans les hôpitaux, par exemple, elle représente environ 1% de la masse budgétaire, soit en tous 3 milliards de francs par an environ. A peu près autant qu'une grande banque comme le Crédit Lyonnais. Mais les efforts se dispersent et les progiciels se multiplient, comme l'a montré le catalogue établi par le CXP en 1995, qui d'ailleurs ne comprenait même pas les produits de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, qui fait traditionnellement bande à part.

On avait espéré, il y a trois ans, une rationalisation autour du "noyau Références", mis au point par Cap Sesa. Hélas, peut-être par la faute du ministère qui mit un peu trop la pression sans l'assortir d'ouvertures appropriées, ce noyau standard s'est vu contesté par les utilisateurs aussi bien que par les SSII concurrentes.

Une conjoncture peu favorable à des investissements rationnels

Les Darh disposent en principe d'une large autorité, y compris en informatique. Ils tiennent les cordons de la Bourse, et pourraient donc faire dépendre leurs versements d'une bonne qualité des systèmes d'information hospitaliers et du calcul correct des points Isa (Indice synthétique d'activité). Mais il leur faudra une solide volonté politique pour le faire, car le monde hospitalier sait se défendre. L'AP-HP a montré l'exemple de la résistance en échappant à la tutelle de la Darh Ile-de-France.

D'ailleurs, l'informatique ne viendra pas au premier rang de leurs préoccupations. La conjoncture actuelle pousse plutôt à la réduction des coûts qu'aux investissements. Et dans une ambiance de "plans sociaux", mieux vaut ne pas insister sur des contraintes informatiques qui peuvent fâcher.

Certains se demandent si la ligne politique du gouvernement ne poussera pas à certaines formes de privatisation. Depuis longtemps, les CRIH (Centres régionaux d'informatique hospitalière) ont été encouragés à se comporter comme des SSII. L'anarchie actuelle renforce les partisans d'une externalisation généralisée. Régionalisme ou libéralisme? La réponse est désormais, pour une part au moins, dans les mains des Darh.

Pierre Berger 14/2/1997

Comme l'hôpital européen Georges Pompidou (Paris XVe), l'informatique hospitalière française est un vaste chantier. Mais la dispersion des maîtres d'ouvrage comme des maîtres d'oeuvre ne facilite pas sa rationalisation.