Michel Hervé, maire de Parthenay

"L'électronique pour des citoyens plus actifs"


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Ancien député national et européen, Michel Hervé est resté maire de Parthenay, petite ville des Deux-Sèvres, où l'administré tente de devenir "citoyen acteur" grâce aux réseaux d'échanges électroniques. Non sans mal, et avec réalisme

Le Monde Informatique: Quelle place accordez-vous, en tant que maire, aux nouveaux outils de communication électronique?

Michel Hervé. Les outils de communication ne sont rien s'il n'y a pas une volonté d'échange préalable. La question de départ est donc de savoir où se situe la communication dans la société. Dans une petite ville comme Parthenay, le tissu associatif est tel il facilite déjà la communication à travers des événements culturels ou sociaux, des festivals, des concerts, des jeux ou encore des réseaux d'échange de savoirs. Mais ces acteurs de la vie sociétale ne sont plus seulement des acteurs de la vie économique ou politique, comme on pouvait le concevoir dans les années 80. Aujourd'hui, c'est la vie culturelle, sportive et sociale qui va favoriser l'épanouissement du citoyen véritablement actif.

Dans une société souvent trop hiérarchisée, pensez-vous que l'électronique va favoriser des échanges plus transversaux?

:C'est vrai que la communication est, dans sociétés de type pyramidal, établie selon des lignes hiérarchiques bien arrêtées, mais sans qu'il y ait véritablement d'échanges transversaux. Cela se constate en particulier dans l'entreprise, lorsque ce n'est pas dans la municipalité. La notion de travail reste le lien central dans nos sociétés. Il faudrait qu'elles soient assez peu hiérarchisées pour atteindre une communication interpersonelle, seule capable de mettre les individus en situation de citoyens-acteurs.

Or l'outil électronique ne devient véritablement majeur que s'il y a une communication transversale. Parthenay, qui a déjà un taux d'informatisation très élevé, s'est organisée dans ce sens. Nous n'avons pas de secrétaire général de mairie et tous les chefs de service interconnectés ne communiquent plus de bas en haut.

Une ville est-elle prête à ne plus considérer ses habitants comme des administrés mais plutôt comme des citoyens-acteurs?

Avant que les échanges électroniques ne soient généralisés dans le vie en société, il faudra un fort mouvement éducatif. Il y a une telle interdépendance entre l'outil et le citoyen en situation active, qu'il est difficile de savoir lequel des deux éléments sera déterminant. D'autant que la société continue de dispenser une éducation assez magistrale et les entreprises restent encore dans une logique de consommateurs. La logique culturelle est souvent réduite au spectacle. Tout cela ne favorise pas le développement du citoyen acteur, mais plutôt celui du citoyen-consommateur qui, du coup, suit des lignes de communication assez traditionnelles comme la télévision. Vis-à-vis d'elle, ils ne sont que des spectateurs sans besoin d'interactivité. Même dans le cas d'un bouquet de télévisions câblées ou satellitaires, la réception de l'électronique n'a rien à voir avec l'échange de l'électronique de type BBS ou Internet.

Mais tous les habitants n'auront pas les moyens financiers d'acquérir leur propre équipement.

C'est vrai dans l'immédiat. Mais je ne suis pas sûr que le principal frein soit le coût. Car il sera pris en charge par la collectivité. Parthenay a beau être une petite ville, elle s'inscrit dans un projet européen pour financer sa place dans le village planétaire. Il s'agit de susciter rapidement l'émergence de "communautés électroniques locales" dans quatre villes européennes: Parthenay, Arnedo en Italie, Torgau et Weinestadt en Allemagne. Ce projet, baptisé "villes numérisées", a permis d'obtenir de la Communauté européenne un total de subventions pour les quatre villes d'environ 2,5 millions d'ECU (projets Mind et Metasa), dont 25 à 30% reviendront au district de Parthenay. Cela couvrira largement l'investissement de 5% consenti sur le budget général pour nos projets de communication électronique.

N'y a-t-il pas une ambivalence dans la volonté de promouvoir la communication locale en allant chercher les moyens au niveau européen?

C'est paradoxal, mais c'est ainsi. Pour que la communication locale s'instaure, il faut aller au niveau de l'Europe chercher le financement. Car, en France, notre projet s'est bien inscrit dans le cadre gouvernemental des autoroutes de l'information, mais jusqu'à maintenant France Télécom ne semble pas disposé à nous aider financièrement et tarde même à nous installer une ligne spécialisée demandée depuis plusieurs mois pour notre futur partenay.fr.

Pourquoi avoir d'abord choisi un BBS plutôt que l'Internet?

Depuis le début de l'année, Parthenay a son propre BBScar nous avons d'abord voulu jouer la communication de proximité avec un réseau local plutôt que d'élargir tout de suite le cercle à l'Internet. De même que l'on parle de l'intranet pour les réseaux d'entreprise, nous forgeons le concept de town-net pour les réseaux de ville. Le commerce électronique, par exemple, n'ira pas sans l'adhésion de citoyens actifs. Un projet de catalogue multimédia de produits gâtinais et poitevins se prépare par exemple à l'aide du BBS. Après seulement nous développerons un site Web présentant le tissu des PME de Parthenay avec un système de transactions sécurisées. La communication électronique diminue considérablement les facteurs aléatoires des rencontres aussi bien de compétences que d'offre par rapport à la demande.

Combien de temps vous donnez-vous pour généraliser la communication électronique à l'ensemble de Parthenay?

Nous réunissions 12000 habitants, 250 associations et autant de petites et moyennes entreprises. IL faudra du temps (probablement quatre ou cinq ans) avant que toutes les composantes de la ville locale puisent faire de l'échange électronique. Le plus difficile est de sentir le besoin de communication. Dans une petite communauté, la communication lointaine prévaut sur l'échange que l'on peut avoir avec son voisin. Mais, avant de jouer la proximité électronique, il faut mener une réflexion sur l'altérité. Si vous avez un sentiment de haine, de mésentente ou de différends à l'intérieur même d'une ville ou d'un quartier, la communication électronique n'apportera pas forcément l'apaisement. Pour qu'elle se généralise au niveau de notre communauté, il faut d'abord disposer d'agents de développement qui, comme les "agents intelligents" sur l'Internet, vont jouer le rôle de connecteur entre les citoyens. Ils vont évaluer l'interdépendance entre les outils et les acteurs.

Quels freins rencontrez-vous de la part des habitants?

Ce n'est pas en instaurant l'échange virtuel que vous allez supprimer le face à face. Pourtant, beaucoup d'habitants craignent de se retrouver dans isolement. Le téléphone, à l'instar de l'Internet ou du BBS, a pourtant démontré le contraire. Plus un individu va communiquer à distance, plus il chercher à aller vers les autres. C'est comme si l'échange virtuel pouvait supprimer des murs et diminuer l'isolement.

Autre idée reçue: les échanges électroniques vont créer une telle productivité qu'ils supprimeront des emplois. Alors que, si nous ne développons pas la communication on-line, nous disparaîtrons tous. Ou du moins nous aggraverons le solde négatif dans cette disparition inéluctable d'emplois causée par le chômage et l'exode rural. Car le dépeuplement du monde agricole et du monde industriel touche de toutes façons de plein fouet la ville de Parthenay, avec toutes les conséquences que cela comporterait si l'on n'y prenait pas garde.


Propos recueillis par Charles de Laubier

La ville dispose aussi d'un site Web: http://www.imaginet.fr/~apecons/

Internet pour les villes


Les villes européennes, et françaises en particulier, se font de plus en plus présentes sur Internet. On trouvera bon nombre d'adresses de serveurs municipaux à l'adresse http://www.ensmp.fr/~scherer/adminet/tow/. A quoi s'ajoutent des services locaux, réservés aux membres de la communauté urbaine ou à ses partenaires. Peu de villes ont mis en place leur propre serveur de manière autonome, mais nombre de serveurs privés diffusent des informations municipales. Nombre de serveurs sur minitel restent encore très actifs.

Les collectivités poursuivent des objectifs fort divers: mise à disposition de ressources en télécommunications pour les services publics de la ville (Besançon, par exemple). Opérations de relations publiques pour faire connaître la ville ou la région (La Ferté Bernard). Et très souvent, soutien au tourisme régional.

Certains de ces développements s'inscrivent dans des projets européens. Nice, par exemple, participe avec Anvers et Rotterdam au projet Infosond (téléservices destinés aux habitants).

Parthenay joue un rôle majeur dans "Digital towns" (villes numérisées), qui vise à susciter rapidement l'émergence de "communautés électroniques locales" dans quatre villes européennes: Parthenay, Arnedo en Italie, Torgau et Weinestadt en Allemagne. Ce projet a permis d'obtenir de la Communauté européenne un total de subventions pour les quatre villes d'environ 2,5 millions d'ECU (projets Mind et Metasa), dont 25 à 30% reviendront au district de Parthenay. Cela couvrira largement l'investissement de 5% consenti sur le budget de la ville pour ses projets de communication électronique.