2. Premières passions, peinture et machine






Dédicace d’un livre de prix, par le père Grégoire Derkenne, directeur de l’école, Monastère de La Pierre-qui-Vire.






2. Premières passions, peinture et machines


Pierre Berger ressent très tôt cette tension entre sources d’inspiration et instruments. Et d'abord la faiblesse de son instrumentation: c'est la guerre (de 39-45) , et la plus simple des boites de crayons de couleur n'est accessible que pour un Noël, et encore. Il rêve même, une nuit, d'une boite de gouache avec de gros godets bien pleins prêts à nourrir des pinceaux. Presque une orgie.


Très tôt aussi, les machines fournissent son thème principal d'inspiration. A la fois telles qu'elles sont, avec quelques championnes comme les grandes presses offset que son père lui fait voir (et entendre) chez un de ses imprimeurs, avec alimentation automatique des feuilles de papier. Et bien sûr, les locomotives à vapeur : jusqu'à la grande révolution de l’électrification, il n'est pas question pour lui de prendre un train de grande ligne sans aller voir quel modèle le tracterait : 231 pour un rapide, 040 pour le petit train de la Bastille.. (Pour la signification de ces codes, voir wikipedia.org/wiki/Classification_des_locomotives).



Représenter les machines existantes? Son inspiration ne s'y arrête pas. Il les veut plus perfectionnées encore. Par
exemple il dessine des loco-motives à quatre cheminées, parce que la plupart n'en ont qu'une, qu'un modèle pres-tigieux (j'ai oublié lequel), en a deux, que le Normandie en a trois ... donc, avec quatre, ce serait encore plus fort !


A quinze ans, ses deux passions se développent en parallèle au cours d'un séjour chez un oncle horloger (à l'ancienne, c'est à dire capable de construire une pendule depuis les plaques de cuivre jusqu'au modèle complet). Son père lui a offert une jolie boite d'aquarelle, et pour la première fois, il se risque "sur le motif", aux falaises d'Amblet-teuse, près de Boulogne sur Mer. Dans le même temps, aidé par son oncle et son magique petit tour (à manivelle), il fabrique un anémomètre. Correct dans son principe, faible dans sa réalisation. Mais enfin, en montant par grand vent sur la falaise, l'aiguille veut bien bouger un peu vers les valeurs hautes.


  • Plus tard il tente une convergence de ses deux passions, avec des gouaches d'inspiration géométrique illustrant le tourneur (suite aux visites chez l’oncle horloger, il a demandé un tour comme cadeau de Noël), le fraiseur, le soudeur à l’arc. Dans l'esprit du futurisme italien d’avant-guerre, mais il n'en aura connaissance que bien plus tard.


Puis d'autres préoccupations l’éloignent de l'art et de la peinture. La danse, la théologie... le mariage. Il ne se sent ni vraiment l'envie ni a fortiori la force d'âme nécessaire à la vie d'artiste professionnel. Il y renonce explicitement à Venise, après avoir réussi une de ses meilleures œuvres figuratives (rien d’extraordinaire, d’ailleurs) mais senti en même temps des émois positifs ét négatifs trop violents pour y engager sa vie.

Devenu journaliste en 1967, il veut compléter son expression textuelle par des images, pour montrer des mondes futurs. Rien qui le satisfasse vraiment.

C'est surtout comme un loisir qu’il se remet à peindre pendant les étés, surtout en Normandie, en complétant les souplesses de l'aquarelle par un peu d'encre de chine qui la renforce. Petits succès dans des salons locaux où il fait même fait quelques ventes. Des paysages qui plaisent aux vacanciers de passage.

Mais assez vite encore, l'inspiration se tarit, l’ennui s’installe. Les horizons et les bocages normands sont un peu toujours les mêmes. Et passer quelques heures à chercher le bon mélange de bleu de Prusse et de caeruleum pour rendre les ciels, la palette des verts pour les arbres, les jeux de perspective aérienne pour différencier les plans.... bof. Il y a des choses plus importantes ou plus amusantes à faire.

Pendant ce temps, sa passion pour les machines se fait plus dévorante et plus précise. Journaliste spécialisé en informatique, il aimerait s'en servir pour créer. Mais les belles machines dont il parle dans ses articles ne sont acces-sibles qu’aux grandes entre-prises. Elles sont inabor-dables pour un budget de père de famille... jusqu'en1979,

Références

Berger P. Mes mémoires.