Lettres de Juliette Billiet à Anne-Marie Boulan

1893-1915

Avertissement

J'ai saisi toutes ces lettres sur micro-ordinateurs (Word 2) en 1994 et 1995. Un travail un peu long, et un résultat dont la lecture complète sera sans doute fastidieuse. Mais passionnant néanmoins pour ceux qui ont entendu parler leurs parents et grands parents (dans mon cas, ma mère Paulette Lefebvre et ma grand-mère Anne-Marie Boulan) de cette extraordinaire femme. Mille petits détails amusent, frappent, ou rappellent des souvenir d'êtres chers.

Rappels historiques

Juliette Billet est née vers 1850

Anne-Marie Boulan est née en 1881.

En 1884 son père Paul Boulan achète à Aulnoye une usine de teinture de toiles.

En 1886, l'usine occupe une trentaine d'ouvriers, le magasin une vingtaine.

En 1893, mort de Paul Boulan, de maladie.

De 1893 à 1899, Anne-Marie va tous les ans à Wimereux. Elle correspond chaque jour par lettre avec sa mère. Nous n'avons que les réponses de Juliette Billet. Les lettres d'Anne-Marie ont probablement disparu en 14-18 quand les Allemands ont occupé la maison de Valenciennes.

Anne-Marie était sans doute récompensée de chaque lettre par une petite pièce (voir lettre du 4 mai 1899).

Au début de cette correspondance, elles ont donc respectivement 12 et 43 ans, et viennent de perdre leur père et leur époux. Les dernières lettres datent de la guerre. On trouvera sur cette période d'importants développements dans le document réalisé par Anne-Marie Lefebvre (Dubois). En effet, pendant la première année de la guerre, la famille se trouva comme enfermée dans la villa de Wimereux, pratiquement sans ressources.

Malgré la légende qui attribue à nos grand-mères, quand elles étaient de bonne éducation, une orthographe parfaite, Juliette fait quelques fautes, assez rares, mais pas toujours mineures. Notamment des participes passés terminés par er. Elle ignore pratiquement l'accent circonflexe, en particulier sur dîner et aôut, mots qui reviennent souvent dans une correspondance de vacances. Si Anne-Marie avait eu le tempérament moqueur, elle aurait pu sourire en particulier de la lettre du 9/6/98. On peut s'étonner qu'elle n'emploie qu'exceptionnellement le point d'interrogation.

J'ai en général corrigé ces fautes, suivant l'avis du correcteur orthographique de Word 2. Et n'ai sûrement pas manqué d'en ajouter moi-même, malgré l'efficacité du dit correcteur. J'ai en général aligné la ponctuation sur l'usage actuel, et souvent remplacé les abréviations par le mot complet, pour faciliter la lecture, sauf dans quelques cas particuliers amusants (par exemple: J&M pour Jacques et Michel).

Je n'ai pas réussi à lire certains mots, et dans ce cas l'ai indiqué par un point d'interrogation entre parenthèses : (?).

Les lettres traduisent une humeur sensiblement égale (exception le 15/6/14, ce qui s'explique par le fait que Juliette, grand-mère, se trouve en charge d'au moins trois bambins...). Juliette se plaint parfois de sa santé. Ou plutôt rassure Anne-Marie pour lui dire que cela va mieux. Elle fait état de sa surdité (5 mai 99).

On sent une connivence entre la mère et la fille. Le courant devait passer moins bien avec Charles. Qui cependant travaille à la boutique pendant que sa soeur est à la mer...

J'ai joint en annexe des extraits sur Wimereux d'un guide touristique de l'époque, pour situer le cadre.

Je dispose d'un certain nombre de documents photographiques qui pourraient illustrer ces textes. A commencer par un bel album de photos avec Wimereux, le voyage à Lourdes etc. annoté de la main d'Anne-Marie au temps où je l'appelais No-Maman. Certaines lettres font d'ailleurs allusion aux travaux de développement photographique. (voir par exemple en août 96).

1893

------ Valenciennes, 6 août 93

Ma chère Anne Marie

Je suis venue m'installer à ton bureau pour écrire et j'ai été satisfaite du premier coup d'oeil en trouvant tout bien en ordre et bien rangé. Malheureusement le second coup d'oeil m'a montré toutes les taches d'encre etc. semées sur le bureau. Je vais tâcher d'effacer cela pour qu'il ne reste pas à toujours ces marques peu flatteuses pour toi qui j'espère ne le méritera pas.

Hier Bara a rapporté deux cochons d'Inde. Je me suis récriée contre cet envahissement de notre maison par des bêtes de tout genre. Celles-ci sont très drôles - tricolores, très nettement rayées - feu - noir - blanc. Je leur ai donné forcément l'hospitalité.

Mousse a encore mérité quelques punitions mais je l'ai encore gardé. Il amuse les bonnes et je crois quelles ne demandent pas mieux que de le soigner.

Je te félicite de n'avoir pas été malade pendant la route et souhaite bien pour toi que ce progrès continue.

Tu me diras si tu as vu Madame Le Lupvre et si tu lui as fait mes commissions.

J'ai trouvé à Aulnoye une abondance extraordinaire de prunes. La cueillette est loin d'être finie. Je confiture demain. Maman n'en désire-t-elle pas un peu ? J'en ferai des rouges et des blanches.

Fais des compliments de ma part à Clémence. Je crois bien que j'ai oublié de lui dire au revoir. Pense à l'aider à l'occasion pour mettre la table ou autrement.

A bientôt, fillette chérie. Deux bons baisers sur tes petites joues que je compte trouver brunies mais nettes d'écorchures surtout!

Ta maman.

----- Valenciennes, 9 août 93

Ma chère Minette

Voilà mes confitures finies et sur une table au milieu de ta chambre s'étalent une cinquantaine de pots de la couleur la plus appétissante.

Maman ne m'a pas répondu mais cela me fera plaisir de lui offrir quelques échantillons de mon savoir faire culinaire. Je ne le mets pas souvent à profit. Entre la cuisson je passais de la cuisine au bureau. J'ai de l'ouvrage à volonté tous ces jours-ci et n'ai pas le temps de m'ennuyer ni même de penser aux livres de Maman.

J'ai eu de vos nouvelles ce matin par Jules qui viendra déjeuner tous les jours avec Edouard. Le chalet d'après sa description me paraît bien et si la situation a ses mauvais côtés, elle en aussi de bons. Pour moi, en y allant, le premier attrait qu'il y aura sera de vous retrouver.

Je t'écris comme à une grande personne, c'est que je me figure parler à Maman en même temps qu'à toi.

Toute la ménagerie va bien. Je vois chacun s'occuper de sa charge. Bavay couchant en ville arrive de bonne heure et en me levant je vois déjà les pigeons sur le petit toit. Mathilde a réclamé et reçu un grand panier de feuilles de choux et coupe de l'herbe à la famille. Eugène dorlote Mousse qui élit domicile à la cuisine auprès de Stop. Celui-ci a eu sa toilette faite hier et est superbe. Les fleurs poussent bien, enfin tout est en bon état. Ton petit coeur et ton esprit le sont-ils aussi? Es-tu de bonne humeur? Tâche de toujours mériter le surnom que t'a donné mon oncle Léon.

Au revoir, mon petit rayon de soleil. Embrasse bien Charles et Bonne Maman pour moi.

Ta maman

Votre lettre qui m'arrive toujours pendant le salut me tient compagnie pendant mon soupir.

----- Valenciennes, 16 août 93

Ma chère petite Anne-Marie

Eh bien, comment vont ce petit pied et ce gros chagrin? M'as-tu au moins bien vue agiter mon mouchoir au passage du pont? Moi je t'ai bien vue et si je ne me trompe, c'était mon oncle Edouard, Paulin et Germain qui étaient là aussi. J'avais ton chagrin sur le coeur et ai bien pensé à toi toute la journée. Auras-tu trouvé à passer ta journée sans fatigues et sans privations. Quant je vous sais vous amusant, cela me repose, mais je n'aime pas vous savoir triste ni l'un ni l'autre. Donc pour me faire plaisir, amusez-vous bien et soyez sages, c'est ce que vous pouvez faire pour moi.

Ma route s'est passée très bien et sans trop de chaleur jusqu'à Lille. Là mes 2 heures d'attente, car le train de Valenciennes a eu du retard m'ont paru interminables, puis j'ai eu très chaud et j'étais seule si bien que j'ai dormi une partie de la route de Lille à Valenciennes.

Bavay était bien à la gare. Je n'ai pas eu le temps de finir le dîner sans qu'on me sonne au bureau. J'ai eu le fabt (?) qui s'était annoncé pour cette semaine et que je ne voulais pas manquer. Des lettres à écrire et tout cela a pris mon après-midi. Jules a eu la bonne pensée de venir me souhaiter la bienvenue pendant que j'étais là seule à dîner, pas gaie naturellement.

J'ai envoyé à Mimi son petit bateau et n'ai pas oublié la lettre de mon oncle Edouard. Le pot au beurre est ici, pas de fruit. Je ferai demain l'envoi du tout.

Il est tard, j'écrirai demain à Charles. J'avais pourtant l'intention d'écrire aux deux mais la petite préférence aujourd'hui te consolera de tes repos forcés.

Bonsoir. Dormez bien dans vos nouvelles chambres et bons baisers ainsi qu'à Maman.

Il y a encore un fuchsia en fleurs, un très beau.

----- Valenciennes, 19 août 93

Ma chère petite Nette

J'arrive d'Aulnoye, un peu fatiguée et je retrouve en rentrant de la besogne pressante. Je renvoie à lundi ce qui peut se remettre pour ne pas manquer au petit mot quotidien.

Je ne suis pas fâchée du tout que tu aies recommencé les bains, au contraire, et si Charles peut t'apprendre à nager ce sera très bien.

Je suis bien contente des bonnes nouvelles de ton pied et ton coup de pied d'âne est-il tout à fait fini?

Bêtes et gens et même plantes ont eu chacun tes commissions. Mais je vais attacher Mousse parce qu'il fait peur aux pigeons et casse des fleurs, ou du moins risque d'en casser.

Où en êtes-vous des fruits? J'ai rapporté aujourd'hui un panier de pêches et encore des pommes et du raison. Quelle abondance! Je pense vous en envoyer lundi ou mardi suivant ce que vous me direz.

Dis à Charles que Maurice et Paul sont ici. Ils sont revenus pour l'enterrement. Maurice a donc eu la lettre de Charles et paraît-il il lui fait bien envie.

Tante Elise pense que Marie et Léon pourront partir au commencement de la semaine prochaine. Quelle joie ce sera pour vous de partager vos plaisirs.

A bientôt ma chère petite fille. Embrasse ton grand frère auquel j'écrirai sans doute seulement lundi puisqu'il n'y pas de levée demain soir. Embrasse bien aussi Bonne Maman et reçois à ton tour les baisers de ta Maman.

JB

Galenelle Bara a trouvé ta chambre bien gentille. J'en ai retiré les confitures qui sont casées dans l'armoire. Bonne Maman Boulan a été bien contente de la lettre de Charles. Merci des petites fleurs.

----- Valenciennes, le 22 août 1893

Ma chère Minette

Je viens de finir le panier de fruits que je vous envoie encore aujourd'hui; mais vraiment, je regrette de n'avoir pas su si le dernier était arrivé en bon état. Cela m'aurait encouragée et dirigée dans mon emballage Vous n'en avez rien dit ni l'un ni l'autre et Maman qui ne m'écrit jamais le plus petit mot - elle me manque pourtant bien et si je ne m'en plains pas c'est que je sais que c'est pour vous qu'elle est là bas.

Mais je reviens à mon panier. J'ai mis quelques fleurs. Si elles étaient présentables, portes en quelques une à Mme Le Lupvre dont c'est la fête demain. Si elles sont trop fanées, dis à l'occasion que j'en avais l'intention.

La lettre de Charles m'est arrivée hier matin et la tienne ce matin. Tu as bien fait d'accompagner Bonne Maman et Charles à Boulogne puisque tu étais assez vaillante pour cela. Cela t'excuse bien du petit retard et je n'ai pas été inquiète. J'ai cru qu'on était arrivé trop tard à la boite aux lettres.

J'ai oublié de mettre dans le panier comme j'en avais l'intention une fleur de chacun de tes fuchsias en fleurs pour t'en montrer la nuance. Je n'ai pas suivant ton désir coupé les branches pour le bouquet de Papa parce que cela aurait été couper la bouture mais j'y ai mis la fleur de ton héliotrope, et je suis sûre qu'il est touché comme moi de ton souvenir. Il t'aimait tant, ce cher Papa!

Je me suis interrompue et suis allée cueillir trois fleurs que j'ai glissées dans un coin du panier, tu les y trouveras.

J'aime beaucoup tes lettres parce qu'elles sont tout à fait toi, mais tu devrais te relire. Tu fais des fautes ou des changements de mots que tu verrais tout de suite en te relisant. Puis prends l'habitude quand tu passes brusquement d'un sujet à l'autre de faire un alinéa. Avec ces deux attentions, tu pourras comme tu le fais si facilement laisser courir ta plume et parler ton petit coeur. J'ai vu ta lettre à Mamie (?) Boulan - elle était bien; Bonne Maman est contente de vos témoignages d'affection et a tenu à répondre à Charles, malgré qu'elle a tant de peine à écrire maintenant.

Je t'enverrai des chemises par Marie. Si tu en avais besoin avant, demande à Clémence d'en laver une. Je te porterai une boucle pour cheveux. En attendant fais ton petit chignon ou mets un ruban.

Tante Marie qui sort d'ici fait ses amitiés à toute la maison.

Au revoir, Minette chérie. A ton tour à faire la distribution de baisers. Je voudrais bien sentir les vôtres.

Ta maman.

----- Valenciennes, 24 Août 93

Minette chérie

Ta bonne longue lettre m'a tenue compagnie hier soir comme celle de Charles hier à midi. Je vous lis et relis - ce qui ne m'empêche pas d'oublier vos demandes telles que l'adresse d'Hélène. Je ne sais si je la retrouverai. Ce doit être route de Bonsecours.

Quel bon bain et quel plaisir. T'en entendre parler donne envie de t'y voir. Encore aujourd'hui il y a a du avoir des vagues énormes car il fait bien du vent et il ne pleut pas.

Je ne veux pas te rendre triste et j'accepterai ton fuchsia en remplacement du cassé qui repousse mais tu le choisiras toi-même. En attendant je les soigne tous.

Ton interruption n'a rien de désagréable au contraire et une Maman aime toujours à entendre sa petite fille lui dire qu'elle l'aime bien; surtout quand comme moi elle sait que c'est si vrai, dis, fillette. Un bon baiser là dessus même au milieu de ma lettre, et je continue.

Profite bien de ta vacance, ne regrette pas Valenciennes - il n'est pas agréable en ce moment bien que la chaleur se soit un peu adoucie. La prochaine visite de Léon et de Marie et la mienne qui je pense ne tardera guère t'aideront à te rattacher à Wimereux. Marie est bien joyeuse d'aller te retrouver et compte s'amuser de tout coeur.

Hier soir, Tante Marie soupait avec moi, Tante Henriette et Maurice sont venus me dire bonsoir. Le pauvre Maurice s'ennuie passablement; je l'ai invité à partager mon dîner aujourd'hui puis comme ce n'aurait pas été très récréatif pour lui, j'ai invité Léon. Tante Elise a alors engagé Maurice à aller avec toute la bande à la Briquette cet après-midi. Il ne s'est pas fait prier.

Cela tombait assez singulièrement que ta demande de permission de ne pas te relire se croisait avec ma recommandation inverse; mais crois-moi tu aurais tort de n'en pas prendre l'habitude. Pour moi, j'aime à me relire, il me semble que je cause plus longtemps avec vous comme en vous lisant et relisant.

Ne penses-tu pas à communier ces jours-ci. Si tu allais samedi matin te confesser à Wimille, tu pourrais communier dimanche. Vois-tu pour être pieuse, il faut faire des actes de piété comme on ne fait pas de feu sans bois. Et puis ne t'inquiète pas - dis au bon Dieu: "Je vous aime bien" puis continue de rire et de jouer - comme tu fais avec moi.

Demande à Bonne Maman de te frictionner ton pouce de pied et surtout garde tes espadrilles.

A bientôt mon Anne Marie. Distribue tous mes baisers et garde ta part.

Ta maman.

Achète donc du papier à lettres. Je ne peux pas encore en mettre aujourd'hui.

Je viens de peser. Ce n'est pas trop lourd. Voilà donc ta feuille. Grands baisers à Charles.

(il y a deux lettres du 24 août)

----- Valenciennes, 24 août 93

Ma chère Ninette

Cette fois tu seras contente, je pense. Me voici prête à arriver demain t'amenant Marie - à laquelle vas-tu courir? Ta Maman ou ta grande amie - Oh! Je le sais bien va - ta maman pour te caresser et Marie pour jouer. En tous cas sois contente.

Encourage bien Bonne Maman. Je resterai jusqu'au mardi et reviendra à la fin de la semaine remplacer Bonne Maman qui je le vois m'aura fait un gros sacrifice. Marie et Léon comptent rester 8 à 10 jours.

Allons, bonsoir Minette, il est plus de 10h 1/2 mais je veux envoyer ma lettre de bonne heure demain pour que vous l'ayez le soir et passiez une bonne nuit.

Je t'embrasse et t'envoie ainsi qu'à Charles ma bénédiction du soir.

Ta maman.

Je suis bien contente que les fleurs aient fait plaisir à Mme Le Lupvre. Merci de vous êtres privés de tout suite(?) à Bonne Maman.

----- Valenciennes, 30 août 93

Chère Minette

En voyant ta lettre, je me suis écriée: Ils ne sont toujours pas noyés! Pendant mon retard à Calais, que j'explique à Charles, je pensais toujours à votre promenade. Je voyais le temps s'assombrir et je n'étais guère rassurée. Enfin le temps a passé sans tourner trop mal et j'ai espéré que ton coeur seul aurait tourné. Maintenant que c'est passé, je suis contente que tu y sois allée pour que tu n'aies plus de regrets.

Tu as été bien gentille de m'écrire; ta lettre est arrivée bien à propos - non seulement pour me rassurer mais pour me distraire de différents ennuis.

J'ai donné ce matin la volée aux trois pigeons. Ils sont sur les toits des environs. Rentreront-ils au pigeonnier? J'ai trouvé Mone encore grandi - tu le trouveras bien changé.

Prépare toi bien à ta confession et à ta communion. Outre l'intention du 2eme vendredi nous communierons pour Charles.

Tante Marie, je le dis à Bonne Maman, n'ira probablement pas du tout à Wimereux. Tu auras donc le plaisir de revenir avec Marie et Léon et de retrouver ta Maman et ton entourage plus vite que tu ne l'espérais. Tante Marie ne sait pas se décider à y renoncer mais je crois bien qu'elle s'y décidera demain et je vous l'écrirai aussitôt.

A bientôt ma fillette. Grands baisers à Marie et pour toi de biens bons, bons bons. Ta maman.

----- Valenciennes, 1er septembre 1993

Ma chère petite Anne-Marie

Allons, voici mon dernier mot. Il n'a d'autre but que de vous dire à tous cinq que nous vous attendons tous avec joie, que votre impatience est bien partagée. Nous serons à la gare Tante Elise et moi à 6h 57. Je suppose que vous savez bien vos heures de retour. Départ de Wimereux 12.57. Départ de Calais 3h11. Départ de Lille 5.40 par Douvin. A cette heure de 3h11 il arrive de la gare maritime après l'arrivée du paquebot 3 express successivement. Le 1er est pour Boulogne Paris - le 2e pour Bruxelles-Bâle - le 3e pour Lille. Tous trois sur la même ligne à 5 minutes de distance. Ceci afin que vous ne vous trompiez pas de direction ce qui ne ferait pas mon affaire ni la vôtre.

J'ai dîné chez Tante Jules avec Edouard, Marie et les enfants.

Je crois comprendre d'après vos lettres que vous pensez Mathilde partie. Il n'en est rien. Je n'ai pas eu lieu de la congédier. Je suis toujours indécise sur ce que je ferais pour la remplaçante de l'autre.

Quoiqu'il en soit nous ferons très bien le souper et je pense que vous n'aurez pas comme l'autre soir à mon arrivée à réclamer les choses les plus indispensables. Avec le souper, mes baisers vous attendent. qu'il était bon le retour autrefois!..

Au revoir, à bientôt mes enfants chéris, et aussi à toi chère Maman qui me les ramène fortifiés et bien portants.

Encore un baiser pour ma plus zélée correspondante.

Ta maman.

----- 10 août 1894

Ma chère petite fille

J'attendais avec impatience les nouvelles de l'arrivée. Je les ai reçues à 10 heures et Charles a été en faire part à mon oncle Jules. Comme te voilà vaillante! Plus malade du tout! C'est magnifique et engagera à t'emmener encore dans d'autres occasions.

Maintenant, j'attends des nouvelles de l'installation. Je souhaite tant que le chalet plaise à Maman et à tous, et vous soit commode et agréable, d'autant plus que cet affreux temps vous y tiendra peut-être plus que vous ne le voudriez.

J'ai engagé définitivement la bonne que m'offrait cousine Clémentine. Elle est petite mais on ne saurait trouver une manière de parler plus convenable et sa tenue est irréprochable. Elle n'entrera que le 20, et paraît enchantée. Celle de Sebourg me plaisait à demi - mais moins que celle-ci. Elle s'appelle Héléna et te connaît bien.

J'ai eu à dîner Maman Boulan. Dans la matinée j'ai vu Tante Elise qui venait d'avoir des nouvelles du départ - puis la visite de Mr Femle (?) qui m'a assez satisfait. (Dis cela à Maman).

Je viens encore d'être dérangée et j'ai à peine le temps de finir.

Mille bons baisers Minette chérie. Amuse toi bien et sois bien gaie.

Ta Maman

Charles de tait des grands compliments.

----- 11 août 94

Ma chère Minette

Peut-être aurai-je une petite lettre de toi ce soir mais j'ai déjà su avec plaisir que vous étiez contentes toutes du chalet. Toi tu y ajouteras des détails qui m'intéresseront.

Pour ne pas l'oublier, demande à Maman si elle a gardé celle de ses clefs qu'elle devait donner à Jules - qui n'en a pas. Lui et Bavay ont regardé chez elle et ne l'ont pas trouvée.

J'ai vu Tante Edouard ce matin. Elle venait me dire au revoir et n'a pas mauvaise mine malgré la fatigue de ses bagages. Demain Charles et moi dînons à la Briquette.

Dimanche matin - Je reviens de la messe et pendant que Bara et Charles se trémoussent à faire du bâton, je viens répondre à ta bonne petite lettre. D'abord sans être contente d'avoir cassé ta montre, il ne faut pas non plus t'en désoler trop. Cette pauvre montre n'a vraiment pas de chance. Qu'a-t-elle donc de casse? Le verre ou le ressort ? Heureusement, cela se raccommodera encore, il vaut mieux elle que toi. On peut la donner à Boulogne à arranger, et si tu es sans dans ta chambre, tu en seras quitte pour rester plus longtemps. Puisque ta chambre est si jolie, ce sera un petit mal.

Quoi, c'est toi qui as le balcon ! Es-tu favorisée? Et de là tu vas voir outre les bateaux ce coucher du soleil sur la mer qui te ravit tant. Peut-être aurez-vous cette fois trouvé l'introuvable chalet de mes rêves! Je connais la chambre, ce doit être celle ou était le petit Henri; il avait son lit à la place du lavabo.

J'ai très bien compris ton plan, mais je me permets de te donner pour le suivant un conseil. Tes meubles sont trop petits proportionnellement. Vois: ton lit a 2m environ n'est-ce pas et entre ton lit et la porte il reste plus que la même longueur, ce qui te donne 5m au moins à la chambre, etc. Apprends un peu à la fois à calculer les proportions. Envoie moi le plan de celle de Bonne Maman que je voies si tu as compris.

Ne fait-il pas trop froid couvre toi bien - il me semble que tu devrais mettre au moins un gilet de coton. Qui te coiffe?

J'attendrai encore une lettre de toi pour te répondre; allons sois bien sage, chérie. Je suis bien aise de voir que tout va bien. J'embrasse bien affectueusement Bonne Maman: ces petites visites me manquent. Amitiés à Tante Marie et mes remerciements pour toi à toutes deux.

Ta maman

----- Valenciennes, 13 août 94

Ma chère fillette

Assurément, tu as bien fait de me raconter toute ton histoire car je suis sûre que rien que me la dire avait déjà déchargé tout ton petit coeur même avant d'avoir ma réponse.

Je ne m'étonne pas que l'air de la mer t'énerve dans les premiers jours surtout après que tu t'étais efforcée de ne pas pleurer - cela passera, ne t'en étonne pas et sans doute c'est déjà passé. Je mets un bon gros baiser sur chacune de tes joues où il faut faire revenir les bonnes couleurs.

Avec tout cela, tu ne me dis pas ce que tu fais, s'il fait beau, ou s'il pleut, si vous pouvez sortir - si tu n'as pas trop froid. Charles est vexé de ne pas savoir à quoi vous passez votre temps. Tu n'en as encore rien dit.

As-tu trouvé le petit billet que j'ai glissé dans mon enveloppe (après l'avoir cachetée) pour te dire que ta broche était ici. Je la mettrai, si j'y pense, demain dans un petit panier que je vous enverrai avec des fleurs pour fêter cette bonne tante Marie. J'y mettrai aussi les pilules de valériane à prendre si tu es trop énervée.

Il n'est pas nécessaire que tu ailles voir Mme Le Lupvre chez elle, mais dis lui bonjour gentiment quant tu la rencontres et si tu as l'occasion de jouer avec Marie ne l'évite pas. Je tiens à ce qu'on ne trouve pas ma petite fille maussade quand ne serait que timide.

Hier, après le dîner, Charles a été avec Léon, Marie, Claire, Mme Pattu et Mme Nervu aux prix de l'école de la Briquette et y ont eu beaucoup de plaisir. Ils en sont revenus très gais.

Il y avait ce matin dans la carte de Bonne Maman une lettre de Fernand Lambin fils lui annonçant sa visite pour demain. J'ai répondu de suite que Bonne Maman était absente mais que s'il venait quand même je le recevrai volontiers.

Mon oncle Jules a encore gagné à la paume à Alben une belle raquette.

Je finis aujourd'hui notre déménagement. C'est celui des bibelots qui restaient (?) à la petite mansarde. On y a mis et ailleurs aussi des tartines pour les rats. Puissent-ils se régaler et nous laisser la paix ensuite.

Tes pigeons vont bien et Stop aussi. J'imagine qu'ils remarquent ton absence.

Au revoir, chérie. Charge toi de mes baisers à Bonne Maman.

----- 14 août

Ma chère Anne Marie

Il faut donc encore t'écrire aujourd'hui puisque j'ai encore une réponse à faire et que tes lettres arrivent si vite en retour des miennes. D'abord c'est à moitié ta fête aujourd'hui, c'est celle de la grande patronne et je t'envoie tous mes souhaits et tous mes baisers. J'espère que vous aurez reçu mon panier de fleurs - il a pris le train de 11h et doit vous arriver aujourd'hui. J'aimerais qu'on vous l'ait remis de suite car les fleurs seraient plus fraîches. Enfin mes souhaits pour Tante Marie seront en cas contraire plus sincères que les fleurs ne seront fraîches et tu lui en feras part.

J'ai trouvé le sable, l'ayas (?) et le bon air de Wimereux dans ta lettre. Charles était très content d'avoir enfin des nouvelles de tes passe-temps et s'y intéresse beaucoup.

Que je te raconte un gentil petit trait d'Yvonne Gérard. Dimanche soir, elle était près de moi sur les genoux de sa maman. Claire chantait et je l'écoutais avec ma pause habituelle la main à l'oreille. Sans doute ma mine lui a paru soucieuse. Je l'entends dire à sa maman "Elle est triste, Mme Boulan? " et sa Maman lui répond : "Elle pense à Anne-Marie". Là dessus elle s'avance et me donne de tout coeur un baiser dont l'intention consolatrice était bien visible.

Je ne pensais certes pas à toi avec tristesse, mais je n'en ai pas moins trouvé qu'elle avait un bon petit coeur et je lui ai dit l" Donne-moi encore un baiser pour Anne-Marie, je le lui enverrai". Et je te l'envoie.

Tu ne m'as pas encore dit ce que font et disent devant la mer Michel, Roro, Téten. S'amusent-ils bien?

J'ai mis sur ma cheminée de l'autre côté de celui de papa ton portrait le grand (?) que j'ai fait. De sorte que je te dis là bonsoir et bonjour comme à papa.

Charles ira dimanche à la paume à St Quentin. Il manque des joueurs et fera partie du jeu. Tu penses s'il sera anxieux de peur de faire perdre la partie aux autres.

N'as-tu pas oublié d'écrire à Tante Marie pour lui souhaiter la fête? Bon, et moi qui l'oubliais et Charles aussi. Heureusement il n'est pas trop tard.

Au revoir, enfant chérie. Surtout tâche d'avoir à me dire que tu t'amuses bien.

Ta maman.

Demain, je n'écrirai pas. Il faudrait écrire très tôt et je n'aurais que mes songes à te raconter. Auras-tu pu communier?

Surtout quand tu en as le temps continue à m'écrire comme cela. D'abord cela peut te servir de devoir de style puis surtout tu en as besoin et moi cela me fait beaucoup de plaisir.

7h Je reçois ta lettre approuve ton fraîchement (?) comme les chaussons et écrirai jeudi.

----- 16 août 94

Je reçois tes lettres bien régulièrement mardi soir - et ce matin parce qu'hier c'était fête. J'en suis bien contente tu es une bonne petite correspondante. Je vois avec plaisir que ton séjour se passe sans autre encombre que ce vilain temps. Il a fait beau hier. Aujourd'hui voilà la pluie revenue au grand regret de Charles qui comptait faire une grande partie de tennis après-midi.

J'ai su par mon oncle Jules que Tante Marie est contente de toi, de ta santé et de ta sagesse. Comme santé, n'as-tu pas eu de retour de la petite maladie ou n'est-ce pas le contraire maintenant. Il faudrait le dire à Bonne Maman bien simplement.

Tu ne m'as pas dit dans quel état les fleurs et les prunes étaient arrivées? et les trois pèches, les seules que j'avais? Je les avais mises à l 'intention de Bonne Maman.

Oncle Jules a déjeuné comme toujours et dîné ici. Charles va dimanche à St Quentin jouer au concours; te l'ai-je déjà dit ? Tu penses qu'il est très affairé!

Tante Marie Boulan n'avait pas reçu hier de lettre de toi. Elle y comptait et était un peu déçue. J'espère qu'elle en aura une aujourd'hui - elle tient tant à sa fête!

Je vais t'annoncer une nouvelle. Tante Elise m'offre décidément un des petits chiens noirs. Ils sont drôles au possible. Comment l'appellerons-nous? Comment est-ce Black au féminin ? Marie est très contente que ce soit ici que vienne un de ses favoris. Tant Elise en garde deux. Le jardinier en désire un, nous aurons le 4e.

Pour ton porte monnaie, je crois qu'il n'y a rien à faire. Une autre fois ne mets pas de mastic dans ta poche ni ton beau porte monnaie en semaine. Du reste, tu sauras, fillette, que le mastic ou du moins certain mastic est du poison et que ce n'est guère un bon jeu. Un baiser là dessus, pour te consoler de la tache du porte-monnaie.

Charles désire avoir s'il faut qu'il emporte un lit ou si on lui en trouvera un car il suppose qu'on lui destine la chambre sans lit. Je ne plaisante qu'à moitié - emporter un lit-cage serait faisable. Je suis bien aise de la description du chalet. Je vous y vois. Ce plan est bien mieux fait, tu as profité de la leçon, je t'en félicite.

Ne pense pas trop au retour, profite du présent, chère petite, et remercie le bon Dieu qui te le donne si gai. Je t'embrasse très très fort. Ta maman.

Sophie te remercie (?) bien des compliments et t'en fait à son tour.

16 (?) J'ai ta lettre fri... (?) Je ne comprends pas que tu n'aies pas eu de lettre car je t'ai écrit tous les jours sauf hier mercredi. Ne te tourmente donc pas si tu n'avais pas de lettre par hasard et mets cela sur le dos de la Poste.

Tu sais si je pense à toi - si je compte sur toi - Sois aussi raisonnable que tu m'aimes bien et tu seras toujours ma joie et mon aide. Je t'embrasse encore bien.

Dis à Bonne Maman d'acheter tout de suite pour toi un irrigateur neuf (nota: d'après un Larousse médical des années 30, il s'agit d'une sorte d'appareil à lavement). Le mien est mauvais et j' ? de le garder. Je comptais qu'elle aurait le sien.

----- 17 août 94

Ma chère petite fille

Je reste dans ma chambre aujourd'hui mais non dans mon lit et je m'occupe pour toi en pensant souvent à toi. Je fais ton tablier et me demande si ma lettre t'est bien arrivée cette fois si tu n'as plus eu la déception de voir le facteur te tourner le dos sans rien te remettre. Ce ne serait pas ma faute pourtant. Nous n'avons jamais compris Papa et moi ces caprices de la poste qui nous sont arrivés plus d'une fois - aussi il ne faut pas t'en faire du chagrin. Quand même, je ne t'aurais pas écrit crois-tu que je t'oublierais pour cela! Ne sais-tu pas que à chaque instant je me dis: Que fait ma petite Minette - Est-elle bien gaie, bien portante, raisonnable. Se promène-t-elle? Joue-t-elle avec les petites cousines? et ainsi de suite.

Ta lette d'hier me donnait la réponse au sujet de ta santé. Je n'ai pas pu, il était trop tard, envoyer hier l'objet en question. Aujourd'hui je ne sors pas et ne puis par suite aller fouiller chez Maman. Mais s'il y en a un là bas pourquoi n'achetez-vous pas simplement un ou deux bouts blancs- le pharmacien de Wimille en ai - j'en ai eu chez lui. J'étais persuadée que Maman emportait toujours le sien.

Je remercie bien Bonne Maman et Tante Marie de te soigner si bien.

Rappelle toi quand tu prendras des bains qu'il faut les prendre très courts, 5 minutes les premières fois.

N'avez-vous pas encore vu Hélène et sa maman?

Bonsoir - bonne nuit enfant chérie. Je reçois les baisers que tu m'envoies, te les rends bien affectueusement et te bénis de loin.

Ta maman.

----- Samedi 18 août 1894

J'ai été aussi attrapée que toi, petite chérie, en n'ayant pas de lettre au courrier habituel de 7 heures, hier soir. J'en ai même été un peu inquiète, la précédente lettre me disant que tu étais indisposée mais j'espère bien que si tu étais malade à ne pas m'écrire toi-même, Maman m'en avertirait aussitôt. Avec cette promesse là, je serai tranquille même avec un retard de lettre. La tienne avec celle de Maman me sont arrivées ce matin et j'en étais toute réjouie puisque tu vas bien,; que tu t'amuses, que tu te promènes. Quelle belle et nombreuse société, fillette! il me semble que je n'avais pas besoin de te recommander de ne pas faire la petite sauvage. Du reste, ce n'est pas dans ton caractère.

J'était bien aise que tu nous parles précisément aujourd'hui de Jacques Hollande qu'on disait ici si malade. Encore un exemple de l'amplification des on-dit. C'est comme le naufrage de la Marguerite. (En avez-vous entendu parler) ce navire de Boulogne qu'on croyait sombré et qui arrive à Londres à la stupéfaction générale.

J'avais déjà dit à Charles de chercher à savoir si Jacques le verrait volontiers. Je vois que ce sera bien facile et Charles lui écrit aujourd'hui pour lui annoncer sa visite. Il n'oublie pas plus que moi la prévue (?) de bon coeur de cet enfant. Je souhaite bien sa guérison.

Charles est à la teinturerie avec Maurice qui est venu dîner avec lui pendant que je dînais en haut. Je vais très bien du reste - aussi bien que possible - dis le à Bonne Maman.

Tante Elise va bien et toute sa maisonnée mais je ne m'étonne pas qu'elle n'écrive pas - il n'y a que nous pour être des écrivassières journalières. Les autres se contentent de penser, nous cela ne nous suffit pas, n'est-ce pas fillette?

Charles ne connaissant pas l'adresse de Jacques Hollande te charge de lui faire porter sa lettre.

Bonsoir, Minette, je t'embrasse et je t'aime de tout mon coeur - ne crois-tu pas que c'est dire beaucoup.

Ta maman

Il me semble que tu peux attendre pour l'irrigateur. Je le donnerai à Charles ou achetez seulement une canule.

Maman envoie ton bonnet de bain par la poste.

----- Dimanche 19 août 94

Ma chère petite Ninette

Non, je ne serai pas triste et je ne m'ennuierai pas trop toute seule quand Charles sera parti. Je penserai à votre plaisir comme j'y pense aujourd'hui. Je travaillerai car je compte être en bonne voie, j'écrirai, à toi d'abord puisque tu y tiens tant et c'est pour moi aussi une grande satisfaction et enfin je penserai que vous reviendrez bien portants j'espère.

Certainement, chérie, tu pourrais m'aider au bureau, et tu m'aides déjà plus que tu ne le penses à travailler courageusement. Puis quand Charles sera au régiment, c'est alors que tu m'aideras sérieusement. Enfin je compte tout à fait sur toi.

J'espère que tu auras reçu ce matin dimanche le petit paquet qui contenait ton bonnet de bain et le petit ustensile.

Je ne sais si cette lettre t'arrivera demain matin. J'en doute mais j'ai peur que demain lundi tu oublies même que les levées du dimanche sont supprimées et que tu l'attendes encore. Sophie portera après midi ma lettre à la gare.

Charles est parti avec Jules bien content mais un peu tremblant il a peur de faire perdre les autres. Ils comptent vous arriver demain soir. Je remercie bien Clémence de lui céder sa chambre elle va être mal couchée. Charles se réjouit bien de cette vacance. Il pense souvent à toi et s'intéresse à tes plaisirs.

Il est convenu que Black (puisque le nom est adopté) n'arrivera que quand tu seras ici. C'est un de ceux qui ont quelques poils blancs sous le ventre. Marie est fort contente aussi de le savoir ici.

Tante Marie a bien fait d'acheter un costume de main. Charles le reportera de l'argent. Tes fleurs sont bien soignées et les bêtes aussi.

Comme Charles t'arrivera demain soir je ne t'écrirai pas pour samedi matin - il te donnera les nouvelles et mes bises et des prunes etc.

Au revoir, fillette, embrase tout le monde pour moi.

Ta maman.

----- Lundi 20 août 94

Ma chère fillette

Avais-tu reçu ma lettre d'hier vous annonçant l'arrivée de Jules et de Charles pour aujourd'hui quand vous avez reçu la dépêche que Jules au dû vous envoyer pour vous dire que c'était remis à demain. Mon oncle Edouard désirait rester encore à Saint Quentin - il revient demain en bicyclette et Charles et Oncle Jules partiront à 4h. Ce n'est pas un jour de perdu, ils reculeront leur retour.

Charles est revenu hier à 11h - enchanté de sa journée bien qu'il ait perdu, mais ce n'était pas sa faute. Jules et Edouard perdaient aussi dans cette partie-là, mais eux et tous les autres, sauf Charles et Georges Giard, ont rejoué dans d'autres parties et gagné; de sorte que Charles et Georges sont les seuls qui n'ont pas de médailles ni raquettes. Cela ne les a pas empêchés de bien s'amuser et de rire de bon coeur car ils étaient tous très animés.

Charles était curieux hier soir; il n'était pas content que j'étais pas enchantée pour lui de la journée!

Héléna arrive à l'instant - C'est Sophie qui la reçoit et qui paraît très contente. J'espèrent qu'elles s'entendront bien.

J'envoie un petit panier de fleurs à Mme Le Lupvre. J'espère qu'elles arriveront présentables. Je comptais le faire de toutes façons mais c'est précisément sa fête le 23.

Pour tes bains, les prends-tu en te déshabillant à la cabine ou à la maison. Il me semble que tu te réchauffais beaucoup mieux quand tu revenais du chalet. La course avait déjà commencé la réaction. Surtout, pas trop longs. Pour jouer les pieds dans l'eau, n'en abuse pas mais en choisissant les moments cela ne t'a jamais fait mal.

Charles vous portera un panier de prunes.

J'embrasse Miroten de tout coeur. (NDLR: Il s'agit certainement d'une abréviatio pour Mimi, Roro et Téten, cités plus haut). L'expression est très drôle. Je vais répondre, certes, à mon petit filleul qui m'écrit si gentiment. Il faudra que je prenne ma main des grands jours car je crois qu'il ne déchiffrerait pas si j'écrivais comme à toi. A toi, je ne prends plus de précaution, je veux t'habituer à tout lire. J'adresserai à lui pour lui faire plaisir.

Je n'avais pas compris qu'il fallait envoyer aussi la dépêche. Je les gardais ici. J'en demande pardon à Maman. Embrasse la bien pour moi. Dis lui que je suis très satisfaite de ma santé. Pour toi chérie, je t'embrasse fort très, très fort.

Ta maman.

----- Mardi 21 août 94

Ma chère Ninette

Je voudrais répondre aux tendresses que m'envoie tous les jours ton petit coeur par quelques mots qui te fassent bien bien plaisir. Mais ne sais-tu pas bien, enfant chérie, que c'est absolument vrai que tu es déjà pour une grande part ma consolation et ma joie. Ta confiance m'est très chère. J'en suis très heureuse et je suis sure que tu répondras bien à toutes les espérances que j'ai pour toi.

Je suis bien contente de la façon dont tu passes le séjour à Wimereux. Continue de te bien porter, de te calmer, d'être bien complaisante pour les petits - très obéissante pour Bonne Maman et Tante Marie. Je te vois au milieu de tes nouvelles petites compagnes. Sois très simple avec elles, pas de prétentions, ne cherche ni à dominer ni à te faire remarquer, mais seulement à faire plaisir et c'est comme cela que tu t'amuseras le mieux.

Puis s'il se présente des contrariétés petites et même grandes à ton point de vue, tâche de les accepter en te calmant. Si petites qu'elles soient, c'est le Bon Dieu qui les veut ou les permet - alors il n'y a qu'à dire: oui, mon Dieu - et rester le plus calme possible.

Voilà un petit sermon pour toi toute seule. Je sais que tu le recevras bien. Je ne montre pas tes lettres; j'en ai lu à Charles ou à ton oncle Jules quelques passages qui devraient les intéresser ou leur faire plaisir, mais je garde pour moi ce qui n'est que pour moi. sois tranquille. Je t'écrirai demain comme d'habitude.

Tu me diras si tu le sais des nouvelles de mes fleurs à Mme Le Lupvre.

Charles te dira que ce qui m'a fait plaisir dans J. Hollande, c'est la pensée qui a eu d'écrire à Charles une lettre si pleine de coeur quand nous avons perdu Papa.

Au revoir, ma chère petite fille. Je t'embrasse avec tout mon coeur.

Ta maman.

----- Mardi 22 août 94

Ma chère Ninette

Il pleut encore! Toujours cette pluie si ennuyeuse - malgré tous les chants de coq que Jules me disait hier avoir entendus avec joie. J'en suis désolée pour vous tous et surtout les deux nouveaux habitants du chalet. Lucie qui ne demande assurément qu'à y rester dans la journée le moins possible. Je compte que ta lettre d'aujourd'hui me dira qu'ils sont arrivés à bon port, eux et tous leurs colis.

J'ai eu ta lettre hier soir comme toujours elle vient me tenir compagnie pendant ma soirée. J'y ai trouvé la belle petite pensée et suivant ton désir je t'envoie une plume de tes pigeons qui sont en bonne santé.

Après le dîner, je suis allée remplir leur abreuvoir - et prendre du grain pour le leur jeter. Je n'étais pas arrivée qu'ils étaient déjà tous quatre à mes pieds malgré qu'il y avait longtemps qu'ils ne m'avaient vue là; et j'étais affublée de ma mante! Ils recevaient sans fuir le grain sur le dos et je suis restée au moins 1/4 d'heure à les regarder picorer autour de moi. Puis, Jacques est venu me faire des saluts et ils sont repartis sur les toits où ils reçoivent la pluie sans parapluie.

Edouard a soupé, déjeuné et dîner ici, mais ce soir il va chez Madame Dubois. Sa société et ses visites me font plaisir. Je suis bien aise de l'avoir.

J'ai travaillé au bureau et même un peu au jardin - tiré quelques plantes fanées - c'est te dire que je vais très bien. Les reines-marguerites celles que tu as soignées en couche sont magnifiques. Je n'en ai jamais vues d'aussi belles. Il y en a qui ont bien 20 cm de diamètre, bien pleines et belles nuances. Tu les verras encore à ton retour. quant tu recevras ma lettre, ce sera dans 8 jours. Moi aussi je serai bien contente surtout si tes joues se sont remplies et ont pris de belles couleurs.

Avez-vous vu le portrait d'Etienne chez cousine Clémentine

- 7 h - 1/4. Je reçois ta lettre de ce matin. J'envoie le caleçon à Charles, colis postal. Il est trop lourd pour la poste. Dis lui d'aller le réclamer à la gare - pour ne pas payer le port à domicile. Il est adressé au nom de Mme Billiet.

Je suis contente que tu saches la mort de Stop. J'étais en peine quand tu m'en parlais. Demande à Maman, si elle ne l'a pas fait, qu'elle te montre la lettre que je lui ai écrit à ce sujet.

Tante Marie soupe ici avec moi. Nous relisons les lettres des Grands parents. Cela nous intéresse.

Au revoir Minette. Embrasse Charles et Bonne Maman pour moi et amitiés à tous.

Ta maman.

Gros baisers à Miroten.

----- Jeudi 23 août 94

Ma chère Anne-Marie

Il me semble par le récit de tes promenades que tes petites jambes se fortifient bien - à Boulogne à pied, à Ambleteuse à pied - à Aubengue - Tout cela est très bien et me fait plaisir; et moi, je me sens si bien ces jours-ci que je crois que si j'étais à Wimereux je serais capable de me promener aussi. Jusqu'ici, je n'ai pourtant fait rien de plus que la Messe ce matin et la navette entre le bureau et la maison, avec tour de jardin où l'on nage dans l'eau car il a plu, encore plu, plus qu'il n'en fait pour nos plaire.

J'ai eu une bonne petite lettre (grande même) de Mme Le Lupvre qui me dit avoir vu Maman et toi hier sur la plage avec tes beaux petits cousins. Donc il ne pleuvait pas. Quoi! Vous n'avez pas de cabine. Comment pouvez vous tenir alors? Du moins Maman et Tante Marie, car les enfants ne goûtent guère ce refuge. Mme Albert en avait un pourtant, même que la clef en a été perdue.

J'espère que si Charles n'écrit pas, tu me donneras des nouvelles de ses faits et gestes. J'ai envoyé le caleçon dès hier soir.

On a joué un peu à la paume ce matin entre les ondées. Ils n'était que 6 dont Léon.

J'ai eu pour les damoiseaux un refus de A Saonte (?), assez drôlement tourné. Je l'ai envoyé à G. Giard.

Je m'aperçois bien que je n'ai pas mon 1er employé bien que je ne fasse pas moi-même toute sa besogne mais je lui a donné congé bien volontiers et souhaite qu'il en profite.

Je vous embrasse tous deux, chers enfants et vous aime beaucoup.

Ta maman.

7h. L'heure du courrier est passée. Pas de lettre.

Bonsoir et bonne nuit.

----- Vendredi 24 août

Je ne t'écrirai que deux mots, chère Minette, afin que tu ne sois pas tourmentée encore une fois.

J'ai eu Bonne Maman à dîner, nous sommes allées ensemble à Aulnoye. L'orage nous a forcées à y rester trop longtemps et je suis à court de mon temps.

Je vais très bien. Je t'aime beaucoup malgré que tu ne m'aies pas écrit. Je vous embrasse tous deux bien fort.

Ta maman

Je mettrai demain de bonne heure la pèlerine de Charles en Grande Vitesse. S'il veut la réclamer elle devra arriver à 4h en gare.

Edouard écrira demain à Maman saura la réponse pour Mr Putin (?). Il a eu 11 voyageurs après-midi. (NDLR: 11 voyageurs de commerce au bureau?).

----- Samedi 25 août 94

Ma chère Anne Marie

Veux-tu d'abord dire à Maman que le trimestre de Gaston a été payé le 27 septembre elle peut donc être tranquille.

Voici donc que tu as été au restaurant et ce qui est extraordinaire c'est que tu en as été aussi enchantée que tu le supposais, car, règle générale, quand on désire beaucoup un plaisir, après l'avoir obtenu on dit: ce n'était que cela! Or je vois que tu as été hier satisfaite. Aux Armes de Zélande! rien que cela. C'est que Tante Marie a bien choisi aussi. Et le casino, le bal d'enfants! Je n'ai pas besoin, j'espère de demander si tu as aussi bien témoigné ta joie que tu me l'as redite. Je sais que tu aimes à dire merci.

N'as-tu plus envie de t'embarquer sur la Marguerite. Mme Namur (?) a passé le détroit aujourd'hui je suppose - du moins elle st partie ce matin pour l'Angleterre.

Tes pigeons me distraient beaucoup. Figure-toi que voilà quatre jours qu'ils ne prétendent plus coucher au pigeonnier. Ils sont se percher sur le petit de Mr Rambure (?). Comme on a vu un chat ces jours derniers dans la journée nous supposions qu'ils auront eu peur. Mais en revanche, il s'apprivoisent avec moi de plus en plus. J'arrive au bout du jardin, les voilà sur mes talons, ils volent autour de ma tête et tantôt je me suis mise à genoux près d'eux et ai mis ma main sur la planche où ils étaient à deux, mais sur petit mouvement, ils ont pris leur volée. J'aurai voulu les réintégrer de force dans leur nid; il n'y a pas eu moyen. Depuis je suis retournée leur donner du grain. Ils accouraient comme des poulets. je leur en ai donné dans le petit chemin et ai pu passer près d'eux sans qu'ils s'envolent. Ils ont reçu toutes ces pluies et ne s'en portent pas plus mal. J'ai envie de leur faire un pigeonnier dans le pignon.

Je n'ai pas encore de chien en vue sauf Black mais tu peux être sure que tu n'auras pas un danois. C'est traître. Tes fleurs sont en très bon état.

Embrasse pour moi le trio Miroten et Bonne Maman. Pour toi mes gros baisers.

Qu'a dit Michel de ma lettre.

(deuxième lettre du même jour)

----- Lundi 27 août 94

Ma chère Anne Marie

Puisque tu es si bonne correspondante, c'est à toi que j'adresse les nouveaux détails sur le désastre de cette nuit. Ma lettre à Maman était je crois aussi hachée que nos carreaux mais impossible d'être calme au milieu d'un pareil déluge.

Je vous l'ai dit, l'orage qui a commencé vers 9h a été redoublant d'intensité jusqu'à 3h du matin. Je ne pouvais compter, en allant vite, plus de 4 secondes entre chaque éclair et cependant le tonnerre grondait à peine (mais pour d'autres oreilles que les miennes). Tout à coup, vers 3h, j'entends un premier coup puis une telle avalanche que mon premier mouvement a été de m'écrier: "Je ne suis plus sourde, car j'entends à peine les fortes ondées. Mais je distingue bientôt les grêlons. Je regardais à la fenêtre. Le jardin était complètement blanc. Ces éclairs répétés me faisaient tant souffrir les yeux que je me recouchais et comme rien n'avait cassé à ma chambre, que j'avais (par bonheur) fermé les jalousies de vos chambres, je me rendormis plus tard sans me douter des désastres. C'est à 5h que Bavay vint me chercher pour voir la maison de Maman. J'ai fait tout défaire dans l'escalier de suite pour que le tapis ne tache pas le plancher. Impossible de mettre le pied sans écraser du verre. Mais tout cela se borne à 6 carreaux et un plancher à cirer. Le lanterneau est bouché en papier bitumé et à l'orage d'onze heures il n'y a rien eu. Chez nous tout le côté gauche du jardin et le fond sont abîmés, les tabatières des greniers, plafonds percés. Chez Maman Boulan, une vingtaine de carreaux. le jardin est moins abîmé, ce côté de la ville a moins souffert. A Aulnoye, le village a bien souffert, mais une fois l'école les dégâts sont moindres. Chez nous de 20 à 30 vitres, des fruits tombés mais les arbres et légumes sont sauvés sauf un prunier. Arches et Famais n'ont plus rien mais la Briquette et la maison de ville! C'est là que c'est pire (?).

A la Briquette, plus une fleur, plus une feuille aux rosiers, plus de vitre à la serre au raisins, - à la serre chaude à la tempérée, plus de fruits, les légumes écrasés, hachés. L'abri vitré seul est plus épargné - et par surcroît le toit (un toit neuf) est à refaire presque entièrement par derrière. Léon n'a pas pu sortir de son lit tant les vitres volaient dans la chambre et a du se réfugier sous ses couvertures. L'eau courait partout - enfin un désastre complet - et la veille tout était si beau, si gai, si riche!

Léon et Elise sont comme toujours calmes et ne... mais tu penses quel crève-coeur!

En ville la serre est démolie. Chez Edouard, je l'ai dit, je crois environ 100 Ces (?) heureusement à cause du dimanche tous les comptoirs étaient vides de marchandises. D'autres maisons, Thierry, Boulet, qui ont des lanterneaux sur des magasins ont de grands dégâts. La galerie chez Mme Carlier a beaucoup souffert. La Sagesse enfin tout notre quartier le faubourg Cambrai, la vue de Famais tout est triste, triste.

A 11h du matin, nouvel orage un seul coup mais il est tombé sur St Guy chez Vergins sont la cheminée est détruite et ce qui restait du lanterneau de Mr Lardelly.

M Harmagnier a beaucoup de dégâts, outre sa cuisine, des marchandises gâtées. On ne peut se plaindre lorsqu'on voit des gens ruinés comme Podevin, Othelard, Lemme. J'avais rapporté des fleurs d'Aulnoye. J'ai été les offrir à Mme Podevin et lui en donnerai d'autres pendant un moment. Elle pleurait devant ses fleurs écrasées par les débris de verre - il ne reste pas un carreau intact, pas une fleur non brisée.

J'attends de vos nouvelles avec impatience bien que je ne pense pas que vous ayez eu de la grêle mais vous avez du avoir de l'orage. La grêle n'a sévi que sur un cercle assez restreint. Edouard n'en a vu qu'à Prouvy et vous voyez l'autre bordure. (?)

Le jardin de maman Billiet a souffert certainement, mais peu proportionnellement. Le devant de la maison était le côté exposé. Mais les volets étaient fermés, rien n'a cassé et la maison a garanti le jardin. C'est ce qui fait que les dégâts sont moindres tandis que chez Elise la serre est exposée au midi.

J'ai reçu chère Minette ton petit bouquet. Il ma bien dit tout, tout ce que tu voulais qu'il me dise. J'espère que tu auras pu aller au cap Gris-Nez (et non pas Grinez) que tu te seras encore bien amusée ainsi que Charles.

J'ai un chien pour remplacer Stop. C'est à peu près la même espèce. Il est très bon et noir taché de blanc comme Stop était blanc taché de jaune. Qu'en dis tu si l'on appelait l'un Black et l'autre Negro. Celui-ci s'appelait Filou. C'est un vilain nom.

J'ai attrapé pendant qu'ils mangeaient près de moi deux des pigeons, Trinité et l'un des deux Aubray. J'espère reprendre encore au moins un des autres peut être resteront-ils au nid maintenant.

Au revoir, à bientôt, enfant chérie Le temps passe et bien vite car je t'assure que je me suis pas ennuyée aujourd'hui.

J'embrasse mon Charles et lui demande encore une lettre.

Embrasse Miroten aussi pour moi. que Bonne Maman se rassure bien. J'attends Jules à son retour.

Ta maman.

A la véranda de Maman les carreaux cassés sont loin d'être tous tombés. S'il pleut, Bavay y veillera. On a enlevé les ... etc. bouché la panne (?) de la salle à manger. Du reste, l'eau même cette nuit a été peu de chose, le plancher de la salle à manger n'a rien du tout

----- Lundi 27 août 94

Un petit mot à toi, chère enfant. Tu verras ma lettre à Maman. Je suis surmenée depuis ce matin mais je veux encore te rassurer sur ce qui t'intéresse spécialement. Tes pigeons n'ont pas souffert et en me levant je les ai aperçus de suite sur la cheminée. Tes fleurs en pot et mon coin de fuchsias sont intacts le vent chassait contre le coin de la fenêtre de Charles. De sorte que l'angle opposé intérieurement a été protégé. Ce coin fait contraste avec tout le jardin qui n'est plus qu'un semis de débris hachés. Pourtant la petite corbeille de fuchsias n'est pas détruite bien qu'un peu échevelée.

Edouard revient de St Saulieu, son lanterneau d'escalier est détruit mais l'eau a traversé la salle à manger qui est carrelée la cuisine (?) et n'a rien abîmé.

Chez Maman il y a eu très peu d'eau. L'escalier sera à recirer mais en bas il n'y en avait que dans le corridor et la véranda. Bavay y veillait du reste.

A ce soir une autre lettre. La tienne m'est arrivée ce matin comme un messager de paix au milieu de tout ce déluge.

Baisers tous.

Ta maman.

----- Mardi 28 août 94

Je suis si sure, chère Minette, que tu serais triste si tu n'avais pas ton petit mot que je n'y veux point manquer. Je ne veux point que ton gai "merci facteur" et tes sauts de joie soient suivis de regrets. Donc voici les nouvelles pour toi.

Le nouveau chien est vraiment beau et bon. Je pense qu'il vaut mieux que ce soit lui qu'on appelle Black et que ce sera le petit noir crépu ou frisé qui s'appellera Négro. Ce sera très bien trouvé à moins qu'on ne dise Négra ou Négresse!

La chaisière est venue me trouver ce matin pour m'offrir (en cachette) des chaises derrière celles Mme René Miot. Je suis allée chez Mr le Doyen que je n'ai pas trouvé et chez Mr Wilmeraux qui lui en parlera. Je regretterai et je sais bien que Charles regrettera aussi nos places mais je ne croirai pas bien faire de ne pas ma.. si je le puis plus à la portée d'entendre la parole de Dieu. Puis, on n'est pas obligé d'y aller toujours, au salut par exemple. Mais ces places ne sont pas encore cédées, nous verrons. Ce sont celles des dames Marguet-Flamme et je ne sais plus qui.

D'après Mr Wilmeraux, les dégâts à ND sont bien de 4000 F à la charge de la fabrique. La Sagesse évalue à 2000 les siens. Le toit n'étant pas achevé, l'eau a fait beaucoup de mal.

Je pense, chère petite, que voici mon avant dernière lettre. Comme je vais vous retrouver avec bonheur; pourtant j'étais si satisfaite de votre joie que je ne pensais pas à ma solitude.

Au revoir, fillette chérie à bientôt. Dis à Bonne Maman que je l'embrasse bien fort et que je pense bien aux regrets qu'elle aura de tous nos déboires.

Ta Maman. JB

J'ai eu ta lettre. Comme vous de moi. J'espère au moins que vous les aurez eues toutes deux aussi. La 1ere a été mise à la gare à 11h.

----- Mercredi 29 août 94

Ma chère Anne-Marie

Voici je pense la fin de notre correspondance et le facteur demain ne te dira point: Nonnin. M O J est arrivé à midi 1/2 pendant que nous dînions. Je l'espérais et nous avions tardé un peu sans toutefois l'attendre ne sachant pas s'il viendrait. J'avais aussi Mamie (Maman ?) Boulan. J'ai su par lui que vous aviez eu mes 2 lettres en même temps. Ce n'était guère la peine que je me presse tant à écrire. Enfin Maman aura eu une mise (?) plus tranquille que si elle l'avait reçu le soir mais je craignais qu'elle n'apprenne par l'un ou l'autre ce qui s'était passé et qu'elle soit plus tourmentée qu'en sachant la vérité.

Une des maisons les plus atteintes, c'est Fonfaine frères. Ils ont eu pour 15 000 F de marchandises détériorées. Elles étaient dans une cour vitrée.

J'ai rendu la liberté aux deux pigeons que j'avais pris après leur avoir enlevé 2 ou 3 plumes. Ils volent mais plus lourdement. Peut-être t'attendent-ils pour rentrer au pigeonnier et est-ce toi qu'ils guettent (?) sur le toit. Ils vont pour cela comme dans Malborough si haut qu'ils peuvent monter, et ne voient rien venir. Mais bientôt ma charmeuse viendra les attirer.

Bavay arrange le jardin. Il y reste bien peu de choses. Nous supposons que c'est le printemps qui va revenir. Comme tu seras contente de revoir tes boutures sauvées du désastre.

J'espère que Maman soupera avec nous vendredi suivant la tradition. Je regretterai bien de ne pouvoir lui rendre une maison plus propre mais elle verra bien par la comparaison qu'elle peut s'estimer heureuse. Si nous ne prenions part aux regrets d'Elise, notre part serait légère. Pour la tienne, en regardant tes petits fuchsias ébranchés tu diras comme moi en regardant mon toit: Deo Gratias. Il faut s'appprendre à cela.

Jules est très content de l'emploi de son séjour à Wimereux. Il avait bien bonne mine et me donne de très bonnes nouvelles de tous. Ah! que je suis heureuse que Maman et Marie vous aient encore mis à même de jouir de tout cela. Comme je vais dans 2 jours vous voir, vous embrasser, vous admirer avec plaisir, car je vais admirer votre santé. A bientôt donc chers enfants et en attendant bons baisers. JB.

1995

(NDLR) Suite de lettres en août 95. De Juliette Billet à sa fille Anne-Marie. Juliette est à Valenciennes, pas très en forme et travaillant. Anne Marie est avec la maman de Juliette à Wimereux. A l'hôtel il me semble. La villa Ste Anne ne doit pas être encore construite.

Juliette fait des efforts pour varier les thèmes. Les lettres sont d'ailleurs assez courtes. Un peu la longueur de ce que je faisais chaque semaine quand j'étaits à la Pierre-qui-Vire. Beaucoup de tendresse, d'embrassements. Se traduisaient-ils en baisers physiques quand elles étaient ensembles... alors que la phobie d'Anne-Marie pour les contacts physiques était bien connue.

Montée des moyens de communication, bien que la Poste semble marcher un peu moins vite que par le passé. Juliette s'en plaint. Le télégraphe est encore perçu comme une nouveauté. Apparaît la photographie, à quoi Charles, et sa mère, passent beaucoup de temps.

Le magasin ouvre le dimanche.

Anne-Marie semble très heureuse de l'existence. Un peu jalousement inquiète de sa mère, peut-être. Très contente d'apprendre à nager (ce point restera important toute sa vie).

Notations plus négatives pour Charles. Il aurait bien aimé rester en vacances. Revient à Valenciennes pour aider sa mère au magasin, mais apparemment pas de gaieté de coeur.

----- Samedi 10 août 1995

Ma chère Anne-Marie

"Voyage excellent - dîner exquis jardin beau temps". Voilà tout ce que m'a dit la dépêche que j'ai reçu à 4h 1/2. C'était dire beaucoup: donc tu n'as pas été malade. Vous avez pu manger au jardin et les petits pains et les oeufs durs, grâce au pittoresque de la salle à manger vous ont paru délicieux. J'était tout heureuse de vous savoir arrivés à bon port.

Les chaises sont arrivées, elles sont bien.

J'écrirai bientôt mais j'ai peur de manquer le départ d'Edouard si je fais attendre le paquet qu'il m'a offert de prendre. J'espère qu'il trouvera Pauline et tous en bonne santé.

Bons baisers à mes chers enfants et à Maman.

Ta maman.

C'est la première fois que je me sers de ce papier, mai mon autre est fini et celui-ci est celui que Maman m'a donné. Je t'embrasse encore.

----- Valenciennes 11 août 95. Dimanche

Chère petite Anne-Marie

Voilà de l'encre neuve qui ressemble à de l'eau et ma plume neuve qui allait comme une épingle!

Enfin je ne veux pas prendre plus de temps parce que je désire finir avant la Gd Messe pour faire porter ma lettre à la poste de bonne heure. Ma lettre d'hier était si écourtée qu'elle n'a du te réjouir qu'à moitié. Je ne pensais pas d'abord la confier à Edouard et je croyais avoir le temps de finir. Si je m'y étais prise comme toi à 4 heures du matin je n'aurais pas été attrapée, mais c'est bon à toi d'avoir de ces courages-là. Si je trouve une occasion de t'enverrai ta montre.

Comment peux tu croire, Mère (?) que je n'avais pas vu que derrière tes yeux souriants il y avait quelques grosses larmes qui désiraient se faire jour. Ton coeur était trop serré pour que je le croie dur et s'il faut te l'avouer j'en ai fait autant. Puis la raison a pris le dessus, mais j'était bien aise d'avoir la dépêche. A l'avenir, quand vous ne serez qu'à deux, au lieu de chercher à être seuls, montez plutôt où il y a une dame respectable, sa présence vous protégera contre les fumeurs, etc.

Eh bien! Des premières ! Ce train était pourtant celui que nous prenions autrefois. Cela ne fait pas encore une économie mais qu'y faire. Il fallait bien passer par là et en profiter gaiement.

J'espère que tu n'aura pas trop de mal à être bien dans la chambre aux malles. tu me feras encore un petit plan du logement nous verrons si tu te seras rappelé mes observations de l'an dernier à ce sujet.

Appelle dîner ou souper comme tu l'entends mais surtout ne t'imagine pas de mettre Black à table avec nous ici. C'est à ? que cela irait ce voisinage!

Je suis contente des bonnes nouvelles de Pauline mais comme Oncle Edouard est à Saint Quentin je ne pourrai lui en faire part.

Ce sera très bien pour le Mère. (?)

Hier soir, voyage (orage?) épouvantable. J'ai eu peur de recommencer un 28 août. A 9h 1/2 quand cela a été un peu apaisé, j'ai fait avec Clotilde le tour partout aux greniers aux magasins. Les plafonds de nos armoires sont encore percés. Aux magasins, de l'eau sans dégâts. Dis à Charles que M Delcour envoie encore 3 pièces pour Paris mais tiennent à ce qu'elles retournent à Lille.

Au revoir fillette chérie. Embrasse pour moi ton conducteur qui m'écrira bien un mot un de es jours. Embrasse bien aussi Bonne Maman pour moi.

Ta maman.

----- Lundi 12 août 95

Ma chère matinale

Se lever à 4 heures alors qu'ici on sort difficilement de son lit à 7 heures, c'est magnifique. Il est vrai que le lit de Wimereux ne vaut pas celui de ta jolie chambre mais enfin il faut bien que Val. ait quelqu'avantage sur la mer sans quoi tu ne voudrais plus revenir et cela ne ferait pas du tout mon affaire.

Rassure toi tu auras ta montre. J'ai fait demander à Mr Jules Giard s'il voulait bien s'en charger. Il ira mercredi à W. et la prendra; mais gare de la perdre et de la casser encore!

Je vois avec plaisir que vous êtes à peine arrivés que vous voici en excursion de tous côtés, mais celles que je n'aime pas, je l'ai déjà dit à Edouard, c'est celles en mer. Pour A M je m'y oppose tout à fait. Je permettrais bien à Ch. s'il y a lieu une promenade sur un grand bateau mais je ne veux pas payer une traversée. tout cela coûte trop cher d'abord. Puis j'ai peur. Encore un accident ces jours-ci une femme ménage d'Hauny s'est noyée dans une promenade en petit bateau. Assurément on avait dû leur dire qu'il n'y a pas de danger, on le dit toujours et cependant combien d'accidents. Pour moi j'était presque malade l'autre soir d'inquiétudes en pensant à cela. Soyez plus que prudents. Je veux garder ma tranquillité et... mes enfants.

Apprends-tu à nager ou pourras-tu le faire? Cela je veux bien le payer.

Pour les levées, je crois que tu ne dois pas compter les mettre au dernier moment car le train doit partir vers 11h, et je serai bien contente d'avoir ta lettre régulièrement.

Tte Elise vient de venir demander des nouvelles de Maman et des vôtres. Elle va avoir une cuisinière. Maman a-t-elle su qu'elle n'avait gardé l'autre que 2 jours. Chez Jules tout va bien.

Je soigne très bien les pigeons. Ils me distraient et je n'oublie pas les lapins.

Hier encore un orage et tantôt une pluie torrentielle. Le reste de la journée, beau temps.

La noce s'est bien passé. 25 personnes. Devinez qui servait à table? Les mariés. Bavay et Sophie 3 plats, tartes et chansons, et c'est tout.

Je t'embrasse, ma chère petite et fille et t'aime beaucoup.

Ta maman.

Embrasse bien ma chère Maman.

----- Valenciennes, mardi 13 août 95

Eh bien, ma grosse Minne, cela me fait plaisir de te voir si en gaieté. Pourquoi donc n'as tu pas accepté la proposition de Germaine? au fond, je suis sûre que tu as aussi du plaisir à m'écrire et que, à moins que lorsque tu abandonnes une partie de barquettes pour venir te mettre en tête à tête avec moi, tu ne voudrais pas céder ta place à d'autres. C'est cela qui est méritoire, et qui vaut bien de bon gros baisers.

Je n'ai eu ta lettre que ce matin. tu vois que j'avais raison en te disant qu'11h c'était bien risqué.

J'espère que tu ne prendras pas modèle sur les anglaises de la table et que tu resteras une petite Française bien simple. Je suis aise d'apprendre que tu aies bien dormi. C'est nécessaire. Et Charles a-t-il quitté son pigeonnier. N'y avait-il pas moyen à la rigueur de prendre une chambre à un autre hôtel et de manger avec vous. Voilà un des inconvénients d'un grand. Il y a encore un remède à cela, c'est celui de Procuste. Le connais-tu ?

Aujourd'hui, j'ai eu un ouvrier menuisier pour le volet et comme j'ai vu qu'il était adroit, je lui fais arranger les portes et les serrures rébarbatives. Les petites Jeanne et Marie enlèvent l'herbe dans les pavés de la cour. Elles n'avancent pas vite mais on en viendra à bout.

N'oublie pas d'écrire à Tte Marie si tu ne l'as déjà fait. Et à toi aussi, chère Ninette, je souhaite une bonne fête car la Sainte Vierge est aussi ta patronne et je la prie bien pour toi. Te rappelles-tu l'année où nous avons fêté Marie Boulan, Marie Giard, Marie Le Lupvre et toi.

Encore une ondée! Avez-vous aussi cet affreux temps? Edouard verra-t-il enfin sa veine de beau temps changée. Dis-moi s'il a été content de la santé de Germaine et si Pauline est tout à fait bien.

Rien d'autres à te dire d'intéressant. j'ai déjeuné avec Jules. dîné avec la famille de Louis-Philippe, soupé avec Napoléon. passé soirée avec Mac Mahon. N'est-ce pas que je suis en souveraine compagnie. Je lis "Les exils", le Correspondant avait un article sur Nap. et J. Parent m'avait apporté un prix (NDLR: sans doute un livre de prix) où il y avait l'histoire de Mac Mahon que j'ai gardé pour le couper et l'ai parcouru. Tout aboutit à la même réflexion. Cherche laquelle.

Là dessus, je t'embrasse bien fort en te disant à demain, en lettre.

Ta maman

Mes baisers à Charles et Maman. Ne sont-ils pas jaloux? Mais puisque c'est toi qui écris il est juste que ce soit toi qui lises.

----- Valenciennes 14 août 95

Ma chère fillette

C'est encore ce matin que j'ai reçu ta lettre. L'hôtel fait la levée à 11 h en portant si je m'en souviens bien lui-même ses lettres à la gare, mais le facteur, comme je te le disais passe plus tôt que cela. Si ta lettre est faite de bonne heure essaie de la mettre à la boite de Malahieuse (?) si elle est toujours là et je verrai si je l'ai le soir. La levée là, doit être vers 8h 1/2.

Je ne pense pas que je fasse à Bonne Maman et à toi le plaisir de la remplacer. Je ne suis pas malade mais fatiguée si vite encore. Quel triste mentor vous auriez. Ce serait un voyage d'aller à la place ! Entre cela et vos partis, il y aurait loin et tes lettres n'auraient plus pour refrain: "J'ai eu beaucoup de plaisir - c'était très amusant etc.".

C'est bien à M. Jules Giard que j'ai confié la montre. J'ai mis l'agrafe mais je crois que tu dois la laisser à la chambre. C'est trop scabreux attaché comme cela. Tu pourrais la perdre.

Te portes-tu bien? Tout est-il bien dans l'ordre. Fais-y attention n'est-ce pas.

Bonsoir, ma chère petite fille. Continue tes bonnes nuits et tes bonnes journées. Je t'embrasse bien fort.

Ta maman

As-tu dit à Bonne Maman que nous avions rencontré Mme Bertrand chez Tante Emett (?).

Mme Roger fait mille amitiés à Maman. Elle avait été avec Mme Dubois faire visite à Elise à la Braguiche.

----- Valenciennes, 16 août 95

Chère Ninette

Comme je ne t'ai pas écrit hier je vais essayer de faire partir ma lettre ce matin pour que tu n'aies pas si longtemps à attendre et puis je pense que le départ de Charles t'aura peut-être fait un vide et voici ma lettre pour le remplir tant soit peu.

J'ai eu ta lettre du 13 et 14 hier matin et celle du 14, je l'ai eu hier soir - était-elle dans la boite dès la matinée ou a-t-on fait un distribution après midi malgré la .. je n'en sais rien. Je n'ai pas dîné chez nous mai à St Saulve chez Jules. Mercredi soir, j'étais si patraque que je me suis décidée à faire dire à Maman Boulan que je ne savais si je saurais la recevoir.

Tte Marie répond qu'elle ne saurait bouger non plus. Puis voila qu'hier j'étais toute autre. Jules m'avait déjà invitée mais j'avais refusé parce que je comptais avoir maman et hier matin sortant de la Messe de 8h avec Marie il me dit "Quel dommage que tu ne puisses venir". Et là-dessus j'accepte. Il m'a fait chercher et ramener à 9h. A St Saulve, la procession était pas mal, assez bien de monde pour suivre des rues très très bien décorés pour un village. Dis à Edouard que c'est de sa porte que nous l'avons vue. La voiture a conduit Marie St Martine les enfants. Nous nous sommes assises un moment au jardin et quand la procession a été passée, nous sommes remontées en voiture et retournées chez Jules. Agnès a dormi 1/2 h au jardin sur mes genoux. Elle n'est déjà plus en maillots. Ses yeux sont noirs comme ceux de ses frères. Elle boit bien et dort bien. Etienne est très drôle. Je l'ai trouvé changé comme j'avais trouvé Françoise il y a 15 jours.

Je suis bien aise que Charles revienne et pourtant cela fait de la peine de ne pas le laisser en vacances, mais la teinturerie a besoin de lui et j'ai vu avec plaisir qu'il y pensait.

Ton plan est compréhensible et je vois ou devine ce qu'il aurait à y rectifier. Les proportions des huis et des portes doivent être à peu près bien. Ce qui est moins bien c'est je vais te le dire tout bas: des fautes d'orthographe - relis-toi - tu ne dois plus en faire du tout. Maintenant tu écris, je le vois, excessivement vite et je suis trop contente que tu m'écrives aussi pour regarder à l'écriture mais les fautes, il faut les laisser dans l'encrier.

Tu vas donc au salon de l'hôtel et vous y faites de la musique. Y étiez-vous seules?

Au revoir, enfant chérie. Comme Bonne Maman est bonne de courir après toi pour te donner ma lettre. je vais lui écrire aussi. Amitiés à tous et pour toi mes plus tendres baisers.

Ta maman.

----- Samedi 17 août 95

Chère Ninette,

Ta lettre m'est encore arrivée ce matin seulement. Elles passent toutes par Boulogne tandis qu'autrefois elles prenaient, tu t'en souviens le train de Calais que nous prenions pour revenir. Enfin j'ai ton bonjour au lieu d'un bonsoir.

Charles est arrivé à 12.27 avec plus de regrets que de joies. Il s'était si bien amusé que cela lui coûtait de rentrer mais il le faisait bien franchement quand même.

Hier il est allé voir Bonne Maman Maurice - la Briquette (où il n'y avait personne, tout le monde était à Bonsecours) et est rentré pour me donner la faciliter d'aller au salut. Ce matin, il est à Aulnoye.

Charles ma dit que tu étais allée seule le conduire à la gare (prends bien garde aux trains) et que tu avais le coeur gros de le voir partir. Je m'en doutais bien un peu; mais - en ce bas monde comme tu dis - il faut savoir suivre toujours la raison avant le plaisir et le sentiment; pourtant cela me fait plaisir à moi de vous voir bien unis.

Je pense aujourd'hui au voyage de Tte Edouard. Elle doit être si contente de revoir ses grandes filles bien portantes. Charles m'a dit qu'elles étaient fort bien toutes deux. quand Tante Edouard vous aura enlevé Antoinette, vous allez vous retrouver aux jeux des petites filles et surtout ne les dédaignez pas - ce sera le complément de la cure. Nous aimions tant, Papa et moi, à vous voir faire des grands forts, détourner des rivières, faire des canaux et aspirer en même temps le plus près possible l'air salé de la mer.

On commence donc à apprendre à nager. J'en suis contente. Tu me diras bien tes progrès. Le temps se remet au beau, la mer sera plus favorable.

As-tu reçu ta montre?

La réflexion amenée par mes lectures est que les grands sont moins heureux que les autres et que si au seil (?) il est plus facile de descendre que de monter au... il est plus facile de monter que de descendre.

En sors-tu de te coiffer seule? Puisque tu veux absolument savoir au juste comment je vais, le voici. J'ai eu comme souvent bien des petits malaises pendant la semaine, mais pas assez, Mme (?) tu as vu par mes lettres pour ne pas sortir. Ouf j'ai un peu mal dans ma jambe et je crois bien que je ne pourrai bouger de quelques jours, mais mon estomac est au mieux et je compte bien ne pas renouveler ce que j'avais eu il y a un mois. Tu sais que tu ne dois pas compter sur une lettre du dimanche, mais j'écrirai lundi à moins que ta lettre de demain ne me demande quelque chose. Je ne sais si tu avais ma lettre lundi matin. Donc sois tranquille et maman aussi à mon sujet.

Je t'embrasse bien, bien fort, fillette chérie et te charge d'embrasser pour moi ma chère Maman.

Ta maman

----- 18 août 95

Chère follette

Je ne sais comment j'ai tourné la phrase dont tu me parles mais il ne viendrait pas à l'esprit de te faire reproche de ce genre. Tu ne saurais mieux me témoigner toute ton affection que tu ne le fais et je suis absolument certaine d'être la première dans ton bon coeur. Sois donc bien tranquille là dessus.

Je t'écris ce matin dimanche pour te répondre à plusieurs petites choses mais aussi pour te dire que j'ai passé une bonne nuit, que ma douleur de jambe est à cent lieues de celle que j'ai eue et que je suis allée ce matin à la Messe, chose que je n'ai pas faite depuis bien longtemps dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui. Dis cela à Maman n'est-ce pas.

N'as tu pas été malade dans toutes ces excursions en voiture, ce serait bien un progrès pour toi. Je suis en effet fort contente que tu te mettes si vite à nager car de cette façon, tu auras le temps de savoir complètement cette saison.

Mais une fois que tu sauras, promets moi que tu ne vas pas t'écarter. Tu demanderas à Bonne Maman si outre tes leçons tu ne dois pas donner quelque chose à Jacques.

Donne tes pantalons à laver et des mouchoirs. Il ne faut pas être à court, et si tu étais sans acheter une paire à Boulogne en attendant les taures c'est du 65e comme taille. Du reste j'ai l'intention de t'envoyer comme je l'ai fait l'année dernière des fleurs pour Mme De Lupac (ou Le Lupvre ?) le 22. Je pourrai adresser à Maman et joindre quelque chose si cela t'est nécessaire mais bien pue.

Tte Marie m'a demandé ton adresse, donc elle compte te répondre.

Charles est parti à 7h1/2 pour Bellignies où il va avec Tante Henriette, Oncle Charles, Maman et Paul. Il en était bien contant et moi j'aime mieux maintenant que pendant la chasse - il vont dîner dans le bois et voir s'il y a beaucoup de faisans.

Si Tte Edouard est encore là, dis-lui mille amitiés de ma part. J'attends Edouard avec plaisir, nous causerons plus d'une fois de Wimereux.

Au revoir, enfant chérie. Continue de bien t'amuser, de bien te porter, de bien nager, d'être bien raisonnable et d'aimer bien

Ta maman.

Je t'embrasse bien fort ainsi que Bonne Maman.

C'est très bien pour les écailles (?)

----- Val. 19 août 95

Ma chère petite Anne-Marie

Je pense que tu auras été surprise et contente d'avoir une lettre de mois (s rayé) ce matin. (Tu vois que tout le monde peut laisser des fautes se glisser dans la plume). J'ai encore eu la bonne ce matin, elle ne m'a pas encore manqué un seul jour - et comme je la reçois avec plaisir! C'est que ce mois me semble long! Quand finit-il? Quand comptez-vous rentrer? Pourtant ne va pas croire que je suis triste. Je jouis tant de te savoir en bon air - t'amusant, te fortifiant, surtout par les chaleurs qui nous sont survenues. Il fait chaud et cependant le peu d'air qu'il fait se fait sentir désagréablement aux nerfs de ma jambe et je ne puis m'installer au jardin. Cependant je vais bien, très bien, je dors bien et d'ici quelques jours, je te reparlerai de mes promenades.

Je te refais un tablier et naturellement je songe à toi bien souvent pendant ce temps là. Charles vient me faire de petites visites car suivant ma chère habitude lorsque je ne suis pas vaillante je travaille dans ma chambre, mais je suis descendue déjeuner, dîner, et j'ai fait un tour au magasin.

Charles a été fort content de sa journée d'hier à Bellignies. Il y a là de beaux points de vue. Il a pris deux photos qu'il est en train de développer avec Paul Theillier qui va avoir aussi un appareil et vient prendre une leçon.

Le jardin est bien en fleurs. Les pigeons sont toujours sur les toits. Pâquerette couve bien - elle a eu ses deux oeufs et tu trouveras sans doute les jeunes à ton retour.

Je comprends bien, chère Minette, ce que tu as pensé en voyant arriver Tte Marie et surtout mon oncle Edouard. Cela ne me fait pas de peine que tu me le dises, au contraire, mais pense qu'autant que possible je t'aime pour Papa et moi et pense aussi à la joie de ton prochain retour.

Je t'embrasserai bien et en attendant je t'envoie mes tendresses, mes baisers et ma bénédiction du soir et du matin.

Ta maman.

J'oubliais de te féliciter de ton obéissance. Je le sais mais j'aime de voir que je puis compter sur toi.

Encore un bon baiser pour toi et pour bonne maman.

----- Valenciennes 20 août 95

Chère nageuse

C'est très bien. Je te félicite et la comparaison de Maître Jacques, pour n'être point des plus gracieuses, n'en est pas moins explicite. Continue donc de nager - c'est à un savoir qui à un moment donné peut devenir utile.

Je te remercie de tes bonnes prières - je m'en ressens - tu vois, car je vais bien mieux que je ne l'espérais. J'ai un peu aidé Charles aujourd'hui à ses photographies. Celles de Bellignies étaient très fines, mais le virage et le séchage ont encore des accrocs. Puis nous avons étalé tout ce qui était fait du voyage de Lourdes et nous sommes restés stupéfaits de tout ce qui est encore incomplet. C'en était presque découragent pour Charles et j'ai surveillé des papiers une partie de la journée mais c'est là la marche des choses. Le pire est ce virage etc.

Charles sur mon avis a demandé à Mr Copin de lui donner quelques leçons "pendant que la saison calme des affaires lui en laissait le temps". De cette façon on assistera quand on voudra. Il va prendre demain sa première.

Je ne sais rien de nouveau à te dire. J'ai vu Tte Henriette ce matin. Elle n'a fait qu'entrer et sortir. Je n'ai vu personne d'autre. si - Jules au déjeuner mais il n'a rien dit qui puisse t'intéresser.

Faut-il te dire que ta lettre que je reçois bien régulièrement toujours au matin est le grand plaisir de ma journée avec celui de t'écrire. Cela nous réunit, et je suis bien contente que tu sois une si bonne petite correspondante et une petite fille si affectueuse.

Au revoir, chère fillette. Je vais envoyer Charles faire un tour dehors - il en brûle d'envie. je le gardais pour n'avoir pas à aller au bureau.

Au revoir encore - pour tous mes baisers les plus affectueux - rends en une partie à Maman qui ne m'écrit plus.

Ta maman

Mlle Marthe Jacmard une ancienne élève de la Sagesse vient d'avoir un premier prix de piano au Conservatoire de Lille et va dit-on donner des leçons - peut-être en donnera-t-elle à la Sagesse.

Hortense a un ami à Tournon. (?) Les 1ers prix piano et solfège.

----- Valenciennes, 21 août 95

Ma chère Anne Marie

Je t'envoie comme je te l'ai dit un petit panier de fleurs avec le regret de n'en avoir pas fait un plus grand dont vous auriez eu une bonne part tant j'étais riche en fleurs aujourd'hui; mais vous ne pourriez les mettre que dans votre chambre à coucher et c'est ce qui fait que je n'en ai pas mis davantage.

Tu verras avec Bonne Maman s'il vaut mieux porter le panier tel quel chez Madame Le Lupvre ou s'il vaut mieux retirer les fleurs. Je crois qu'il vaut mieux les laisser mais si tu peux, tu reprendras le petit panier. Je ne retrouvais plus sur mes almanachs Ste Sidonie. (?) J'ai cru que je m'étais trompée enfin je l'ai trouvée sur celui de la poste.

Je te permets volontiers de faire le pèlerinage de Wimereux à Boulogne à jeun ou pas suivant que tu te sentiras de force ou que Bonne Maman te le conseillera. Je te crois bien plus solide que les années précédentes. Tu prieras encore bien pour moi, pour Charles, pour Papa et toutes ses intentions.

Décidément tu as des dispositions pour la natation. Charles a peur que tu nages mieux que lui. Mais je pense que tu n'auras guère à utiliser ton talent. Je prends note de ta promesse de ne pas t'écarter.

J'ai eu Edouard à dîner et naturellement nous avons bien causé de Wimereux. Je lui avait fait un gigot - il me semblait qu'après les dîners d'hôtel il devait voir avec plaisir un gros morceau devant lui.

Me Cacheux fait refaire à neuf le petit morceau de bois (sans doute un terrain boisé) qui fait suite aux nôtres et qui était si laid.

Charles revient de la Briquette - il est en nage. Mois aussi, je suis en transpiration et je sens que je me refroidis. Je m'arrête donc en t'embrassant de tout mon coeur.

----- Valenciennes, 22 août 95

Ma petite fille chérie

Je puis bien te dire que ta lettre m'a tenu compagnie aujourd'hui. Je m'ennuyais - et de temps en temps je la reprenais pour repasser un petit moment avec toi et t'entendre me dire toutes les bonnes petites choses que tu m'envoies. Cela me remplaçait le beau petit sourire que tu fais quand je suis tenue dans ma chambre et que tu viens me faire des petites visites.

Aujourd'hui j'ai réoccupé un peu ma chambre mais par précaution. J'étais si fière d'aller bien que j'ai peut-être été un peu trop vite hier et que mes malaises que je croyais passés sont revenus un peu. Cette fois je me suis tenue un peu en repos afin qu'ils s'en aillent tout à fait et que je puisse aller dimanche à la Briquette. Il fait une chaleur excessive. Le thermomètre à 30 degrés sud. Et vus, n'avez-vous pas très chaud ?

Pour les lettres, il est certain que la levée à la boite est à 8h mais elle n'est sans doute qu'à 11h1/2 environ à la gare. Ne t'en tourmente pas et n'y change rien. Si par hasard il y a avait quelque chose de pressé, vos lettres partant le soir arrivent à 10h 1/2 et puis maintenant il y a le teleg.

Tu as trouvé, je suppose maintenant le mot de natation qui t'échappait - ce qu'il y a de drôle c'est qu'en l'écrivant il y a 3 jours je l'ai cherché aussi et ai mis un autre tour de phrases parce qu'il ne m'est pas venu. Il est pourtant bien connu.

Vous aurez eu aujourd'hui le regret de voir que Jules renonçait à ses vacances. Il a beaucoup à surveiller à sa maison et aux affaires et y renonce. Je sais qu'il vous l'a écrit hier.

Je ne sais quelles questions te faire mais les plus petits détails m'intéressent. A quels jeux passez-vous votre temps sur la plage. Ne joues-tu plus jamais qu'avec Pauline et Germaine?

Je suis bien heureuse de voir que tu cherches si bien à écouter mes conseils. Cela me fait plaisir en effet tu peux en être sûre.

Surtout n'allez pas, toi et Maman, vus inquiéter parce que je suis moins vaillante aujourd'hui - cela n'est presque rien mais j'aime mieux me soigner que perdre du terrain. Cela ne m'empêche pas de coudre, d'écrire et de soigner des photos entre temps.

Cela ne m'empêche pas non plus de penser à vous et je vais maintenant décompter jusqu'à jeudi où je compte bien aller à la gare t'ouvrir mes bras et t'embrasser comme tu le souhaites.

Bonjour et baisers bien affectueux à Bonne Maman et à toi.

Ta maman

En relisant ma lettre je vois que j'ai mis trois "un peu" en trois lignes mais vraiment, à moins de mettre "un tantinet" je ne sais par quoi remplacer.

Au moment de fermer ma lettre, j'aime à te dire que mon après-midi s'est bien passée. A bientôt! 7 jours.

----- 23 août 1895

Ma chère enfant

Comment t'appeler aujourd'hui pour varier mon en-tête? Je ne savais pas que j'y avais mis jusqu'ici autant de variété. Je ne l'ai pas cherché mais seulement à te faire plaisir même par mon appellation. C'est une singulière chose que la coutume même dans les mots de tendresse.

J'ai lu tous ces temps derniers assez bien de lettres de mères. Mme de Chantal disait: ma chère fille, ma toute chère fille et aussi, ma mie. Mme de Sévigné disait à la sienne presque toujours: ma fille, et quelquefois aussi ma toute belle ou ma belle enfant. Plus tard on disait: mon coeur.

Eh bien, que préfères-tu dans tout cela? Pour moi, il me semble que "ma chère enfant" est le mot qui résume le mieux les sentiments maternels pour tous les âges - il est bon de se l'entendre dire à 10 ans comme à 40 ans - il résume la sollicitude, la tendresse de la mère, la confiance, le respect, l'affection de la fille à toutes les époques de sa vie. Que c'est bon à mon âge d'être encore enfant pour quelqu'un et que je souhaite retrouver bientôt la protection de Maman.

Voilà ce qui s'appelle discourir sur un mot.

Donc, enfant chérie, j'ai reçu ta lettre ce matin comme les autres jours, et suis contente ainsi. Mon enveloppe peu élégante doit facilement te faire reconnaître la mienne au milieu des autres, c'est pour cela que je ne la change pas.

Les Piérard doivent être à Boulogne. J'ai su que certains d'eux y étaient du moins.

Allons, décidément, voilà que tu nages tout à fait. As-tu remarqué que sans avoir vu ma lettre, Charles le disait à ce sujet à peu près comme moi. Le pauvre Charles souffre plus que moi quand je suis dans ma chambre, cela l'empêche de sortir en ce moment, il voudrait aller aux bains tous les jours. La température est plus supportable aujourd'hui.

Hier, à 8h du soir, il y avait encore 29 degrés. L'orage cette nuit a rafraîchi.

J'ai eu aujourd'hui toutes visites agréables. Ed et Jules naturellement puis Tte Marie-Elise, Marie Jules, Henriette, chacune leur tour. Edouard est allé à Tourcoing. J'ai dîné seule en bas avec Charles mais bien que j'aille bien, je n'ai pas voulu aller au bureau. J'y fais toujours plus que je ne veux.

Il me semble que les oeufs de pigeons vont bientôt éclore. Les pigeons continuent de se promener sur les toits sans becqueter les fleurs et aussi de se déplumer à petits coups de bec. C'est une race batailleuse. Peut-être finiront-ils par se calmer.

Au revoir, enfant chérie. Profites bien de tes derniers jours. Jeudi arrivera bientôt.

Je t'embrase bien fort ainsi que Maman.

Ta maman.

----- Valenciennes 24 août 95

Ma petite fille chérie

Comment avais-tu lu ma lettre pour avoir attendu mes fleurs et t'être donné tant d'embarras inutilement. Il me semble que j'avais bien mis pour le 22. Enfin voici deux baisers pour te payer. Merci à Maman et à toi de les avoir portées. Si Maman va encore à Boulogne et trouvait à acheter du perce-pierre, le petit panier pourrait servir à l'emballage. On en vend aux halles - je crois - et ce n'est pas cher.

Allons, décidément, te voilà une nageuse accomplie - il ne te restera plus qu'à avoir l'emplacement pour exercer ton talent. Je pense que Papa t'aurait bien félicitée. Et puisque je te parle de ton cher Papa, il faut que je te dise que depuis hier j'ai toujours à la pensée le petit mot d'amitié qu'il te donnait, lui, et rien que lui. Il disait "mignonne". Le mien en m'écrivant une fois que j'étais à Auchy avait adressé "gamine" et je m'en souviens bien. C'est demain la fête de mon Père. Je lui ai envoyé un bouquet n'ayant pu encore le porter moi-même. Dis le à Maman et que je pense à lui et à elle. je ne compte pas encore aller à la Messe demain. Moi qui croyais n'avoir à m'en dispenser que 3 jours, cela me semble long. Je ne puis pas me dire malade mais je travaille et ne puis me fatiguer. Aussi à dire vrai, je m'ennuie souvent et t'écrire m'est une chère distraction.

Je n'irai pas non plus bien entendu à la Briquette mais cela ne tombe pas mal parce qu'en acceptant j'avais oublié que j'avais déjà accepté chez Maman Boulan de sorte que je n'irai ni d'un côté ni de l'autre. Du reste à la Briquette j'aime mieux y aller en toute petite mission (?) pour moi, ou quand tu y es, s'il y a un peu plus d'invités; alors j'aime de te voir contente. Charles ira.

Figure toi qu'hier Maurice revenu du Quesnoy a été suivi par un agent de police qui est monté dans son compartiment et l'a suivi dans ... ? et finalement l'a arrêté - il recherchait quelqu'un dont le signalement ressemblait à celui de Maurice. Celui-ci n'a pas eu de peine à le convaincre de son erreur. Il n'était plus du reste qu'à quelques pas de chez lui.

Je crois que Crine N va répondre. Elle est souvent au nid. Sois sans inquiétude, je surveille bien les pigeons.

Quelle bonne surprise vous aurez eu de voir arriver Jules. J'en étais moi-même tout étonnée. Il n'y pensait pas ni Marie hier matin. Que ne puis-je en faire autant ! A dire vrai, cela me tenterait bien fort si j'avais de meilleures jambes, mais ce ne sera pas encore pour cette année. Ce qui sans ... 'est que vous reviendrez bientôt. Mille et mille baisers.

Ta maman.

J'étais bien contente de voir la lettre de Maman. Ne compte pas toujours pas sur une lettre lundi. Il faut la porter avant la Gd Messe et c'est assez difficile. J'arriverai mieux à écrire tout à mon aise dans l'après midi.....

----- Valenciennes, 25 août 1895

Mon Anne Marie chérie

Que te dire aujourd'hui? J'ai reçu ta lettre c'est mon bonjour, j'allais dire mon pain quotidien. J'ai profité qu'il n'y avait personne du côté du magasin à cause du dimanche pour trottiner un peu dans la cour et faire une apparition au bureau. (Ces promenades avaient pour but d'aller voir si le facteur n'était pas encore passé). A 11h1/2 j'ai eu la bonne petite visite de Marie Jules avec Soeur Madine s'en allant à la Briquette. Puis j'ai dîné, très bien dîné avec un extra - une belle portion de poulet que m'avait prélevé sur le sien Maman Boulan. J'ai voulu ensuite m'installer au jardin mais j'y avais froid - à la salle à manger, j'avais encore froid même les fenêtres fermées et je suis venue ici causer avec toi où avec mes deux fenêtres ouvertes je me réchauffe.

Encore une variété dans tes plaisirs que ce passage de l'escadre. Jules en a-t-il vu quelque chose. Je me suis appropriée ta lettre à Charles, la mienne se trouvant trop écourtée.

Te voici avec Michel et t'amusant je suis sûre à voir sa joie. Cela va achever de donner de la gaieté à vos derniers jours.

Je n'écris pas à Maman pour joindre ici la lettre de la cousine. Il y avait aussi une lettre de Goupil annonçant l'envoi. Nous nous informerons demain au camionnage ou au facteur car il ne dit point par où l'expédition de la boite contenant les montres.

J'ai vu avant hier Elise et l'avais trouvée beaucoup plus alerte que la dernière fois.

J'ai chargé Charles de faire la commission de Maman à Léon fils mais je pense bien qu'il passe par Calais.

Au revoir, fillette chérie. Dans 4 jours, je t'attendrai. Je suis déjà tentée d'aller voir à ta chambre si tout est à ton goût.

A bientôt donc. Embrasse pour moi Bonne Maman et garde pour toi tous les baisers que tu voudrais recevoir de moi.

Ta maman.

----- Valenciennes, 26 août 95

Ta lettre même un lundi m'est encore arrivée bien exactement au déjeuner. J'ai vu avec plaisir ton petit bouquet et son lien - il m'a dit tout ce que tu as voulu qu'il me dise: que tu t'amusais et que tu pensais à moi, même en te promenant, que tu m'aimais, chose que je sais amplement mais jamais trop. Et pour le payer m'avoir dit tout cela, je vais le garder bien soigneusement.

Mon oncle Edouard m'a apporté ce matin plusieurs photographies qu'il a prises à Wimereux et qui sont très bien réussies; je les voyais avec plaisir. Cette plage de Wimereux gardera toujours dans mes souvenirs un charme particulier: mais ce que j'ai surtout vu c'est toi et Charles - toi surtout parce que j'ai Charles maintenant ici. Toi, en barquette sur le Wimereux, assise dans le fond de la barque au gouvernail - toi debout donnant la main à Pauline et Charles assis entre vous - toi à côté de Charles contre le fort - c'est là surtout que j'ai aimé à te regarder - tu es là si sereine, (?) si contente, si animée que j'ai joui de ton plaisir. J'ai demande à Edouard de me prêter les clichés où vous êtes. J'en ferai des épreuves;.

A 10h 1/2 j'ai reçu une lettre bien bonne de Mme Le Lupvre. Ne manque pas d'aller lui dire au revoir. Je lui écrirai bientôt.

Tu as été plus surprise que je ne pensais en voyant arriver ce cher Mimi - on ne vous avait donc pas averti ! Charles m'a dit qu'hier à la Briquette Agnès était bien gentille et tous trois bien admirés. Marie était rayonnante de santé et de bonheur.

Aujourd'hui, je me suis occupée d'affaires sans vouloir m'installer au bureau, j'y ai refait apparition et j'ai envoyé Charles à la teinturerie où il était bon qu'il aille.

Léon est venu me faire ses adieux - peut-être jusqu'à Noël. Elise a ces jours-ci une grande amélioration de santé - c'est très visible. Edouard m'a dit qu'à St Quentin on allait bien aussi. Espérons que nous serons tous bien portants dimanche à la table de Bonne Maman.

Tu me diras à quelle heure vous comptez partir et arriver Jeudi.

J'oublie! Il y a deux pigeonneaux c'est moi qui les ai découverts. Hier les deux oeufs y étaient encore - tu vois si je les surveille.

Au revoir, Minette chérie - Je t'embrase de tout coeur bien fort.

Ta maman.

----- Valenciennes, 27 août 95

Ma chère Anne Marie

N'est-ce point ma dernière lettre? A quelle heure partez-vous jeudi ? Faudra-t-il t'écrire encore une fois pour mettre en choeur dans les remerciements, les adieux, les félicitations, que vous adresserez en partant à ce cher petit coin de terre qui vous a prodigué tant de bien être et tant de plaisirs. Il faudrait que tu me répondes à cela aujourd'hui( pour que je sois renseignée à temps. Peut-être penseras-tu à me le dire.

Quoiqu'il en soit pour mon compte, je te félicite toi, ma fillette chérie, de n'avoir pas manqué un jour à m'envoyer le compte-rendu de la journée et les témoignages d'affection et de confiance de ton coeur.

Charles t'a écrit avant de partir pour la Briquette - il avait une folle envie d'y aller et craignait que je le lui refuse parce que je n'ai pas encore voulu faire la besogne au bureau aujourd'hui. Je me vois toujours remise en bonne voie et puis au moment où je m'y attends le moins, je recommence à être mal à mon aise. Mais comme tu vois ce n'est pas sérieux puisque je suis en bas, que je fais même le tour du jardin.

Ne t'excuse pas de n'avoir pas demandé de nouvelles de ma santé. Tu me croyais bien tout à fait et tu vois que je t'en donne quand même. Ce qui me priverait à coup sûr, ce serait de ne pas aller à la gare, pourtant je n'ose le promettre mais j'y compte cependant. En cas où je n'y serai pas, je t'en prie ne t'en fais pas de chagrin, tu seras si vite ici - et je serai si heureuse de vous revoir toi et Maman.

Je vais avoir fini les photos, mais il y en a une quarantaine à virer. Je crois qu'ils ne seront pas faits avant que tu ne rentres que tu m'aideras. (NDLR: visiblement, l'usage ne s'est pas encore fixé sur "une" photo).

Tte Edouard rentre demain. Nous ne savons pas si c'est aujourd'hui que Jules rentre, ou s'il reste jusqu'à Jeudi. Ne croirait-on pas que nous nous sommes entendus Charles et moi pour parler de ses enfants. Pourtant, il n'a pas vu ma lettre.

Au revoir donc - dans deux jours -- ma petite fille chérie. Je mets toute ma tendresse dans les baisers que je t'envoie.

Ta maman

Je te souhaite bien bon voyage

(au crayon: les petits pigeons vont bien. mets au bagage le panier)

----- 28 août 95

Ma chère petite fille

Puisque tu ne pars qu'à midi, je vais donc te donner encore une fois la joie de recevoir une lettre quand ce ne serait que pour dire à Maman combien ce matin, nous regrettions, Elise et moi, qu'elle soit allée inutilement à Calais, surtout étant souffrante.

Elise était venue à l'heure du déjeuner pour être renseignée là-dessus. Ta lettre nous faisait faire des réflexions auxquelles nous ne trouvions pas de réponses. Comme la dépêche disant -demain- Maman était-elle partie de suite - enfin Jules en arrivant nous a expliqué que l'on vous avait dit la dépêche partie de la veille, alors qu'elle était bien partie lundi matin. Dans tout cela nous regrettions surtout la fatigue de Maman - nous espérons pourtant qu'aujourd'hui elle va mieux et que nous lui trouverons bonne mine demain, aussi bonne mine que nous la savons heureuse de revenir.

Clémence est rentrée ce matin. Les bonnes d'Edouard, hier, et Marie et ses enfants, ce midi.

La grande question que tu voudrais me faire c'est, n'est-ce pas, Maman seras-tu à la gare? Je n'oserai encore te l'affirmer mais je l'espère de plus en plus. Je ne suis pas encore sortie - peut-être me déciderais-je demain matin si rien ne vient plus entraver mes projets.

J'ai donne une partie des perce-pierre à Elise et suis en train de faire faire les autres - (Je vois ton hésitation sur l'orthographe de ce mot. Je ne saurais pas bien dire si l'on doit traduire perce la pierre ou les pierres, mais assurément il ne faut pas d's à perce). Tu as fait un bon marché - c'est très bien.

Je ne pensais pas que ma lettre mise Dimanche si à la Gde poste puisse t'arriver lundi matin, mais je pensais que tu l'aurais eue après midi et que tu serais contente.

Et maintenant, un court au-revoir - bonne route - et compte que je te garde toute la provision de bons baisers que tu désires tant - tout en t'envoyant ici un petit acompte - Enfant chérie, je puis bien te le dire mais j'ai grand faim aussi de te revoir. Je pense avec plaisir que ta chambre ne sera plus vide, que j'entendrai ta voix et ton rire, que j'aurai tes caresses - enfin que tu seras près de moi.

Demande à Bonne Maman si elle veut bien souper demain ici, que je passe la voir un peu, j'en ai faim aussi.

Allons à bientôt à demain.

Ta maman.

1896

----- Valenciennes 29 juillet 1896

Chère Ninette

Voici ta carte, ton bulletin de victoire, un vrai cri de joie! Tout va bien - tout est arrivé à bon port et si je ne me trompe - le coeur de ma fillette bien consolidé a pu savourer longuement les premières bouffées de ce bon air de Wimereux chargé de rendre des couleurs à ses joues et de la vigueur à ses jambes.

Aujourd'hui tu étrennes ta petite table voyageuse, devenue bureau - tu installes ta chambrette et en possession de ton chez-toi tu vas m'écrire une bonne causerie et un compte rendu plus détaillé de ton installation.

(en marge: Charles te fait mille amitiés)

Te dirais-je ce que j'ai fait hier. D'abord, je t'ai vue partir. Je ne saurais dire avec plaisir... mais enfin avec une satisfaction où l'égoïsme je t'assure n'avait aucune part, mais je veux d'abord ta santé et ta satisfaction. Après tous les sourires d'adieu, une petite larme a bien coulé de mes yeux en voyant fuir le wagon mais comme elle ne pouvait courir à sa poursuite, elle a disparu vaillamment et s'est changée en un autre sourire adressé à ton portrait où j'ai découvert le bon petit au revoir que tu m'avais laissé.

Après le dîner, je me suis hasardée à faire voir si Mr Mariage comptait venir. Bien m'en a pris; il n'était pas encore de retour et je me serai dispensée inutilement de ma visite à Aulnay. Je suis donc allée à la teinturerie. En route j'ai échangé un bonjour avec Elise puis avec Marie. J'ai trouvé une fois de plus qu'il était bon que j'aille là bas - et rentrée à 6h j'ai trouvé Charles son chapeau sur la tête, prêt à décamper.

Cette nuit a été beaucoup plus fraîche et je pensais que tu n'avais peut-être pas assez prévu ce changement. Ne risque pas de te refroidir. Ce changement de température demande quelques précautions. Ouf, il fait délicieux, l'air semble purifié. Je suis allée avant 8h à St Roch, le cheval devant partir avec Bara. A 10h, au moment où après des hésitations, je me décidais à ne pas aller aux prix, Mme Legneux (?) est arrivé avec son futur séminariste.

Charles n'osait partir - il était sur les épines - elle a repris le train de 11 heures. Paul a réussi comme on l'attendait. 1e prix d'excellence, 2 prix des anciens, ... etc. etc. Charles dîné là. J'étais invitée, mais mon pied quoiqu'allant beaucoup mieux ne peut encore être chaussé et pas de voiture.

Voici déjà un jour passé. J'attends avec impatience ta lettre de demain. au revoir, enfant chérie. Je t'embrasse bien, bien fort.

Ta maman.

----- Valenciennes, 30 juillet 96

Chère Anne Marie

Je ne perds pas de place auj. car il me semble que j'ai beaucoup à te dire. J'ai été, non à la distribution mais avant et après à la Sagesse. Avant, parce qu'il m'a semblé poli de prévenir la bonne Mère que tu n'y allais pas. Après, pour remercier la chère Soeur Marie-Théodore et te bien renseigner.

Tu as eu une mention Très bien. La chère Soeur ma dit qu'elle avait examiné avec la bonne mère tes places de l'année mais que te donner des prix d'après cela, comme il y avait des matières où tu n'avais pas concouru, c'était te donne une infériorité que tu ne méritais pas et que dans ton intérêt, il avait mieux valu ne rien compter.

Je disais à la chère Soeur que tu n'avais pas osé, malgré ton désir, venir lui dire au-revoir parce que tu craignais qu'on insiste pour que tu viennes; elle m'a répondu qu'elle comprenait que tu n'aimais pas d'y assister parce qu'habituée à avoir presque tous les prix tu devais être ennuyée de les avoir perdus. Elle paraît persuadée que tu as toujours tenu la tête de ta classe. Le livre qu'elle m'a remis pour prendre place dans ta bibliothèque. C'est une reliure sérieuse à la mode, dos et coins toile olive uni, le reste en papier de toutes nuances imitant la reliure de mon livre Jésus Christ - qui a pour titre "Les Chinois chez eux".

J'en ai témoigné de la satisfaction. Mais quelle bonne chère Soeur tu as et que nous nous comprenons bien. Elle ma remercié des paroles sympathiques que je lui avais adressés par toi. Elle m'a dit de te dire qu'elle prierait tous les jours spécialement pour toi à la Messe. Enfin (j'espère que ton goût de l'étude ne se laissera pas vaincre par ta paresse physique actuelle) mais je lui ai dit et elle en a paru très contente que pour te remettre au courant, je lui demanderai, si tu vas bien à ton retour, de te donner quelques leçons spéciales afin de prendre bien la tête l'an prochain, et de te permettre de faire un travail modéré mais régulier.

Sais-tu que je pense que tu ferais très bien de lui écrire. Les soins, les encouragements, l'affection qu'elle a eus pour toi ne méritent-ils pas un merci. Ton coeur reconnaissant dira oui - il ne faut pas laisser dire non à la timidité.

Pauline a eu plusieurs prix. Edouard paraissait content. Germaine une mention bien.

J'ai vu l'exposition. Yvonne était très bien placée. J'irai la chercher ou la ferai chercher demain. Il y a de très belles choses, vraiment. J'ai rencontré Madeleine Semaille. Elle a paru bien contente que je lui parlais. Je lui ai dit que tu avais du partir - elle eu aussi une mention T B.

Hélène a eu tous les honneurs - 1e prix d'honneur, d'excellence, 15 prix je crois. Clémentine est venue ensuite me dire au revoir. Elles partent samedi.

Edouard nous a rapporté hier de Tourcoing une invitation collective pour toute la famille pour dimanche. Je me suis chargée de répondre un refus motivé avec explication au nom de tous.

Je ne te dis pas quelle bonne surprise j'ai eue en recevant ta lettre ce matin à 8 heures, mais les dimensions du chalet et le chemin sablonneux ont achevé de me défriser. Dans ce chemin montueux, sablonneux, malaisé, il n'y aura pas les 6 chevaux et le coche de Lafontaine pour me hisser. Que faire? tu viendras loger à l'hôtel avec moi. Mais y aura-t-il de la place. On dit que non ici.

J'ai eu à 10h une lettre de Mme Le Lupvre qui n'a pas attendu votre visite. Elle me dit que Brunilda n'est pas loué. C'est dommage qu'il est si grand. Ne sais-tu pas combien elle le loue. La salle à manger est autre que la vôtre! Qu'allez-vous faire là dedans.

Si tu as une si belle fenêtre et une si petite chambre, tu as la fenêtre derrière ton lit - ne sens tu pas le courant d'air? Ou bien y a-t-il des rideaux. Il faut te garantir de l'air de la fenêtre par un moyen ou un autre.

Prends comme coiffure ce que portent les jeunes filles - de ton genre. Le canotier ciré tiendra-t-il la tête? Si oui ce doit être moins lourd qu'un béret.

J'avais bien cru comprendre ton action de grâces à St Antoine, mais sois très délicate et en tout sois pour Bonne Maman, une joie - un rayon de soleil. Etudie-la pour savoir ses goûts et y adapter ta manière d'agir.

Au revoir, fillette chérie. Dis moi comment tu te trouves et si ton genou ne se fatigue pas à ces montées dans le sable.

Je t'embrase bien fort.

Ta maman

Mon pied n'est plus que très peu enflé mais comme de petits boutons -qui démangent très fort.

----- 31 juillet 96

Chère Anne-Marie

Tes lettres d'hier nous ont un peu intriguées, Tte Elise et moi. Les proportions du chalet semblent se rapetisser - enfin s'il n'y a qu'à renoncer à danser ce sera peu de chose. Sera-ce raisonnable à cela près?

J'ai été surtout un peu préoccupée de ta fatigue, de tes malaises. Je crois que Bonne Maman a raison, qu'il vaut mieux pour les bains attendre un jour ou deux. Je ne te crois pas solide assez pour supporter de suite des bains et de fatigues régulières. Il ne tient pas à grand-chose que je n'aille m'en assurer par moi-même et mon imagination trotte en attendant mes jambes.

Serais- tu contente si je devançais le jour? Maintenant que je suis sûre de ne pas coucher à la belle étoile, je ferai peut-être un effort plus tôt. Wimereux m'attire comme un mirage. Ce dont j'ai peur, c'est la montée- Moi qui ai tant de peine d'aller sur la place ici, comment gravir la falaise? Je serai capable de n'en sortir qu'une fois pour aller à la Messe !!!!

Bon!!! en voilà du nouveau. C'est bien là la façon d'agir de cette chère famille Giard. Elise a loué les Buttes dont le locataire se retirait et part avec Léon et Marie. Si je les accompagnais! Car tu penses qu'elle m'y engage. J'aurai moins haut à monter. Tu y viendrais pendant mon séjour. Je ne sais plus que dire - cela me tente si fort!

J'ai eu tant de peine à renoncer cette année à un petit séjour là bas! Plus que tu ne l'imagines. Je m'étais bercée si longtemps de l'espoir d'une vacance de 10 jours. J'y ai renoncé parce que Maman ne pouvait revenir me remplacer mais Tte Marie s'offre de venir prendre ma place.

Elise avait à peine vu partir ses enfants qu'elle aurait voulu les ravoir. Elle est encore moins raisonnable que moi. Et puis elle aussi désire essayer de la mer. Ce chalet qui s'est trouvé à louer subitement à achevé de les tenter. Elle part lundi, je crois; Léon doit aller pendant 2 ou 3 semaines 3 jours par semaine à Paris - il fera un jour ou deux à Val. et le reste à Wimereux.

Parle moi de ton genou et ne le fatigue pas. Je te le commande.

Au revoir. je t'embrasse et ne fermerai ma lettre qu'au reçu de la tienne en cas où il aurait une réponse pressée.

7h. J'ai ta lettre. je vois que tu es enchantée de ta chambre et de ton séjour - et que je n'aurai qu'à jouer de toi à droite ou a gauche.

Amitiés à tous et surtout mes baisers et tendresse à Maman.

----- 1er Août 96

Chère enfant

Devines-tu la bonne nouvelle que je vais te dire? Oui, tu devines? Eh bien oui, c'est cela. J'accompagne ma Tante Elise et vous arrive lundi pour une huitaine. Il me semble de voir faire un bond de joie. Oh! si j'étais là, comme tu me sauterais au cou pour témoigner ta joie.

Mais, si j'étais là, je ne t'annoncerais pas mon arrivée. Enfin, c'est vrai, je suis décidée. Ma lettre d'hier était bien hachée. J'avais grande envie de cette vacance et ne savais quel parti prendre.

Seulement, j'accepte l'hospitalité d'Elise pour moi... et pour toi pendant mon séjour. Sauras-tu abandonner la petite chambre où tu te trouves si bien. A quelle chambre que nous soyons "aux Buttes" la vue ne sera pas si belle - mais si j'y vais, c'est pour deux raisons: 1° Me fortifier et me reposer 2° Te voir, voir l'effet que te fait la mer. Or, il est certain que l'escalade de la falaise serait pour moi une rude affaire, et que toi d'un côté et moi de l'autre, cela n'irait guère. J'emmène du reste Héléna, Elise n'emmène que Jeanne. Comme nous ne pouvons comme Maman aider à l'emménagement et qu'elle serait capable de se fatiguer une fois de plus, nous a moins mieux être au large comme service (?). Charles viendra le vendredi - soit à Wimereux, soit à la Fochette, ce sera encore un lit de plus à faire, car de cette manière il n'y aura plus à penser à l'hôtel.

En attendant, il reste ici avec Clotilde pour le ménage et Tte Marie comme compagnie - En revenant, je ramènerai Héléna.

Je laisse à Elise le soin de dire comment elle nous logera. J'emporte des draps pour toi et moi. Ne défais donc pas ton lit là bas. A la rigueur, la première nuit, on ferait pour le mieux et nous nous retrouverions le lendemain.

Tu as donc dû recevoir ma dépêche depuis 8 jours. J'étendais Mr Maugis bien que mon pied aille bien, je le laissais venir, le contremaître m'ayant demandé de lui demander des renseignements.

En même temps j'ai parlé de toi et il m'a dit que pour certaines maladies le bain pouvait être bon, mais qu'en revanche la fatigue des jambes était mauvaise et que pour ton genou, il fallait prendre longtemps des précautions. C'est encore une raison pour que tu viennes aux Buttes quelques jours. Pour que tu ne perdes pas le bain d'auj. et même peut-être celui de demain j'ai télégraphié, les lettres n'étant pas exactes le dimanche. Il est bien entendu cependant qu'en certains cas, tu arrêteras. Mr Mariage ne doute pas que je n'ai été piquée d'une bête venimeuse, il ne reste plus qu'un des boutons comme une scarlatine.

Elise est fort contente d'essayer de la mer - il lui semble qu'elle va enfin respirer à pleins poumons. Marie trépigne, se frotte les mains, m'a suppliée et presque arraché ma promesse de partir avec elle. nous prendrons le même train que vous.

Lundi, adresse donc ta lettre à Charles qui voudrait bien être encore en mesure de passer des vacances à Wimereux. S'il se tire bien des affaires, il ira une seconde fois la semaine suivante en allant à Etaples. Mets bien Maman au courant de tout cela si elle ne veut pas lire ma lettre. J'ai encore beaucoup à faire et ne pourrais que me répéter. Dis moi bien comment elle va. Et que dit Tante Marie? Mais au fait, tu ne pourras plus me répondre à cette lettre.

Au revoir donc, à bientôt enfant chérie. Porte toi bien et ne te fatigue pas.

Ta maman.

L'exposition n'est pas finie. On ne rendra les objets que lundi. Je les ferai chercher de bonne heure.

----- 2 Août 96

Ma chère Anne Marie

Tes lettres sauf la 1ere et celle d'auj. que j'ai reçue à 10h me sont toutes arrivées le soir. Calme-toi, Minette, je ne voudrais que mon arrivée te réjouisse ou t'impressionne au point de te rendre malade. - Ce n'est pas seulement au point de vue de ton genou que Mr Mariage recommande de ne pas te fatiguer, c'est pour l'autre indisposition.

Ne monte et descends que le moins possible. Je n'ai pas le courage de te dire de ne pas venir à la gare, mais ne cours pas à grandes enjambées. Suppose que je suis derrière toi comme ce sera bientôt, te criant: Pas si vite...

Si tu en avais besoin, n'oublie pas tes gouttes et pas froid aux pieds. Si ne peux prendre de bains tu ne peux davantage jouer dans l'eau.

J'espère que tu auras ma lettre demain matin. Je n'ai pas besoin de te demander de prier le bon Dieu que je fasse la route sans fatigue exagérée. Je crois qu'il te coûterait de ne pas coucher dans ma chambre dès le premier jour. En ce cas, prépare tes petites affaires - mets les par exemple dans ton sac à costumes de bains. pour n'avoir pas à remonter au chalet ce soir là. Ou bien montre à Maman où cela est - on ira les chercher.

J'ai été dîner chez Maman Boulan et non à la Briquette. J'avais oublié qu'on comptait sur moi. J'ai été à pied. Je n'en pouvais plus. A demain donc au train de 4h 1/2 environ. Je sui bien contente de te rejoindre.

J'embrasse bien ma chère Maman. Amitiés à Tante Marie et à tous.

Ta maman.

Il me semble que avec toutes mes recommandations je ne te dis que même pas à demi combien je sens que tu es heureuse de me revoir et moi de te soigner et embrasser.

----- 10 Août 96

Un tout petit mot pour vous rassurer sur mon voyage. Je suis arrivé à bon port. Jules et Marie Boulan avaient eu la bonne pensée de venir à la gare. Jules m'offrait à souper chez lui. Mani s'offrant à souper avec moi. J'ai accepté ceci.

J'ai vu Blanche à Lille.

Je t'embrasse chère Minette. J'embrasse mon grand fils et ma chère Maman. Amitiés et merci à tous.

Je n'ai pas eu la liste de Marie-Ed.

----- 11 août 96

Ma chère Anne Marie

J'ai reçu ce matin ta dépêche. J'étais bien contente. Cela m'a fait plaisir pour toute ma journée. De ton côté, je pense que ma lettre que tu n'attendais pas t'a fait plaisir aussi.

Nous sommes arrivées à l'heure à Calais et sommes allées manger notre dîner sur un banc du jardin. La pluie avait cessé - il faisait très bon. Héléna est allée au café demander qu'on nous apporte de la bière. Cela l'amusait beaucoup de manger comme cela.

Mais j'ai bien manqué manquer le train - me fiant sur un employé qui m'avait dit qu'on était avisé d' 1/4 d'h de retard. Je vais faire un tour et voilà que j'entends arriver le train ; j'ai pu courir et sauter en temps dans un wagon où j'étais bien placée. La route s'est bien faite et à Lille j'ai pris une voiture pour la rue Royale. afin d'être sûre qu'elle vienne me reprendre et faire plaisir en même temps à Héléna, j'ai demandé au cocher de la promener pendant ma visite pour lui faire voir les plus beaux monuments. Juge si elle était contente! Pas plus cependant que Mme Blance qui me témoignait sa joie d'une façon si franche et si sincère. Nous avons causé un bon petit moment, et nous entendons toujours aussi bien.

A la gare de Val. j'ai eu la joie de trouver Marie B et Jules, comme je te l'ai dit. Je sentais d'avance l'amertume de cette rentrée au foyer désert et leur présence m'a fait plaisir.

Ouf. J'ai employé mon temps à me remettre au courant au bureau et j'ai eu à peine le temps de monter à ma chambre.

Chère chambre ! Comme elle m'a fait sentir la douceur du chez soi ! Marie avait bien fleuri les portraits de papa et ces portraits me tiennent compagnie.

Continue de te bien porter - fais du moins tout ce que tu peux pour cela - ce sera me faire plaisir (jouers...) Je te quitte, Minette chérie et t'embrasse bien bien fort.

Ta maman.

Tu remettras soigneusement à Charles lui-même la lettre que je joins pour lui.

----- 12 août 96

Ma chère Anne Marie

Il est encore 6 heures lorsque je commence à t'écrire. Je n'ai pas encore trouvé 1/4 d'heure pour remettre mes petites affaires de voyage en place. Je ne puis rien achever tant je suis toujours dérangée. Ce matin - Mr Monchaux pour sa note, M Durieux pour l'assurance, des pièces à encaisser, et pour comble j'ai trouvé moyen de passer une grande heure rien qu'à goûter le bon air de la Briquette. Je désirais faire la commission de Tte Elise et ensuite aller à Aulnoye - mais je n'avais pour me conduire que Bijou qu'on attelait pour la 1ere fois à la petite voiture. Arrivée à la Briquette, je descends et aussitôt qu'on arrive à la porte il tourne comme pour entrer (Il devine sans doute une maison hospitalière !). Bavay veut le remettre sur la route mais Bijou tourne si brusquement qu'il fait voler en éclats le garde-crottes et moi de peur d'une nouvelle algarade et d'une secousse pour moi, je n'ai pas osé remonter avec lui. Bavay est allé jusqu'à Aulnoye et revenu avec Bichette qui m'a ramenée.

Jules, Marie Ed Michel et Roger soupent avec moi. Demain j'ai Maman Boulan.

Je t'envoie une lettre que la chère soeur m'a fait prier de t'adresser. Il est facile de voir que tu lui as fait sincèrement plaisir.

Je pense que le petit cadeau de Tte Elise te sera profitable si tu veux continuer avec persévérance de noter les plus belles pensées que tu trouveras dans tes lectures. Tu acquièreras ainsi une collection plus précieuse que tant d'autres et qui ne te laissera aucun regret. Puis ces pensées que la plume transmet au papier s'impriment en même temps dans la mémoire et dans le coeur ; l'esprit se meuble ainsi le jugement se forme et à l'heure où le coeur en a besoin, elles reviennent naturellement lui faire du bien - le relever, l'encourager le consoler.

Ne pas écrire, c'est, il me semble, faire comme une personne qui se contenterait d'admirer perpétuellement de belles choses sans chercher à en acquérir aucune - c'est se trouver devant une table chargée de mets et ne pas s'en nourrir, c'est mettre son trésor dans une bourse sans fond. De plus, comme tu l'as déjà senti, ce recueil fait connaître une personne et les dispositions actuelles de son esprit. Dans le mien, il est des pensées qui seules, dans les mêmes livres, m'ont frappée depuis 93 et que je n'avais pas remarquées dans la possession de mon bonheur.

Ceci est bien sérieux pour toi. Faut-il te dire maintenant que j'ai vu aussi l'effet du troupeau de vaches se détachant sur le ciel, que les 8 petits lapins absolument pareils à leurs parents jadis vont tous très bien. Que Jules compte passer au moins un jour à Wimereux et qu'enfin je compte joindre pour toi au jupon de Marie et aux bas un corsage blanc tout pareil à celui de Marie.

J'espère que ta lettre me dira que tu continues d'aller très bien.

J'écrirai demain à Charles - dis lui qu'on compte sur lui pour accompagner la Messe à Etaples. Oncle Edouard lui portera les parties.

Je t'embrasse sur tes deux bonnes joues. J'embrasse aussi mon grand fils et Maman. Amitiés à tous.

Ta Maman.

J'ai ta lettre tout va bien. Je suis bien contente.

----- 13 août 96

Ma chère Anne Marie

Comme je suis contente de tes lettres. Tes promenades qui te font plaisir, ta santé qui se fortifie, et ces bonnes lectures et conversations avec Marie qui te font un bien moral pendant que l'air de la mer te fait un bien physique - tout cela me fait plaisir à lire et ensuite à penser. Continue donc à progresser de toutes les façons.

La pensée que tu as choisie pour commencer est très belle. Comme la vie serait embellie si tous, nous la mettions en pratique constante.

Tu peux écrire à Amélie Décle - en ne promettant pas trop de relations.

Je viens d'aller faire un tour à la basse-cour. (Toutes les nichées vont à merveille. J'ai fait faire aux pigeons un petit abreuvoir en zinc.) J'étais fatiguée d'écrire et de toutes sortes. Le dîner m'a mis en retard - puis j'ai écrit à Mme Legrant et pur elle à Mr le Doyen. C'est son 25e anniversaire de mariage - elle désirait des messes à ND.

Je ne t'écrirai pas davantage ou je n'aurais pas encore fini aujourd'hui. Je compte sur Charles lundi - je vais du reste lui dire un petit bonjour.

Au fait ce sera pour demain si j'ai reçu quelque chose de lui. Dis-lui que je l'embrasse de coeur - Soupe-t-il avec vous? ou avec Maman ? A quoi passe-t-il son temps?

Je n'ai mis que 2 p de bas, les neufs ayant besoin d'être passés à l'eau. je te les enverrai colis postal.

Bonsoir, Minette chérie. Je te bénis tous les soirs ainsi que Charles.

Ta mère.

----- 13 Août.

----- 14 Août

Ma fillette chérie

J'allais m'installer au jardin pour t'écrire afin de t'en donner plus facilement des nouvelles en en goûtant les charmes mais...

Eh bien m'y voilà. J'allais dire que la pluie commençait à tomber et cela m'a fait penser que j'y avais laissé un livre. Et au lieu d'aller chercher mon livre j'ai pris ma plume et mon encrier. Il est joli en ce moment, le jardin. Qu'il m'a paru vert et fleuri en rentrant, un petit (nid ?) de verdures et de fleurs et j'aime à y venir. J'y ai même dîné aujourd'hui - sous l'orme pleureur. Ton rosier a toujours quelques roses - les géraniums lierre du rocher fleurissent - mes fuchsias - mes géraniums, les ageratums-flox étagés contre le mur du fond sur lequel fleurissent encore liserons, capucines etc. font un joli effet et cela me repose de me trouver là.

Les petits lapins ne sortent pas encore du nid, mais il gigotent. Je gâte les pigeons avec de la mie de pain. Hier, prenant pitié du petit compagnon de Trine, j'ai eu l'idée de mettre celle-ci en cage et d'enfermer ensemble les deux huppés - pour voir si l'on ferait bon ménage. Il n'y a bataille ni d'un côté ni de l'autre. Trine et son voisin se regardent un peu défiants mais c'est tout. Le plus en peine c'est Ayets, qui semble mécontente de se voir à la porte de son second nid - il est trop gourmand. Dans quelques jours, je remettrai Trine et le Gd Pierrot dans le nid et retirerai les deux huppés si cela va bien. Les autres jeunes commencent à sortir.

Je suis stupéfaite de te voir faire avec facilité de si grandes promenades. J'espère qu'encore auj. tu me diras que tout va bien. Sois toutefois bien raisonnable. Oncle Ed a du vous arriver ce matin. Que dis-tu de mon adresse involontaire pour réussir sa photographie en juge. N'est-il pas très bien? Est-tu contente du corsage blanc? N'est tu pas trop pressée des bas?

Le vent monte fort mais je tiens bien Aïe ! ... il a fait pluie.

J'ai voulu rentrer par la relaverie. Elle venait de laver le ... J'y glisse et fais sauter mon encrier et me suis du coup mise à lui jeter à terre de l'eau à volonté pour rincer - une autre fois elle n'y regardera pas de si près à la jeter d'avance et je ne risquerai plus de me jeter à terre. J'en suis toute secouée.

Dis à Charles qu'il prenne le train dès lundi à 7 env, je crois, de façon à être ici à 1h 45. Je suis trop fatiguée pour ne pas croire que lundi j'aurai besoin de lui.

Je suppose que tous deux vous communierez demain. Aime bien la Sainte-Vierge, elle est la patronne spéciale. C'est une Mère qui ne te quitte pas.

Au revoir, enfant chérie. Je t'embrasse très affectueusement. Dis à Charles que je pense bien à lui. Les affaires vont leur petit train et me donnent de l'ouvrage. Je vais dîner demain chez Tte Henriette.

Encore deux bons baisers. J'embrasse aussi ta compagne de chambrée.

----- 16 Août

Chère Ninette

Je ne t'ai pas écrit hier. Ma lettre avait beaucoup de chances de ne pas partir et puis tu sais ce que c'est que le Dimanche ou les jours de Fête et comment en étant censée libre on l'est peu. J'ai communié à la Messe de 7h. Je suis retournée à la Grand-Messe. J'ai été chez Maman Boulan voir passer la procession. De là je suis allée avec elle dîner chez Tte Henriette. je suis revenue pour aller aux Vêpres à 4h. Il était 6h quand je suis rentrée. Entre temps, un peu de soin aux pigeons, voilà ma journée. Ajoutes-y beaucoup penser à mes enfants, prier pour eux - et c'est tout.

Aujourd'hui Maman et Marie viennent dîner avec moi. Je suis mal à mon aise. Je n'irai pas à la Gd Messe. J'irai voir Melle Dierily et peut-être faire la caisse que je n'ai jamais pu achever en semaine. Je voudrais que tout soit d'accord quand Charles s'y remettra. Je compte bien qu'il m'arrive demain à 1h45. Je ne lui ai pas écrit puisqu'il sera à Etaples. Je n'irai pas le chercher à la gare. D'abord je n'ose pas me risquer avec le cheval - puis il aura sa bicyclette. Bavay y sera pour sa valise.

Voilà Héléna qui vient chercher ma lettre elle doit aller de bonne heure chez Maman dire ce que nous faisons. Je finis donc. Je t'embrasse bien affectueusement - et suis heureuse de voir mon Charles demain. Il aura à me raconter sa journée d'hier qui m'intéresse et bien des excursions. Bons baisers.

JB

----- Lundi 17 Août 1896

Ma chère petite fille

Voici une lettre datée. Tu as raison. J'aime aussi les dates et je ne sais trop comment si habituée que je suis à le faire dans les lettres d'affaires je l'oublie avec toi ; c'est sans doute que j'ai tout de suite devant les yeux non l'obligation d'écrire mais le sourire ou la joie de ma fillette recevant ma lettre. Elle aura eu une déception - ma petite correspondante - en n'ayant pas hier son bonjour journalier - n'a-t-elle pas été triste? J'espère que non et que sa déception aura vite été remplacée par l'espoir de la lettre du lendemain.

Bien amusante ta promenade à Souverain Moulin et aussi bien racontée. Tâche de n'attraper pour ton compte ni coup de pelle, ni coup de soleil, ni aucun accroc et suppose souvent que je suis derrière toi et que retentit à tes oreilles mon habituel "prends-garde".

Je pense que ton séjour aux Buttes t'aura valu un exercice très salutaire. Que font pendant ces excursions les habitantes de Margence. Très bien aussi pour les courses de ménage mais surtout sois bien réservée. Je te dis cela parce que je sais que tu excèdes plutôt la politesse. Sois toujours aimable mais digne, de façon à ne jamais permettre à qui que ce soit la familiarité.

J'ai, en effet, tiré un autre cliché de mon oncle Edouard en juge et j'ai très réussi sans le vouloir. J'ai fait plus de pose qu'Edouard ne m'avait indiqué - il se retenait pour ne pas crier "arrête" - si je n'avais pas eu cette distraction, il n'y aurait pas eu assez de pose. Je crois que vous le trouverez très bien.

Le pauvre Léon Cacheux a perdu son père. Je m'en étais informée cette semaine et étais surprise d'apprendre qu'il ne descendait plus. Je ne pensais pas qu'il eut une maladie sérieuse. Ce matin en entrant eu bureau, je vois la mine défaite de Léon qui venait d'arriver et à l'instant même entrent deux femmes qui venaient le rechercher, son père était mort. Il aurait bien dû ne pas le quitter.

Heureusement pour moi que Charles rentre. Aujourd'hui, je resterai plus volontiers dans ma chambre qu'au bureau.

Je viens de voir Jules qui ma donné des nouvelles. Tu me diras comment va Léon fils. Je tâcherai d'écrire à Maman.

Je viens de faire descendre la maison de poupée (on nettoie à fond le grenier) et vais la renvoyer à Tte Jules.

4h. Charles est arrivé. Il est bien content de sa vacance et moi de le voir revenu.

Je n'écrirai pas encore auj à Maman. Je suis trop mal à l'aise mais tu sais ce n'est rien.

Je t'embrasse bien tendrement. J'ai été hier voir Mlle Desély.

Juliette Billiet

----- Mardi 18 août 96

Chère enfant

Tu as donc été triste de cette lettre manquée - mais c'est oublié maintenant - rappelle toi cependant que cela pourrait encore arriver lundi - vois j'achève ma lettre le samedi soir et il faudrait écrire dimanche main, et faire porter ma lettre. Enfin, ne t'effraye pas si cela recommence. Tu sais comme j'appréhende de faire courir - et puis vrai que puis-je te dire que tu ne saches "Je t'aime bien et te souhaite une bonne journée et pense à toi". Voilà une litanie que tu peux aimer à entendre mais que tu devineras bien - n'est-ce pas, chérie.

Je suis bien contente de tes résolutions de travail sérieux. Oui cela me ferait bien plaisir et j'espère avec toi que ta santé va être bien fortifiée. Mais pourquoi parles-tu de retour dans une dizaine de jours? Je suppose que Tte Elise ne reste pas jusqu'au bout du moins mais pourquoi ne resterais-tu pas le plus longtemps possible en retournant quelques jours à Marguerite. Si j'étais libre, comme je retournerais te faire achever ta saison la plus longue possible. Je vois que tu en tires tant de bien ! Et comme tu vas te trouver renfermée ici. Mais il n'y faut pas compter - au moins serait-ce raisonnable de ne revenir qu'avec Bonne Maman.

Je vais assez bien, je vois que malgré la fatigue, la mer ne m'a pas été défavorable. J'espère que d'ici quelques jours, je serai remise d'aplomb.

Je pense que ta lettre de ce soir me donnera des nouvelles de ton pèlerinage. Celle d'hier est venue me trouve ce matin dans mon lit. Le facteur passe si tard que bien que j'ai fait savoir (?) à la boite pendant le souper, il a du passer encore après et j'ai cru qu'à cause du pèlerinage ta lettre était en retard mais ma bonne petite fille avait prévu cela. J'en suis bien contente, va, de tes bonnes longues lettres - elles sont la joie de ton absence.

Je n'ai fait qu'une apparition au bureau et je t'écris de ma chambre où j'ai passé une partie de ma journée.

Trine et son compagnon sont toujours ensemble sans se battre. J'essaierai bientôt de les mettre ensemble au nid qu'occupent les deux huppés. Cela te ferait-il de la peine qu'en ton absence je supprime quelques jeunes - ils sont fort nombreux maintenant. les 3 semaines sortent. A moins que je ne mette toute la jeunesse en cage.

Allons, je te quitte, je t'entoure de mes gras et mets sur tes bonnes joues mes plus affectueux baisers en te bénissant de tout mon coeur.

JB

----- 19 août 96

Ma petite chérie

Il est bien tard (6h1/2) et je commence seulement à t'écrire.

Charles a été ce matin à l'enterrement du père de Léon. Celui-ci étant absent aussi, je me suis forcée pour le bureau. J'ai eu un voyageur auquel j'avais une grande commission à remettre - puis il était si grand temps d'aller à Aulnoye que j'y ai laissé partir Charles. J'ai encore du aller au bureau écrire - tout cela m'a fatiguée. Enfin c'est déjà beaucoup d'avoir pu le faire car souvent avec toute la bonne volonté possible en pareil cas, je ne l'aurais pas pu. au moment où j'allais t'écrire Tte Marie est venue aussi et enfin me voici. Rassure-toi je vais bien et si j'ai été fatiguée à Wimereux en somme cela ne m'a pas fait de mal et je suis souvent moins bien que ces jours ci.

J'ai sur le coeur que tu auras eu une déception aujourd'hui en recevant mon conseil de rester jusqu'au bout. Pourtant ce n'est pas du nouveau et je ne t'ai jamais dit d'abréger ton séjour pour revenir avec Tte Elise. Tu sais, enfant chérie, si j'aurais du plaisir à te retrouver mais puisque j'ai su pour ton bien te laisser partir, je saurai pour ton bien te laisser rester. Je voudrais tant que tu sois bien fortifiée à fond. Quant Maman compte-t-elle revenir? Le sais-tu ?

Oh - te revoir est une douce chose. Quelle joie j'ai d'avance à y penser. De temps en temps je vais à ta chambre - et je me dis: quand elle y sera.... Mais cela n'empêche pas la raison qui me dit de te laisser prendre le plus d'air possible.

Clotilde n'a pas de montre. Choisis donc pour elle un autre petit objet. Tu peux prendre un porte-montre pour Héléna (que l'objet de Clotilde soit plutôt mieux que moins bien). Le porte-photo chevalet pour Tte Marie.

Allons, au revoir. Quel jour que ce soit le retour, il approche et ce sera bien doux. au revoir encore mignonne chérie. Toute ma tendresse dans mon baiser.

Ta maman.

----- Jeudi 20 août

Chère minette

Je m'empresse de t'envoyer tes bas de laine, un petit châle et des chemisettes de flanelle. Tu mettras l'une des deux à choisir, mais au moins la légère. Qu'est-ce que ce rhume? Tu fais bien peu d'honneur à ma sollicitude quand tu dis que je ne m'en apercevrais seulement pas. Et puis (comme tu en as souvent) Certes tu n'es pas souvent enrhumée - est-ce du cerveau, de la gorge ou de la poitrine? Je regrette que tu ne prennes plus de bains - si l'on croit qu'il y a lieu de t'en priver - dans le doute vois le médecin mais surtout fais attention à ces affreux courants d'air. C'est cela au dessus de tout qu'il faut éviter.

Tu vas me dire exactement ce que tu as - ni plus, ni moins afin que je sache à quoi m'en tenir. Si tu étais fort enrhumée je te rappelle de suite - car je crois qu'il est aussi facile d'attraper un rhume là bas qu'il doit être difficile de s'en guérir.

J'espère que ta lettre d'auj. sera plus détaillée à ce sujet.

J'espère que mon petit franc (?) que j'envoie ce matin avant dix heures t'arrivera aujourd'hui.

Je ne t'écrirai pas ce soir Du reste cette lettre ne t'arrivera peut-être que demain comme si elle partait ce soir.

Je vais bien.

Au revoir, enfant chérie. Amitiés à tous.

Ta maman.

----- Vendredi 21 août 96

Ma petite chérie

Je prends ma plume et mon papier et je m'installe au jardin pour causer un moment avec toi. J'ai le désir d'être longue aujourd'hui et je serre mes lignes - non que j'ai beaucoup à dire mais mon désir de te retrouver grandit avec l'approche de la réunion et vraiment il faudrait être cruelle pour toi et pour moi-même, pour trouver moyen de résister aux raisons développées dans ton plaidoyer, petit avocat. A ce que dit ton coeur, mon coeur répond trop bien et à ce que dit la raison, je dois répondre: amen, amen, si comme je le comprends, Edouard propose le retour en remballant les lits apportés.

- J'ai été interrompue par la visite de Tte Jules avec Mine et Roro. Tte Jules m'annonce que Agnès marche seule - elle a décidément pris son élan.

Tte Jules devrait t'écrire pour te remercier du petit tablier dont elle est fort contente mais les enfants en vacances lui donnent beaucoup d'ouvrage et sa nouvelle bonne est à mettre au courant. Mimi te fait des compliments et t'aime bien. il se sont amusés à regarder les petits lapins qui commencent à courir et sont jolis au possible. Je les ai tous invités (pas les lapins) à dîner dimanche avec Maman Boulan que j'avais eue seule dimanche dernier parce que je craignais que les enfants la fatiguent et qui a regretté de ne pas les voir parce qu'elle aime beaucoup ces enfants là. Oncles Jules s'est donné un tour de reins en jouant à la paume - ll ne sait pas se tenir droit et va au magasin en bicyclette pourvu qu'on l'aide à monter cela lui est plus facile qu'à pied. Mais là, il ne peut guère aller et venir. Hier une douche chaude lui a fait beaucoup de bien pendant un moment et il doit en reprendre une auj. Il aime mieux que tu ne le dise pas à Marguerite pour ne pas qu'Edouard soit tenté d'abréger son séjour.

Charles est à Lille - il est parti à 11h pour revenir à 6. Uniquement pour chercher un service de table qu'il fallait fournir aujourd'hui sans faute.

Je ferai une épreuve de ton portrait. Si tu pouvais m'envoyer celui qui te représenterait telle que tu le dépeins -brune et rose, yeux animés et riants (?) - tête échevelée - je le verrais avec plaisir. Je me contente faute de mieux du tableau parlé et j'embrasse en idée cette bonne figure radieuse et cette bonne mine que j'espère revoir bientôt. Donc au plus tard dans 9 jours ; tu seras ici. Certes j'irai te chercher, j'y compte bien. Bijou, qui fait maintenant le service de la maison et de la teinturerie devient un modèle de sagesse et demain j'en userai à nouveau pour une visite à papa. La veille Bichette tourne à la calandre et Coco traîne Mr Bara. Peut-être est-ce à lui que celui-ci doit ses bonnes affaires ces jours-ci. Cela va assez bien pour la saison.

Vois-tu souvent cousine Clémentine? Fais lui mes amitiés. Et Hélène est-elle quelquefois des vôtres. Un bon baiser à Marie. Si cela te fait plaisir achète pour elle quelque chose qui lui rappellera de son côté comme la broche de Tte Elise du tien ces bons jours que vous passez ensemble et qui comptent sans doute dans les beaux jours de votre amitié et de votre vie.

Pour toi, enfant chérie, je mets toute ma tendresse dans mon baiser et ma bénédiction.

Ta maman.

----- Samedi 22 août

Chère Minette

J'ai beau chercher dans mon bureau d'en haut comme celui d'en bas, j'ai fini mon papier à lettre et je ne savais me décider à écrire sur celui-ci. Etrange chose penseras-tu que de tenir au deuil -non ce n'est pas étrange c'est encore une marque et un lien d'affection et je ne saurais me résoudre à le sacrifier.

Petite chérie - devrais-je te dire cela ! Mais précisément je fais encore en ce moment le sacrifice de ma visite là-bas. Je suis en retard et Bavay l'est encore plus et il faut savoir être raisonnable. Vois-tu : être raisonnable, c'est une habitude à prendre et une fois qu'écouter la raison est devenu une habitude, on l'entend malgré soi dans toutes les circonstances, si pénibles, si joyeuses, si imprévues qu'elles soient. La raison devient un frein, un appui, un guide et on se trouve bien de l'écouter toujours.

Je viens de voir ton oncle Léon. J'étais en train de faire un bouquet bien pauvre avec de pauvres fleurs. Aulnoye est très maigre. Ici, il n'y a que des géraniums et des fuchsias qui ornent mais ne font pas de bouquets et sont plus beaux de loin que de près. Je n'ai pas su résister à l'envie de lui quêter quelques fleurs sur ce qu'il vous porte pour Mme Le Lupvre à laquelle depuis quelques années j'envoie des fleurs pour sa fête. Tu penses si il a accepté. Je compte sur toi pour les lui porter à moins que tu ne puisses, toi-même.

Merci à Tte Elise de s'en priver.

Je ne crois pas t'écrire demain. J'aurai mon monde à dîner et cela prend du temps. Pense lundi qu'à défaut de lettres tu recevras mes meilleures tendresses.

Très bien ton récit du départ de la Marguerite. (NDLR: Le bateau pour l'Angleterre, je pense)

Tu auras le panier pour les perce-pierre. Qu'elles ne dansent pas dedans - c'est ce qui les fane. Envoie les ou rapporte les suivant le jour où tu les achèteras.

Ma lettre d'hier te donnait bien la permission de revenir. Donc à bientôt, chérie et mille baisers.

Ta maman.

------ Lundi 24 août 96

J'attendais Charles et mon papier à lettres. Tu sais s'il se fait jamais prier pour une course à l'imprimerie. Aujourd'hui il en rapporte, devine-quoi une invitation à la mer de Georges. Tu penses s'il est content, ravi, enchanté etc, etc. Pas plus en vérité que moi de retrouver ma fillette, mon rayon de soleil - ma petite amie, mon enfant chérie bien qu'elle m'envoie tous les jours une si bonne petite causerie, ce sera encore mieux de revoir son regard aimant, son affectueux sourire et de reprendre même la fastidieuse besogne si ce n'est pour une Maman de démêler ces cheveux ébouriffés qui me préoccupent de temps en temps. Comment en sors-tu ? Après ces parties de barque, ces bons bains, ces courses folles, ils doivent être si peu soumis. Et les déchirures? j'espère que tu es encore présentable sauf quand tu as ta toilette de barque que je t'autorise bien volontiers à offrir à Jaques. Tu pourrais y joindre le béret noir et tes caoutchoucs s'ils sont finis pour toi.

Charles a seulement développé hier ces photo - son développateur ne marchait pas - il a gâché quelques plaques, heureusement pas le portrait de ce brave baigneur.

Je n'avais coupé que 3 manches de chemises parce qu'il n'y en avait que 3 à la largeur. Si tu fais trois chemises tu auras à en couper encore 3 manches et 2 corps. Ce doit être facile à coudre, mais je crois que tu ne travailles plus guère.

Je viens de faire encore ma visite à ton domaine. Tous tes sujets à plumes et à poils se portent à merveille. je les soigne et ils me distraient. C'est ma récréation.

Quelle belle promenade à Souverain Moulin. Et on te gâte de te laisser conduire!

Tu est bien gentille de tenir tant à notre correspondance mais ta crainte s'est réalisée. Tu n'as pas eu de lettre aujourd'hui. Tu sais, hier, je n'ai eu de loisir qu'à 5h 1/2 et j'étais bien lasse. J'ai trouvé pourtant moyen d'aller à St Roch à 11h1/2. Bavay m'avait offert de venir pour me conduire aller chercher B M. Jules est venu avec moi et mon oncle Charles à qui Marie avait dit midi est arrivé pendant la sortie. Je le regrettais mais j'aurais souffert de rentrer de la négligence là bas surtout quand je serais par ici et auj. c'est la fête de mon Père. J'y ai porté aussi mon bouquet. Dis le à B M.

Le dîner s'est très bien passé mais tu me manquais et Tte Jules a dit que tu lui manquais aussi. Agnès a amusé tout le monde. Qu'elle est donc drôle ! Si mon oncle Jules se décide, c'est bientôt que tu te régaleras avec elle. Jules est fatigué. Il a vraiment besoin de vacances et je crois qu'il est trop tard pour les bains de mer, Marie pense à aller 8 j. à Spa avec lui et accepte de nous donner (à nous , toi et moi), 3 enfants Michel irait seul à Vendegies. Qu'en dis-tu? Tu as fait plaisir je crois à Tte Jules en lui écrivant.

Allons, à bientôt petite chérie. Je n'ai plus rien à faire et vais aller au salut.

Je t'embrasse à grands bras et bien fort.

Ta maman.

----- Mardi 25 août 96

Chère Minette

Dire que nous ne sommes qu'au 25 Août et que je pense que c'est déjà ma dernière lettre car celle de demain risquerait d'arriver après ton départ.

Vois-tu, je regretterais la permission de revenir que je t'ai donnée si Maman n'avait été d'accord avec toi. Edouard n'y comprend rien. Malgré les lits emballés il en reste encore 3, libres et entr'autres la petite chambre qui est inoccupée. Pourquoi BM préfère-t-elle que tu n'y retournes pas ? Je ne sais. Enfin la pluie qui nous arrive comme à demeure m'aide à ne pas regretter; sans cela, j'en revenais à mon désir d'un retourner pour t'y retenir.

Je ne sais par quel hasard la lette d'hier m'est arrivée seulement ce matin au 1er courrier et à 10h, j'en ai eu une de Mme Lelupvre à qui mon attention paraît avoir fait grand plaisir. Elle me complimente sur ma petite messagère et s'extasie aussi sur le chant si beau et si pur (puissant?) d'Antonin. Elle dit qu'on était ravi au 3e ciel et que Mr le Curé, si bon musicien, lui a envoyé dans l'église aussitôt la Messe quelqu'un pour lui demander qui avait chanté tant il était content. Marie y était-elle?

Nous avons reçu aujourd'hui Jules et moi chacun une langouste de la part de Maman. Elles étaient encore vivantes - nous avons de quoi nous régaler. J'écrirai à Maman pour l'en remercier. Il y avait aussi des perce-pierre - n'en fais donc pas trop grande provision.

Je suis allée enfin ce matin à Aulnoye avec Bijou mais figure toi que je n'ai même pas franchi la barrière du jardin. J'y avais envoyé chercher une purée (?) qui ne rentrait pas et comme on ne l'avait pas encore je suis partie moi-même voir ce qu'elle devenait. J'avais pourtant bien le désir de voir aux fruits mais je suis déjà rentrée à midi 20 et je savais qu'Edouard m'attendait.

- 6 1/2. J'ai eu beaucoup à travailler cette après-midi et je te reviens pour te dire un bonsoir et un au revoir d'autant plus que Jules et Ed etc. soupent ici et qu'il va me falloir faire un tour par là.

Donc au revoir, enfant chérie fais bon voyage de retour. Prépare toi à me donner à embrasser de belles et bonnes joues à me faire une mine bien gaie. Je suis malgré tout si contente de te retrouver.

Je t'embrasse en attendant encore une fois par lettre et remercie le bon Dieu de t'avoir si bien gardée et de te ramener si bien portante. Encore un baiser. *

Ta maman.

JB

J'écrirai demain à Maman.

1897

----- Valenciennes, 15 juillet 1997

Ma chère petite Nette

Ton coeur s'est-il désolé à nouveau? Oui, j'en suis sûre parce que maintenant tu penses au plaisir de recevoir une lettre. Nous avons fait bon voyage, mais qu'il fait chaud!!! A Lille, la rue Royale n'avait pas une ligne d'ombre et je suis revenue à pied du Sacré Coeur. Avant que je ne lui fasse ta commission, Blanche me disait de te dire précisément la même chose, qu'elle désirait bien te revoir.

A la gare j'ai trouvé Maman et la voiture. Teten et Agnès chez Maman étaient gentilles au possible. Agnès a demandé Mimi et Zézé, et comme en parlant de Mme Roger, j'avais les yeux pleins de larmes, Etienne est venu à moi est monté sur mes genoux et m'a embrassée fort à plusieurs reprises. Je lui a trouvé très bonne mine, bien mieux qu'à mon départ. J'ai dit que Roger récoltait des coquillages pour Etienne; et Agnès a repris: "Et moi?". Enfin, tu les aurais mangés de baisers.

Je suis rentrée faire mon tour chez moi. J'ai eu la visite de Maurice et Paul. Paul part demain pour Paris et pour son examen le 17. Il n'est guère en courage. Jacques Hollande est reçu mais J. Fontaine et Roux sont refusés. Dis cela à Charles. Comme Maurice me disait encore que sa maman désirait me voir, j'ai été faire mes visites à St Roch d'abord chez elle Maman Boulan. Ton rosier étant en fleurs, j'en ai pris deux roses pour Papa et Tante Elise. Maman Boulan est toujours fatiguée mais pas plus.

J'ai vu Edouard chez Maman. Mr Jules Carlier étant dehors, j'ai proposé de la donner à l'alternance (?) de la Sagesse et elle est allée au magasin pour traduire en même temps qu'Edouard écrivait. Elle a eu ainsi beaucoup de peine parce que ce n'est pas du véritable allemand mais de l'autrichien. Ceci pour Jules (?).

Bonsoir, enfant chérie. Il est 7 heures. Je t'embrasse bien fort. Donne moi des nouvelles du rhume de Charles. Amusez vous bien, portez vous bien et faites à Jules et Marie toutes mes amitiés.

J.

----- Valenciennes, 16 juillet 97

J'espère que vous n'avez pas oublié ND du Mt Carmel.

Ma chère Ninette

J'ai eu ce matin des nouvelles de Wimereux par la lettre de Marie. Je suis vraiment bien contente qu'ils paraissent si heureux d'être là bas tout en nous rendant service. Clotilde suffit-elle convenablement? Ne se tire-t-elle pas trop mal du service de femme de chambre?

Je ne sais vraiment comment j'aurais fait si je n'avais pas ramené Héléna. On me sait ici, on vient on sonne et je n'aurais pu être en même temps concierge et comptable. Ce matin, j'ai eu, se remplaçant tout juste, d'abord Marie Boulan puis Léon puis Marie Edouard puis Maman Billiet avec Teten, le quel a accepté avec plaisir mon invitation à dîner pour demain et qui en attendant s'est invité à goûter cet après midi en revenant de chez Mme Carlier où Maman les a conduits. Maman me charge de faire savoir à Mamie (?) qu'ils continuent d'aller bien, que Mme Carlier qui a été contente de les voir est bien aussi qu'Hélène était là et toujours fort aimable.

Je viens de faire un petit panier que je vous envoie: haricots, groseilles, gilet de coton, timbre (?) et journaux.

Ce soir je vais souper à la Briquette. Je sais faire plaisir en ne refusant pas. Marie ne pouvait venir en ville pour ne pas quitter Léon fils.

Je me demande quelle promenade vous avez bien faite au aujourd'hui et j'attends déjà tes lettres avec plaisir.

Dis à Charles qu'il y a eu un beau bon des Mines, lettres moyennes de Bara et Paran. Les affaires ont été suivies convenablement en mon absence et je n'ai qu'à féliciter Charles. Je vais avoir demain le relevé. J'ai fait le carton et Théry aujourd'hui et j'aurai le temps d'écrire et de recevoir réponse avant mon retour car Maman accepte bien, comme c'était convenu, d'aller passer une huitaine à Wimereux. Elle partira comme on le désire Mardi à 3h 44. pour rester jusqu'à ce que j'arrive à nouveau. Je n'ai pas vu Clémentine mais j'ai su qu'elle compte toujours partager la location d'août avec moi.

Pourrais tu chercher à savoir de Mr Bataille s'il n'y a pas eu de malades et quelle maladie au chalet Les Vagues. Puis en somme peut-être ferait-on aussi une différence pour Lucie. Maman pourra nous marchander cela. Avez-vous de l'eau enfin!

Au revoir, fillette chérie. Je t'aime bien et t'embrasse fort. Dis à Charles ma satisfaction et que je lui demande maintenant de se fortifier là bas et d'y laisser rhumes, crabs (?) etc.

Amitiés à Jules et Marie. Téten et Agnès embrassent père et mère. J.

----- Valenciennes 17 juillet

Ma petite fille chérie

Je n'ai eu ta lettre que ce main. Je te sais si exacte dans ta correspondance que je croyais que le facteur avait gardé la lettre au fond de sa boite mais l'enveloppe porte bien 2e livrée à Wimereux. Ceci pour te renseigner.

J'ai donc soupé à la Briquette où nous avons bien parlé de toi. A 9h 1/4 j'étais rentrée. Ce matin j'ai assisté au collège à la Messe des anciens élèves pour Charles Theillier. Les élèves et professeurs y étaient. On a chanté pendant la messe le Dies irae à l'unisson. Je le trouvais très beau et bien impressionnant. A ce propos Mr Monne (?) a adressé à Charles un petite carte pour lui dire l'heure de la messe de Mr le supérieur mais il n'en dit pas le jour.

J'attends la visite de Geneviève Wallon qui est à Valenciennes avec son mari et deux enfants.

J'ai été à la quinzaine ce matin et j'ai eu occasion de m'y fâcher. Zéphirin (!) avait trouvé bon malgré ce que je lui en avais dit de faire des E et 5 jours par semaine, et nos ouvriers cherchent de l'ouvrage! ou ont bien peu à faire.

Mille (?) est aussi sociable que possible. Elle suit Héléna partout et Héléna en est contente. Etienne qui a dîné ici s'en est bien amusée. Figure toi qu'Etienne depuis 9h demandait à chaque instant s'il n'était pas encore temps de partir chez Tante Juliette (?) Je n'ai pu guère l'amuser cependant. Je ne saurais causer avec lui. Il a fort bien mangé, puis nous avons joué à la toupie aux papiers changeants et aux petites quilles puis je l'ai fait reconduire. Demain, je dîne chez Maman, où le retrouverai avec les Giard. Maman n'a pas invité St Sauloc. Les Roger de StQ. arrivent aujourd'hui pour le service de lundi.

Je relis et j'ai déjà relu ta bonne et chère petite lettre. Tu me dis bien que les enfants ne sont pas fatigués - et toi? Ne l'es tu pas trop? Et Charles est-il plus animé? As-tu vu l'affreux accident de bicyclistes arrivé au mont de la Trinité? J'en ai frémi en pensant aux pentes des environs de Boulogne. Je te prie de prendre des précautions.

Tu sais que demain c'est dimanche. Jour où je n'écris guère et lundi le terrible où on ne reçoit pas de lettres. Ne t'en fais donc ni chagrin ni inquiétude.

Au revoir, mes enfants chéris. Je vous embrasse tous deux.

Juliette.

Maman semble partir avec plaisir. Ta lette lui en a fait un grand.

----- Valenciennes 18 juillet 97 .Dimanche

Chère Minette

Je n'ai encore reçu ta lettre que ce matin. Marie, elle, a bien reçu hier le petit colis de Cartouche et le s'homard, comme dit sa bonne, a été cuit et sera mangé ce midi. Outre tout ce que vous y aviez mis, il s'y est encore trouvé une certaine dose de l'air salin de Wimereux.

J'ai oublié de te dire que le jour de mon arrivée, j'ai eu la visite que je n'ai pas reçue de Mr et Mme L Mariage. Ils ont été aussi chez Maman.

Tu me feras plaisir d'utiliser les enveloppes R B, tes lettres sont moins pliées.

Pour ta robe je crois bien qu'il faudra la laver complètement mais pour bien faire il faudrait la démonter parce que Mlle Coller met toujours beaucoup en dedans puis le raide déteindrait. Contente toi d'éponge ou de brosse - et si cela marque un peu ce n'est rien.

Je me trouve très alerte - il me semble que la mer m'a fait du bien.

J'ai vu hier Mane Namur (?) qui ne me croyant que pour quelques jours ici s'est hâtée de venir me voir.

Mme Le Lupvre doit être arrivée - je compte lui écrire. Tâche de lui dire bonjour.

Je voudrais savoir si Charles a été content de la Gd Messe.

Maman compte bien arriver mardi soir à 7h et décidément ce voyage ne lui déplaît pas. A toi, fillette, de lui rendre son séjour bien agréable.

Au revoir, mes chers enfants. J'attends mon Charles mercredi et t'embrasse en attendant.

Pour toi, petite fille, combien de baisers te faut-il ? Prends les - je n'en suis pas avare.

Ta maman.

----- Lundi 19 juillet 97. Fête de St Vincent de Paul.

Chère petite fille

Moi aussi je suis bien heureuse de recevoir tes lettres et cela me dédommage bien de l'éloignement. Tu auras, j'espère la surprise de n'en pas être privée aujourd'hui lundi.

N.D. du Mt Carmel te pardonnera bien sûr, mais moi aussi j'avais oublié de t'en parler à Wimereux. Ce n'est qu'ici que j'ai remarqué la date.

J'ai eu hier une journée occupée et variée. Après la Gd Messe, les Giard sont revenus ici comme d'habitude - et l'on a parlé de l'envoi de Cartouche. C'est (?) que je t'ai écrit.

Au dîner nous avons mangé le homard qui était exquis; il était arrivé vivant ainsi que les crabes qui couraient de tous côtés et qu'on a lâchés dans le jardin.

Après le dîner, Bavay est venu nous prendre en voiture, Maman et moi. Nous sommes allées ensemble au cimetière - puis chez Mme Henri Dubois que nous vue - elle rentrait des vêpres - puis chez Edouard pour Mme Roger - Mr Paul y était avec plusieurs des enfants. Je suis ensuite revenue chez Henriette - de là chez Clémentine. J'ai repris chez Henriette Maman Boulan que j'ai reconduite chez elle et suis arrivée chez Valentine au moment où toute la famille sortait pour aller chez Maman où je suis retournée aussi - de là au salut à ND puis souper chez Maman Billiet.

Maintenant voici la décision de Clémentine. Elle accepte volontiers la fin d'un chalet mais préférerait Lucie qui lui convient si nous l'avons au même prix. Maman le marchandera. Elle consent volontiers à me donner Hélène si tu veux rester encore - ce que j'ai accepté à mon tour. Ainsi voilà la saison arrangée car je ne doute guère que Maman obtienne au moins pour 700 le chalet Lucie.

Pour la robe, je crois qu'il vaudrait peut-être mieux la donner à Marie Jules. Je la ferai raccourcir un peu - et je vais t'en commander une au bon Marché car je crains que le corsage blanc et la jupe noire ne soient pas convenables jusqu'au 20 août: J'essayerai volontiers une fois. (??)

Quelles promenades! et qu'en disent tes jambes? Surtout que Charles n'abuse pas de la bicyclette. Voici le pauvre Darsonville auquel il est arrivé le même accident qu'au Tourquennois - On ne croit pas qu'il en réchappe.

Miette va bien - elle grandit plus qu'elle ne grossit mais elle m'importune bien - elle n'aime que les fauteuils et est pleine de puces. Les pigeons que tu connais vont bien, ceux de Trine ont manqué. Black est toujours superbe et les lapins toujours sans jeunes. Horreur! il paraît qu'il les mangent.

Bavay avait réussi à St Roch un très beau bouquet et les autres pas mal - puis il avait fait tous les chemins - enfin il avait eu l'intention de mettre pour mon arrivée un bouquet frais au portrait de Papa.

Je viens de faire mes confitures de groseilles. Maman Boulan avait dîné ici. Tout cela me prend tant de temps que je n'ai pas encore fait le relevé et les demandes. Je serai obligée d'y travailler après souper.

Il y avait extrêmement de monde au service de Mme Roger, surtout des dames.

Charles ne m'a pas écrit un mot. Je pense qu'il se fie en toi et je me fie en toi pour lui dire les nouvelles et mes tendresses. Mais dis-moi bien comment va son rhume - et son clou.

Bonsoir, enfant chérie - amitiés à Mari - et baisers à vous et aux enfants. JB

Maman compte toujours bien arriver à 7h15. Elle n'aura qu'une valise, le petit de la garde barrière pourra la porter.

Tu ne m'as pas dit si tu avais reçu mon colis.

----- Valenciennes, 20 juillet 97

Anne-Marie chérie

Un petit bonsoir en courant pour que demain ne soit pas un jour à marquer en noir alors qu'aujourd'hui j'ai été si heureuse d'avoir 2 lettres de toi; et si bonnes, si affectueuses.

Je n'arrive pas à écrire - des dérangements des visites etc. à me remettre au courant. J'espère y être enfin demain soir.

Es-tu contente de garder Charles. Vous pouvez vous promener ensemble. Ne te crois pas obligée d'aller avec les L.L. mais c'était bien de dire bonjour.

Mon retour ne sera pas retardé par l'inexactitude mais je pense que pour (?) Hélène j'attendrai toujours au moins que les prix (?) soient passés. C'est le 27.

Bonjour mes enfants. Ecrivez-moi et soyez heureux. JB

----- Valenciennes, le 21 juillet 1897

Ma chère Anne Marie

Maman est-elle arrivée à bon port - Nous nous demandons cela tout le temps depuis son départ. Quand j'ai su par Jules qu'elle n'avait que 10 m à Lille pour sortir ses bagages, les faire enregistrer à nouveau, prendre ses cachets, je me suis demandée avec lui comment elle arriverait à prendre son train et malheureusement elle risquait de n'arriver qu'à minuit. A minuit, je ne dormais pas encore et je me disais - enfin j'espère qu'elle est arrivée. Un peu plus, j'envoyais une dépêche ce matin. Enfin voici Marie presque en route et pour maintenant si le voyage n'avait pas bien fini, nous le saurions.

Je suis impatiente d'avoir la lettre de Charles. A-t-il été aussi content que je l'ai désiré. Il ne me gâte pas, lui, en correspondance, depuis qu'il est en congé - mais je lui pardonne puisqu'il n'a pas de bureau dans sa chambre et que tu tiens si bien la plume pour toute la maison. Moi aussi, j'ai un vrai plaisir à lire tes lettres. Si je voyais ton sourire en même temps, c'est comme si j'étais avec toi.

Comme tu as du être contente de ces belles promenades - et si variées - les collines, les prairies - les petits chemins, la plage - les grandes routes - les rivières - les petites chapelles - la cathédrale - Jules et Marie vous ont bien fait jouir. Pourvu que vous ne vous ennuyez pas maintenant! Et ce genou qui ne fait plus parler de lui que pour le féliciter. Enfin tout va au mieux pour toi et je souhaite que sous peu Charles m'en dise autant.

Je suis allée hier souper à St Sauloc avec Jules qui m'a ramené. Aujourd'hui il a dîné ici avec Et et Ag. et soupera avec moi. J'ai pu beaucoup travailler aujourd'hui. J'ai avancé à ma revue d'affaires. Je ne suis cependant pas d'aplomb et pour comble, je me suis éveillée avec cette singulière sensation dans la tête qui me la fait résonner comme un tambour.

J'ai écrit au Bon Marché pour te commander une robe - un petit damier blanc et noir. J'ai pris les mesures de la robe verte. Si je l'ai en temps je te la porterai.

Charles a eu une invitation très aimable de Mr le Supérieur à son dîner de fête. J'ai du répondre en refusant - les prix du collège sont mercredi à 10 h. Paule Theillier est refusé. Etienne lui avait cependant donné grand espoir. Enfin!!!

Je viens de relever mon compte d'enveloppes et papier. De celles que je t'ai envoyées, il m'en manque 4 - le reste est en trop. J'ai encore en trop des enveloppes comme celle d'aujourd'hui mais j'ai peut-être du papier là bas. Ici c'est ma dernière feuille. si tu tiens à ce que je continue la série (?) retourne m'en, s.t.p. une à la fois.

Je n'ai pas été à la Sagesse, n'irai pas encore ces jours-ci. Ton collet avait été rapporté.

Je viens de faire un tour de jardin les petits fuchsias font une jolie corbeille - le reste fleurit doucement - il eût fallu arroser davantage. Héléna et moi avons bien arrosé depuis notre rentrée.

Que ma petite secrétaire distribue mes baisers mais qu'elle se serve bien à volonté. Au revoir chérie.

Clémence a ramené sa mère. Je viens de faire voir si cela allait bien. Elles sont fort contentes toutes les deux.

----- Valenciennes 22 juillet 97

Ma chère correspondante

J'ai reçu ce matin par Marie la lettre d'hier et celle de Charles et seulement au courrier celle d'avant-hier que tu me dis faire mettre à la gare par Tante Marie. La levée du matin est donc à peine en avance et si c'est possible il vaut mieux user de celle du soir, les nouvelles m'arrivent plus fraîches. Voilà, tu écriras et Charles portera la lettre.

Mais oui, fillette, j'aime assez ma petite fille pour lui donner volontiers le temps d'écrire 4 et 6 pages et je pense qu'elle le mérite bien. Du reste, j'en ai autant besoin qu'elle et cela me priverait de ne pas le faire et beaucoup de ne pas recevoir les siennes. Si je suis occupée, ce n'est pas toujours aux affaires, et même la présence de Charles ici ne m'eût guère avancée. Mais j'ai eu des dérangements continuels: visites faites et reçues, Aulnoye, les confitures, etc. etc. Enfin, j'ai fait beaucoup de petites démarches. J'ai vérifié les rentrées de confection et je serai en mesure de repartir. Quel jour ? Serait-ce bien que Charles revienne mardi? Mercredi il irait aux prix du collège, sans doute - faire ses visites d'année etc. etc. Jeudi je ferai les mémoires de départ et l'aiderai vendredi encore. Ce soir là, Charles coucherait boulevard (?) Watteau et Maman pourrait rentrer samedi. Maintenant, si cela faisait plaisir à tout le monde, que Maman et Charles prolongent jusqu'au lundi et je pourrai arriver samedi soir, mais c'est échéance et quinzaine et le train du soir ne me tente guère.

Tante Edouard a paru trouver tout naturel mon projet d'emmener Hélène et de te laisser à Clémentine. C'est même sans doute avec Edouard que tu reviendrais, il compte y rester du 14 au 23. Ce serait trop long peut-être - enfin on verra. J'avais invité Pauline aussi mais elle va à St Quentin le lendemain des prix jusqu'à son départ pour Wimereux.

Miette est mise en exil très doux au grenier au foin et s'y trouve très bien - le soir on va la chercher et pour les repas.

Je n'entends plus rien dire de Danonville. Je me demande s'il n'y avait pas erreur et si l'on ne confondait pas avec les Tourquenois qui, lancés sur une pente, ont été se culbuter en bas où l'un a eu le crâne défoncé. Les deux autres, blessés, ont pu cependant revenir au secours de leur camarade qui a été administré avant de mourir.

Je désire beaucoup que tu continues de prendre des bains tant que tu pourras, non par plaisir mais par remède. Sois raisonnable. Vas-y avec Charles et dans le voisinage d'un baigneur. Je ne fais d'exception que si tu étais souffrante ou si le baigneur n'y allait pas, c'est que la mer serait mauvaise.

Que Charles ne manque pas de pulvériser. C'est aussi pour l'embarras du nez, 3 ou 4 fois par jour.

Dis moi à qui sont les sous (?) anglais.

Au revoir à bientôt et en attendant je t'embrasse très tendrement.

JB

Sois tranquille, tout se passe à merveille.

----- Valenciennes, 22 juillet 1997

(écrit au crayon et sur du papier ordinaire, non sur l'habituel papier de deuil)

Mon enfant chérie,

Pour passer ma soirée avec toi, je viens de relire tes bonnes, si affectueuses, si confiantes, si aimantes lettres et je voudrais causer un peu plus à mon tour, répondre à tes épanchements; mieux que par les semis de questions de réponses, les listes de renseignements, de recommandations, etc. qui ont rempli mes pages depuis 8 jours que je t'ai quittée. Je t'écris ordinairement au bureau, souvent dérangée, poussée par l'heure ou les affaires, je suis alors comme quand je te dis "je n'ai pas le temps" et que tu rentres tristement à la maison sans avoir pu recevoir ce petit conseil, ce petit mot que tu viens chercher et puis je ne me sens pas là pas seule avec toi.

Ce soir, donc, je suis à toi et viens causer. Je n'ai pu trouver de plume. La mienne est à Wimereux, mais qu'importe, j'ai pris un crayon, ce n'est que mieux: "Ecrire au crayon, c'est parler bas".

Petite chérie, je ne réponds pas à tes pensées, à tes appréhensions. Je les lis avec intérêt pourtant. Je vois avec plaisir ton jugement se former, ton intelligence se développer, ton coeur s'affermir dans le dévouement, ton caractère se tremper dans l'abnégation. Tu as parfois des luttes pour cela. Eh! chérie, qui n'en n'a pas et où serait le mérite si l'oubli de soi ne coûtait rien. Nous sommes toujours si prês de nous-mêmes, si chers à nous-mêmes, comment nous oublier naturellement. Je ne voudrais même pas te voir sans luttes. Tu te croirais une petite perfection. Tu sens mieux ainsi le besoin que tu as du bon Dieu.

Tu es peut-être quelquefois tentée de me croire non pas fâchée contre toi mais un peu moins affectueuse quand je te fais une observation. C'est qu'alors j'oublie que tes petites fautes ont ce bon côté de te montrer ta faiblesse et que je voudrais déjà de voir parfaite. Alors je n'aime pas ce petit manquement, mais aimer moins ma petite fille, non, non.

Faut-il te dire qu'au contraire si c'est possible, je l'aime de plus en plus. Elle n'est plus seulement pour moi une enfant chérie, elle devient une amie, une confidente. Comme j'ai joui de toi avec plaisir pendant nos bonnes stations sur la plage; nous avons bien causé. Je me demande si nous ne serons pas privées de n'être plus en tête à tête mais je te souhaite de la distraction de l'exercice, du mouvement qu'Hélène t'aidera à prendre. Pourtant, j'espère que mon second séjour sera encore meilleur pour ma santé. Depuis longtemps je n'ai été si bien, si Charles et toi pouvez vous fortifier aussi, je serai bien contente.

J'ai lu aujourd'hui un livre bien pour toi. Est-ce la peine de te le porter.

Allons! Dix heures sonnent. Je vais fermer mes pensées (?). Bonsoir, enfant chérie. Je te serre dans mes bras, te bénis, et t'embrasse de tout coeur.

Bonsoir. Dors bien.

Vendredi

Allons! Voilà encore une journée près de finir, bien utilisée pour les affaires et ne m'ayant pas laissé le temps d'écrire ni à Mme Legrain, ni à Mme Letupne mais à toi, je ne puis résister et pourtant je n'ai pas eu de lettres depuis celle que m'a apportée Marie. Fais-moi le plaisir de ne plus mettre ta lettre le matin mais le soir à la gare. Charles et toi feront bien cette petite course et j'y gagnerai beaucoup.

Clémentine vient de venir. Hélène prépare sa malle et est très contente. Qu'arrive-t-il pour le chalet. Naturellement si les Vagues sont meilleur marché nous les préférerons. et ce que tu m'as dite des locataires précédents m'arrange. S'ils avaient loué pour la saison, c'est une raison pour obtenir meilleur marché. Pourtant à prix égal mieux vaut ne pas changer.

Maman est-elle remise de son ennuyeux voyage. Tout va bien chez elle. Marie ma parlé de ta bouche. Cela va-t-il tout à fait bien? Et la gorge de Charles? N'oublie pas de m'en donner des nouvelles.

Dis moi si Charles se plaît à Wimereux et s'il ne sera pas trop triste de revenir ou si peut-être il ne demande pas mieux que de retrouver piano etc. Je voudrais savoir ce qu'il pense vraiment. Maman ne préférera-t-elle pas beaucoup revenir le vendredi que le samedi. Sache ce qu'elle et Charles désirent et dis le moi, n'est-ce pas. Pour toi, je ne doute pas, ce que tu aimes le mieux c'est que je retourne avec toi le plus tôt possible.

Je vais excessivement bien. Je n'ai pas quitté pour ainsi dire le bureau ces jours-ci - tout se passe au mieux. J'ai non seulement vu le retard mais je prépare ma nouvelle absence.

A bientôt donc ma chère petite fille. Partage toutes mes tendresses et en ce cas ne t'oublie pas.

J.

Sauras-tu me lire.

Dis à Clotilde que Tante Jules m'a fait bien des compliments sur elle.

----- Valenciennes 24 juillet 1997

Bonne fête, mon Anne-Marie. Je t'embrasse, je te bénis et te souhaite mille bonnes choses.

Depuis les plus belles vertus jusqu'aux petits plaisirs de la journée.

J'aurai voulu t'envoyer un bouquet mais tu sais, je n'aime pas sans nécessité expédier le samedi et puis j'ai bien peu de fleurs en ce moment. Je te fleurirai à ton retour et lundi je communierai pour toi ce qui n'est pas rare heureusement.

Je viens de recevoir à la fois tes 3 lettres au 1er courrier - même celle mise hier soir à la gare. Tu vois quel avantage. Si ne n'avais compté sur cette lenteur des boites aux lettres, j'aurais été inquiète hier. Je t'ai répondu par dépêche en te disant d'arrêter: les Vagues. Je souriais en faisant ma dépêche. Arrêter les Vagues! Les employés du télégraphe vont te croire une émule de Josué, ou dire que j'oublie que Dieu seul peut dire aux flots de la mer: "Tu n'iras pas plus loin".

Oui - arrêtons "les Vagues" 100 fr c'est quelque chose et cela fait 35 fr pour nous; mais pourriez vous savoir au juste ce que l'on faisait pour 7bre et pour Août sur ces 700 fr. pour savoir la part de Clémentine. Il est vrai qu'elle m'a prévenu qu'elle ne mettrait pas plus de 500. Cela faisait donc 100 fr pour moi.

Pour la cabine, Clémentine dit qu'elle en a eu une à Jacques l'an dernier, qu'elle a donné 10 fr y compris les bains et qu'il a été content. Mais je pense que c'est parce qu'elle y avait droit comme habitant l'hôtel. Il faudra toujours se renseigner. Le piano est-il encore aux Vagues.

Le Bon Marché m'écrit que le costume me sera adressé vers le 31. Je lui réponds de l'expédier à Wimereux. S'il arrivait avant moi, aurais-tu assez d'argent pour le remboursement. Avec ce que l'y ai fait joindre, y aura environ 70 fr. Je t'envoie le modèle que j'ai choisi en blanc et noir bien entendu. J'ai demandé 1m d'étoffe pareille.

Il fait un temps splendide aujourd'hui. Hier il semblait que nous entrions en automne. J'espère que tu prendras un bon bain. C'est bien comme cela pour le baigneur.

Pour le retour, que Charles arrive donc lundi à 11h du soir au mardi, suivant que Bonne Maman désire rentrer ici vendredi ou samedi. Je voudrais être ici deux jours avec lui pour avoir le temps de le renseigner et de sortir chacun notre tour. Je dis 11h parce que je crois qu'il le préfère ainsi, pour moi j'aimerai mieux de jour mais sauf le train du lundi matin, ils sont peu agréables.

Clémentine ne m'a pas dit qu'il y avait mystère à son séjour. Je ne vois qu'il puisse y avoir là d'indiscrétion.

Félicite Michel de ma part. je serai très contente de dire cela à son papa et à sa maman.

Je suis contente aussi de la gorge de Charles.

Eh. Je viens de faire les bouquets pour Pape et comme j'ai remarqué avec peine qu'il n'y avait plus jamais que de misérables bouquets à ND du StC. j'en ai fait un tout blanc roses et ... Ce sera celui de ta fête et je le lui envoie de ta part en l'honneur de Ste Anne. N'es-tu pas contente?

Je joins une lettre de la Cousine pour Maman. Je me suis permis de la cacheter. Je ne sais si j'ai bien fait.

Je n'ai pas vu Jules depuis 2 jours. Demain je dîne chez Maman Boulan avec Henriette. Marie Ed. a une fluxion et n'est pas solide. Il est temps qu'elle aille se remonter à Wimereux.

Bonsoir, Minette. J'embrasse ma chère Maman, mon grand fils, ma fillette chérie et mes sages petits neveux. Compliments à Clotilde.

J.

----- Valenciennes, 25 juillet 1897. Dimanche !

Bien que je t'ai souhaité ta fête hier, Minette chérie, ce serait triste pour toi de n'avoir pas un mot demain lundi. Voici donc un petit mot. J'ai été à la Gd Messe et ai ramené comme toujours les Giard et les Jules - le verre de vin chez nous est devenu de fondation. J'aime cela; c'est une réunion de famille hebdomadaire qui a son charme et son bon côté. Marie J. s'excuse de n'être pas venue depuis son bonjour d'arrivée. Elle a eu tant de courses à faire pour ses bonnes ! Car elle en cherche deux et en a vu des quantités. Elle est à peu près fixée. Je souperai chez elle ce soir et mardi à la Briquette. Je pense que j'aurai Charles - que je verrai volontiers rentrer demain ou mardi dans la journée.

Figures-toi que j'ai ouvert le piano aujourd'hui. La sensation de résonnement que j'avais dans la tête l'autre jour s'est changée en un bourdonnement qui me donne depuis trois jours l'obsession continuelle d'entendre chanter le Pater, la Préface ou le Dona eis requiem. J'ai essayé de jouer pour changer d'air. Peine perdue ! Charles viendra s'en charger. Le piano des Vagues était-il encore là?

Tu as bien fait pour ce brouillon. Les enfants sont-ils toujours aussi sages et aussi obéissants.

Je te porterai la tapisserie par Tamart. Je chercherai cela mardi avec Marie car ce n'est pas préparé.

C'est donc jeudi que je me dirigerai à nouveau sur Wimereux et je prendrai le train de 11h38 qui me mènera à Wimereux à 4h35. Charles dînera et couchera chez Jules. Comme c'est bon cette union de famille. C'est un bien dont nous jouissons sans peut-être l'apprécier assez, comme beaucoup d'autres.

Je suis très aise de me trouver avec Henriette. J'ai été quelques jours sans sortir et je ne l'ai pas vue ni Marie, ni Paul. Mr Dollet rentre d'avoir été se promener sur Nera. Il propose de monter aussi Bijou et je lui ai demandé s'il ne voudrait pas donner à Charles des leçons d'équitation.

Au revoir, à bientôt, ma chère petite fille. Je t'embrasse très affectueusement ainsi que Bonne Maman et Charles.

Ta Maman. J.

----- Valenciennes, 26 juillet 97

Chère Anne-Marie

Il est déjà tard et je n'aurai pas grand temps à te donner. Ta bonne longue lettre m'a fait bien plaisir. Hier soir, j'avais vu celle que tu écrivais à Tante Jules et ai demandé ce que cela voulait dire - tes reins - Elle m'a expliqué ta chute et que c'était elle qui t'avait dit de ne pas m'en parler; mais alors il m'a semblé sue tes dernières lettres étaient moins gaies ou plutôt plus contraintes et je me demandais comment serait celle d'aujourd'hui. J'ai eu pleine satisfaction - dis-moi pourtant si tu ne souffres plus du tout et crois- moi ne me cache plus rien. Je me demande sans cesse aujourd'hui si tu ne me caches pas autre chose. J'aime tant ton entière confiance. J'en suis heureuse.

J'ai été très tenue aujourd'hui. A 9h messe de la Conférence pour Mme Roger. De 10h 1/2 à midi Mr Femle. après midi, des lettres d'affaires, une commission pour la Coop de Sous le bois, des prix à calculer, au milieu visite de Mme Patan, enfin tout un train d'occupations et par dessus tout mon obsession dure toujours. Allons, demain soir j'aurai du piano. Cela changera peut-être d'air.

Si c'est possible je partirai quand même jeudi. Je tâcherai de me contenter d'un jour avec Charles car en effet deux jours ne seront pas trop pour déménager. Si vous voulez monter d'avance le lit d'enfant je te préviens que ce sera Roger qui couchera au second ou du moins qu'il ne couchera pas dans ma chambre. Aime n'ayant pas eu la coqueluche ce sera plus prudent. Clémentine est prévenue et s'il était resté au Malu Lucie aurait simplement mis le lit ailleurs qu'au cub. de toil. Il pourra coucher dans le lit à eux.

Je suis bien contente de revoir Charles mais c'est pour le quitter si vite. Je souhaite déjà la réunion complète, mais ne regrette pas le voyage s'il fait du bien aux santés.

Bon soir, fillette chérie. Bonsoir, mère. A bientôt.

Mardi 27 juillet 4h

2 jours et 35 mn.

C'est à dire que depuis que tu as écrit ton compte est diminué de moitié. Dans 2 jours et 35 minutes me voici de retour à Wimereux. Tu faisais erreur d'un jour. Oh! 1er prix d'arithmétique, tu risques fort d'être perdu quand le coeur fait paraître si longs les jours d'attente!

Follette - à cette heure, on remet les prix à la Sagesse et comme il pleut à verse les chères soeurs peuvent se féliciter d'avoir cette année un abri solide. Je l'ai visité tantôt. Ce pourrait être plus gracieux, plus élégant, mais ce sera commode et le potager plus productif qu'un tennis vous apprendra sans doute que les fruits de le science comme deux de la terre ne se récolent pas sans travail etc etc. On pourra faire là dessus une de ces jolies compositions de style ou toi est tes compagnes réussissez si bien.

J'étais allé à Aulnoye aujourd'hui et en passant j'ai fait à Marie ta commission sauf que dans la boite se prélassaient seulement quelques vielles plumes. C'était, je crois, les Invalides du bureau de Charles. Marie en a bien ri. En rentrant, l'on me dit que Jules est venu voir si je dînais pas chez lui et j'y suis allée clopin clopant car en route d'Aulnoye il m'a pris une douleur de reins - rhumatisme ou autre. La marche m'a dérouillée et c'est en revenant après le dîner que je suis entrée au Jardin de la Sagesse.

Oh. Voici Charles rentré. Quelle bonne mine! Quel air content! J'avais Teten avec moi à la gare, fier comme Artaban avec son prix et ses pantalons à sous-pieds. Il était comique et heureux... Tante Marie était venue m'apporter ton livre et la nomination Mention H T B. Chérie! Que toujours devant ceux qui t'entoureront et devant le Bon Dieu tu mérites la note Très-Bien. Et si personne ne te félicite, ta conscience de Mère et le Bon Dieu sont contents de toi. Et puis enfin, je ne crois pas que ta réputation en souffre, et l'on peut se l'avouer sans pêcher par vanité puisque ton cher St François de Sales dit qu'il faut avoir un soin raisonnable de sa réputation.

Charles me dit que tu n'as pas eu ma lettre. Elle est pourtant partie à la même heure.

Dis à Madame L L que j'accompagnerai très volontiers Melle Dubois et que je compte toujours partir jeudi à 11h 38.

Nous allons à la Briquette. Mes reins vont mieux. Un peu de rhumatisme sans doute. Le temps est si bizarre.

Je t'embrasse bien ma Minette. Embrasse bien maman. J... toujours ri en couvant (?) que je comme à lui adresser à elle. Bonsoir.

J'écris un mot à Mme L L pour que tu n'aies pas à le ... pour lui parler.

Val 28 juillet 1897

Voici donc, chère enfant, ma dernière lettre de cette série. Demain à cette heure je serai à Wimereux. Vrai, j'ai bien travaillé pour me rendre libre à nouveau. J'ai donné aux affaires presque tout mon temps et ce n'était pas trop.

Ah! vilaine boite de facteur qui a des doubles fonds pour cacher mes lettres à ton adresse mais elle m'a valu à moi de savoir une fois de plus avec quelle joie tu attendais ces bienheureuses lettres.

Je suis bien contente de ma petite femme de ménage et tu emploies à cela bien utilement ton temps de vacances.

Chérie pour ne pas rester en reste de toi je vais voir si Héléna s'en tire de son souper; aujourd'hui j'ai Jules et Marie, j'y vais donner un coup d'oeil. Je suis très en retard et n'ai plus le temps de te dire encore à demain et bons baisers à tous et surtout à toi en attendant cette bienheureuse arrivée.

Je voudrais que nous ayons demain la clef des Vagues. On y ferait porter la malle d'Hélène.

A bientôt donc ma chère chère petite fille.

Ta maman.

----- Valenciennes 13 août 1897

Ma chère enfant

Cette fois me voici à toi. Je viens d'écrire toute une série de lettres moins agréables. Je t'assure que mon bonjour quotidien à petite exilée...

Car vraiment hier tu me faisais un peu l'effet de rester en exil; et lorsqu'en entrant l'on s'étonnait que j'avais su te laisser, on doublait mes regrets. Mais tu sais que je trouve juste de consulter la raison et qu'aurais-tu fait de bon aujourd'hui où j'ai passé ma matinée à remettre en ordre et mon après-midi après un bonjour circulaire à la famille à jeter un coup d'oeil rapide avant de piocher, aux affaire. J'aurai largement de l'ouvrage serré pour toute la semaine prochaine et la semaine suivante je serai plus libre de sortir avec toi pour employer le reste de tes vacances. Puis Marie va aller dehors la semaine prochaine à ce château de Mr Bara très probablement et elle rentrera tout juste pour vous retrouver après cette longue séparation.

J'ai reçu ta lettre au courrier de 3h! Combien cousine Clémentine a du être contrariée. Nous lui avions malgré l'impossibilité de se voir envoyé nos bonjours en croisant l'express entre Hazebrouck et Bailleul. Tu me diras si elle est contente du chalet.

Edouard te portera 215 fr c'est juste ce que je dois à Clémentine pour Mme L.L. Je donne ... 5 fr je crois. Remets-le lui et charge toi de donner aux Soeurs chapeaux, bérets et costumes de bain et de savoir le métrage de la nappe de communion. Longueur et hauteur.

Edouard compte revenir au train du soir. Je crois qu'il aura un chalet et avait télégraphié quand je l'ai vu. J'écris à Mme Le Lupvre pour la remercier. J'aurai voulu qu'Edouard s'arrange pour Brunetiere. Celui qu'on lui a offert est Brise-vent, dans la dune de l'autre côté du Wimereux. Celui qui l'occupe cherche à sous-louer ne sachant y rester.

Les enfants ont été trouvés superbes de santé. On m'a encore fait compliment d'eux en route tant ils étaient sages et gentils. Jules et Marie en sont contents. Teten et Agnès sont aussi bien gentils. Quelle belle petite famille.

Au revoir, enfant chérie. Tu sais si je t'aime bien et quels baisers de coeur je t'envoie. Amitiés à Hélène, Clémentine et Mme Lecerf si tu la vois.

----- Valenciennes, 14 août 97

Ma chère Anne-Marie

C'est demain grande fête de la Sainte-Vierge et la tienne encore. je pense que tu la passeras joyeusement mais saintement - que tu iras communier et je m'unirai à toi pour demander que ma chère petite fille soit toujours une digne enfant de Marie, une bonne chrétienne - pieuse et énergique.

Avez-vous pensé à la vigile? J'ai regretté de ne pas te l'avoir rappelé hier. Il est vrai que cousine Clémentine arrivée, tu n'as plus à cuisiner -mais n'as tu pas oublié ainsi la fête de Tante Marie Boulan et Marie Giard. Tante Marie surtout tient tu le sais à sa fête. Si tu ne l'as pas fait, fais-le de suite.

Mon oncle Edouard est parti ce main à 7h et a du arriver vers midi avec Antoinette. Ils ont loué Brise-vent et Tante Marie est ravie d'être dans la dune. Dans ce cas nous n'aurions jamais pu nous entendre sur le même chalet. Elle arrivera lundi avec son monde. Elle m'offrait de te garder mais j'ai dit que tu ne saurais plus rester plus longtemps et moi non plus.

Je parlerai à Marie de Victorine mais les renseignements donnés sont d'autant plus scabreux qu'ils sont écrits. je crois qu'il n'y avait rien à dire de mal et qu'elle a quitté parce qu'elle avait été souffrante - beaucoup de clous - cela se peut dire.

Si tu es encore piquée, le phénol est bon mais tu peux toujours employer aussi la teinture d'iode. Le phénol est, tu t'en doutes, le principe de l'eau phéniquée.

Voilà 7h. On ferme. Je n'ai plus le temps de causer davantage. J'ai été avec Mimi et Rosa à Aulnay. Charles va demain à Roye.

Au revoir, mon enfant chéri. tous mes baisers très affectueux.

Ta maman.

Il ne me reste que 2 feuilles de ton papier.

N'oublie pas lundi que je ne suis pas sûre du tout d'écrire demain.

----- Dimanche 15 août 97

Ma Minette chérie

Je rentre de la procession que j'ai suivie entièrement et viens répondre de suite à ta lettre.

1o. Je n'ai rapporté de toi qu'un ou 2 mouchoirs à laver et ne comprends pas leur disparition. Cherche encore - en tous cas demain lundi je t'en enverrai avec ton spencer - et une taie d'oreiller.

2o Je suis contente de te voir jouer au croquet et prendre de l'exercice mais n'excède pas la fatigue. Ce qui t'ennuie est dû sans doute à ce que la mer fait l'effet du fer (?) et cela prouve que tu n'auras plus à prolonger ton séjour. Continue tes bains mais pas trop longs surtout.

Maintenant causons. Je n'aurais pas cru en effet que nous puissions vous entendre de St Michel au Chalet des Vagues. La sympathie aide l'oreille sans doute à moins que ce ne soit un effet d'acoustique. C'est dommage que je n'ai pu en jour avec Madame Le Lupvre. Il est vrai que les conversations à cette distance courent risque de perdre leur intimité. Je pense bien que tu ne me contes pas de craques. Pourquoi anglicanises-tu ce mot comme croquet. Celui-ci je le comprends mais craquer, c'est bon français et je trouve dans mon dictionnaire - craquer mentir - craquerie mensonge - craqueur menteur et craque voir craquerie. Te voilà bien édifiée à ce sujet.

Accepte-le moins possible les parties comme Gris-Nez avec les Lecerf. Nous avons eu assez de dépenses et je n'aime pas d'accepter ce que je ne puis plus rendre, avec Clémentine c'est autre chose. Offre de payer comme l'a fait Hélène et accepte ce qu'elle voudra t'offrir. Je suis bien satisfaite que le chalet lui plaise.

Dis à l'occasion à Mme Lecerf un mot aimable pour moi.

Charles est à Roye. Jules était venu m'en faire la demande officielle pour les mettre au complet - en place de Mr Jules Cartier qui manque. J'ai dû accepter de bonne grâce mes réserves faites pour le jour de l'Assomption.

Charles trouve qu'il n'en sort pas de faire une épreuve seulement de chacun de ses clichés. Tu pourras en faire en rentrant mais nous verrons ce qu'il dira demain et puis il fait si chaud qu'il faut virer à la cave. Il va en agrandir quelques uns.

Au revoir, enfant chérie. Dans 8 jours nous serons bien prêts de nous rejoindre.

Je t'embrasse bien fort.

Ta maman.

M. Wilmereux part en vacances pour 15 jours. C'est bien le moment la paroisse est diminuée de moitié. Tante Dorlodot décline doucement. Elle a été administrée.

----- Valenciennes 17 août

Ma petite fille chérie

Je reviens d'Aulnoye où je suis encore allée aujourd'hui. Il faisait beau et bon. J'avais passé ma matinée à vérifier le relevé des marchandises mais au jardin sous l'orme. Nous y avions dîné. Ce petit coin est charmant et cela m'avait mis en veine de grand air. Comme toujours du reste cela n'a pas été inutile au contraire. Auguste était découragé des cuves. Il était bon que j'aille rendre mon impulsion. Puis j'ai remercié Zéphirin, tout le monde et moi surtout en avions assez. Puis j'ai vu aux fruits aux légumes aux fleurs, etc. Je reviens avec une superbe gerbe de marguerites pour Maman. Elle était allée malgré ses malaises faire une triste visite, le dernier petit garçon de Mme Albert Carlier venait de mourir, en quelques heures. Mr Albert jouait à la paume ce matin. C'est un ange lui. Il est sûr d'être sauvé. Mais c'est encore une tristesse pour ses parents. Tu le diras à Tte Edouard car je suppose que tu l'as vue. Tu savais, elle, où la trouver. Te dirais-je, Minette, que ta déception à ce sujet m'a presque fait venir les larmes aux yeux. Pourtant, il me semble qu'on l'aime bien là mais que veux-tu, tu n'est pas comme pour ta maman la première affection. Aie soin de dire que tu as cherché à les voir puis n'en parle plus (à eux bien sûr ni aux Vagues).

Si tu avais trop la nostalgie, si tu craignais surtout d'être indisposée lundi, si Mme Lumigny rentre dans la journée, si elle ne rentre pas par Boulogne, peut-être pourrais-tu profiter de son occasion. mais si tout cela ne se vérifie pas, il serait préférable que tu restes. Vendredi, je crois fort que je n'irai pas te chercher et ce serait dommage.

Sois bien délicate avec Henri, ne te familiarise pas, tu perdrais ton influence provisoire. Je suis de ton avis, il lui faudrait un changement complet de direction.

Vendredi, je pense te faire un petit envoi de fleurs pour Mme LL ou aimes-tu mieux que je ne le fasse pas. C'est sa fête le 23.

Charles t'envie. Il te parle ... de ces photos. Il y en a de superbes. Cela dépasse de beaucoup tout ce qu'il t'a envoyé.

Au revoir, ma bien chère enfant. Je t'embrasse comme je t'aime.

----- Valenciennes, 17 août 97 (il y a deux lettres datées du 17)

Ma chère petite fille

Aujourd'hui je reçois ta lettre à 4 heures. Enfin ! Ici je ne puis mettre cela sur le compte du facteur - on n'y comprend plus rien. Gagnons des mérites, fillette chérie, en faisant acte de patience.

Tu vas bien, me dis-tu, tant mieux, mais tu vois que j'avais bien lu dans es yeux que tu n'étais pas encore d'aplomb. J'ai vu Mr Mariage aujourd'hui. Il me dit de te laisser quand même mais reviens cependant lundi et toi, tu ne manqueras pas de me dire l'heure exacte de ton arrivée.

Je t'ai dit, je crois hier, qu'Edouard était parti pour Boulogne à 7h15 pour arriver à 11h40 environ, mais je l'avais vu la veille et il n'en avait pas parlé. Je pense qu'il n'aura pas été te voir par discrétion pour n'avoir pas l'air de se faire inviter par cousine Clémentine.

Tante Edouard n'aura pas eu les mêmes raisons et je penser que tu l'auras vue vite mais elle aussi est partie par Boulogne et ne sais l'heure e son arrivée. En tous cas, tu sais où elle est et tu iras la voir à Brise-Vent. Tu lui diras que Maman souffre d'une névralgie sciatique. Elle devait aller avec Charles assister à son départ mais elle était trop souffrante ce matin. Ce ne sera rien pourtant.

C'est d'abord chez elle que j'ai vu Mr Mariage puis chez lui où je suis allée avec Charles. Il conseille de faire arracher sa dent mais de ne rien faire à la gorge et il déconseille tout à fait ce que supposait le dentiste de Boulogne et nous en sommes bien aises. Pour moi, il m'a fait une insufflation par le nez qui de suite m'a fait mieux entendre momentanément et me conseille de continuer cela moi-même et de ne rien faire d'autre qu'une goutte de glycérine pour le bourdonnement.

Charles, comme toi à Wimereux et nous ici avons eu hier de la pluie. Ils n'ont pu jouer et est rentré à 1h du matin après n'avoir eu d'autre plaisir que de rire et chanter surtout dans le train. Quels grands enfants !

Aujourd'hui, il s'est informé pour le pèlerinage de Lourdes ou j'hésite à le laisser aller. Puis a vu l'électricien et nous verrons demain le catalogue des lustres.

Marie Edouard a emporté un petit paquet pour toi. Dis à Hélène que j'ai rapporté une serviette de table à elle. Je la mettrai de côté pour la leur rendre. J'ai encore retrouvé une feuille de papier mais j'en rachèterai. Et t'envoie des enveloppes désassorties ou plutôt t'en enverrai une fois à autre avec le papier.

Charles t'envoie des photos pour te faire plaisir. C'est tout ce qu'il a de la bataille aux fleurs.

A bientôt, ma chère petite fille - en attendant bien bons baisers.

J

----- Valenciennes, 18 août 97

Ma fille chérie

Allons, voilà la réunion faite avec les Edouard. Je suis sûre, vois-tu, qu'on ne se figurait pas par là que tu y mettrais tant de bonne volonté. Enfin tout est bien comme cela, sauf la route qu'il faut faire pour aller les trouver.

Marie, outre son amour de la solitude ou de la liberté pour elle devait encore la souhaiter pour ses enfants car les misères de Jean sont encore visibles et fais y encore un peu attention pour toi.

Si je ne me trompe, j'ai lu ta lettre à Laure et tu parlais bien des Vagues, à moins que ce ne soit celle à Marie-Louise. Cette chère amie est partie hier pour Hon... En tous cas veille bien à ne pas te tromper de train pour revenir.

Maman Boulan a dîné ici et j'avais invité aussi Paul Theillier qui était venu voir Charles. Le cher cousin a bien manqué se noyer hier. Il était allé au bain à 5h après avoir dîné à midi. Il sortait de l'eau heureusement lorsqu'il a eu une sorte de défaillante qui dur 20 minutes. Il a fallu le transporter dans la maison du propriétaire des bains où on l'a soigné et fait ramener en voiture. si cela lui avait pris dans l'eau, il est probable qu'il y serait resté.

Le pauvre petit Gérard était souffrait pour ses dents. Il ne digérait rien et avait la cholémie (?) en quelques heures son état s'est aggravé mais il était déjà l'agonie que sa mère ne s'inquiétait pas encore. On venait d'essayer un bain. Je l'ai vu, il n'est pas plus grand ni gros qu'un enfant de 2 ou 3 mois.

On nous apporté un tas d'albums pour les appareils électriques. Nous regarderons cela ce soir. C'est assez cher et nous avons déjà eu bien des dépenses cette année. Pourtant il faut passer par la, ce me semble.

Charles renonce à Lourdes. Cela ne s'arrange pas pour les voisins de compartiment. Je l'ai vu ce matin prendre sa leçon d'escrime. C'est bizarre.

A propos de bizarre, quel vieux mari aura Louise Dupont. Mon impression a été de la plaindre. Elle n'en sera peut-être pas moins très heureuse.

Miette varie ses journées entre les greniers. Au jardin, elle casse les fuchsias et figure toi qu'elle ouvre la porte du buffet - fait tomber la boite aux bonbons et mange. On remet en place elle recommence. Elle aura besoin de tes leçons de probité.

Au revoir, ma Minette à moi, ni gourmande ni... mais une bonne enfant que j'aime de tout coeur.

Ou en est ta nostalgie?

J'ai une rame de papier, en voici la 1ere feuille.

----- Valenciennes, 19 août 97

Ma chère petite file

Tous les coursiers ont passé et ne m'ont rien apporté de toi. Et encore j'attendais avec impatience de savoir si par hasard tu ne te serais pas décidée à revenir demain vendredi avec tous les si, les car et les mais que j'ai employés. Vois-tu, je suis bien pressée de te voir aussi et cependant cette arrivée à 11h du soir me chiffonne si bien que j'aimerai mieux mardi dans la journée. Enfin, à quelque jour et quelque heure que tu reviennes, tu sera reçue comme l'enfant la plus aimée. J'ai peur que te dire tout cela te fasse regretter d'être restée; tu aurais tort cependant, du moment où pour toi, le bien être dépasse l'ennui, je suis contente.

J'ai dîné à la Briquette avec Mr le Doyen de St Nicolas, Mr Fiercot et Maman et Charles. Maman va mieux. Elle n'a plus qu'une petite douleur de temps en temps et elle st moins jaune. Elle me parle de toi chaque fois que je la vois et a hâte aussi de te voir revenir.

Charles a été photographier le petit Gérard Carlier ce matin. On l'enterrait à 3 heures. C'est encore un petit voleur de paradis mais sa mère est bien triste et souffrante.

Je n'a pas revu Miroten et Agnès depuis dimanche, mais qu'ils étaient donc gentils tous quatre. Je te l'ai peut-être déjà dit.

Ne seras-tu pas trop embarrassée pour ton bagage. Si je pouvais t'aider ! Faut-il t'envoyer de la ficelle ou quelque chose d'autre?

Je ne sais plus quoi te dire. Je n'ai pas ta lettre, j'y pense toujours et ne peux te répondre. Et puis malgré que je connais les irrégularités de la poste, j'ai peur que tu n'aies quelque chose que tu sois malade, que sais-je. Sais-tu qu'il faudrait me faire écrire, télégraphier et ne pas me laisser dans l'incertitude ou l'ignorance.

Jusqu'ici, je n'ai encore pas eu de visite désagréable. J'aurais préféré la voie avant ton arrivée et que tu n'aies pas à t'en préoccuper, mais je vais très bien.

Nous avons vu les gravures d'appareils. Oh là là ! Que c'est cher !

Au revoir, à bientôt ma fillette très chérie. Je t'embrasse bien fort en attendant lundi car je pense bien que c'est toujours lundi qui tient la corde.

Ta maman.

Amitiés à Clémentine, Hélène, souvenirs à Mme Lecerf-Obin.

(note rajoutée au crayon) Je rouvre ma lettre, j'ai la tienne. Je te pardonne ... double et te dis merci (?).

----- Valenciennes, 20 août 97

Ma chère enfant

Supposons la pétition faite, signée, appuyée, apostillée, etc. etc. et arrivée à destination. Sais-tu ce qui en résulterait? C'est qu'elle pourrait bien en trouver une ici demandant au contraire ton retour. Dimanche on disait à table que si tu revenais dans la journée, tout le monde se trouverait à la gare pour te faire une ovation.

Maman voudrait te voir rentrer. Marie B. M'en dit autant. Marie G de souhaite vivement. Chez Marie J on parle de toi et ici Charles te réclame et moi par dessus tout et pourtant c'est moi qui l'ai dit seule et qui le dirais encore si je croyais que cela te fut utile. Par exemple, tu n'auras pas d'ovation à la gare et à 11h du soir - à pied - puis-je espérer y aller? si tu ne veux pas rentrer sans que j'y sois, tu risques fort d'avoir à prolonger ton séjour. Je crains de te faire peur inutilement et cependant si je te laisse compter sur moi et que je n'y suis pas, sera-ce mieux.

En tous cas, remercie bien de ma part Tante Edouard, comme Clémentine et toutes celles qui veulent bien insister (?) si aimablement et dis-leur que j'ai hâte de te revoir.

Je n'ai pu envoyer les fleurs aujourd'hui. Je comptais aller à Aulnoye et il pleut sans arrêter. Les fleurs ne seraient pas emballables - et puis j'avais invité Mimi et Roro et Bonne Maman Bellec (?) qui désire voir l'église de Famous (?). Cette promenade est devenue imposée.

Paul Ch. nous a fait une seconde frayeur. Hier, chez lui comme lundi au sortir du bain il est pris tout à coup de douleurs de tête intolérables. Il vomit et se tordait. Mr Mariage a fait mettre des sangsues derrière les oreilles. Ce matin il était encore bien accablé, il n'avait pu dormir. Henriette était fort inquiète et je ne l'étais pas moins. Mr Mariage affirme pourtant que cela n'a pas de gravité et est la suite de la congestion du bain. Charles l'a trouvé levé et mieux après le dîner.

Je t'attends pour le choix des appareils. J'aimerais de savoir ton goût.

Oui, je suis contente de tes promenades, pourtant Audreselles m'a semblé un peu loi, si M. est-ce aussi à pieds que vous y allez. C'est magnifique. La photo du petit Gérard est réussie. Charles en est bien content.

A propos, comme tu as bien fait de m'envoyer un mot hier matin que ta lettre a été bien reçue. Je venais de me décider à fermer lettre et bureau quand Lacon est venu me dire - le facteur a mis à la boite. Tu dis vrai, l'irrégularité de la poste (?) a du bon. Au revoir, petite chérie. S'il fait beau tu auras le bouquet (?) dimanche ou je l'enverrai lundi matin directement. Ou pas du tout. Encore mille baisers.

1898

----- Valenciennes, 3 juin 1898

Ma chère chère enfant

J'ai reçu ta dépêche d'arrivée avant 2 heures. J'était bien contente de l'avoir car je craignais une indisposition de Marie qui paraissait bien peu vaillante. Te voici donc dans un pays inconnu pour moi où ma pensée te cherche sans voir ton entourage. Aussi j'aime à me figurer te promenant sur la plage - la mer est là comme à Wimereux, comme ailleurs, avec ses mêmes vagues, ses mêmes bruits incessants, ses mêmes beautés, ses mêmes enchantements.

Je suis revenue avec Tante Henriette chez nous, prendre mon bouquet pour ma visite à Papa, où Henriette vient avec moi. J'ai été doucement mais vivement émue de ce que j'y ai trouvé. Une fauvette, je crois, a fait son nid dans la couronne de lierre tout contre la crois de pierre. Je ne l'aurai pas vu si je n'avais vu la mère s'envoler à notre approche. Il contient 5 ou 6 petits oeufs, que bien entendu je n'ai pas touchés. N'est-ce pas bon à penser que la vie naît aussi sur une tombe aimée. J'ai ai songé bien des fois aujourd'hui. Veux-tu savoir ce que je me disais? que cette tombe serait aussi pour nous en réalité le nid où nous retrouverions un jour la vie, la vraie vie.

En nous est déposé un germe d'immortalité qui produira ses fruits. Un peu plus tôt ou un peu plus tard, la main de Dieu nous conduira à ce dernier rendez-vous mais ensemble nous ressusciterons. Il est bien facile de croire à la résurrection devant tant de mystères de la nature qui semblent faits pour nous en donner l'image et qui, si fréquents qu'ils soient, n'en sont pas moins incompréhensibles. Je voudrais entendre ces petits oiseaux chanter sur notre tombe les louanges du bon Dieu.

Cette après-midi, j'ai été une demi-heure à l'adoration puis j'ai fait à Laure ma visite de félicitations. Elle était bien jolie dans son peignoir de crépon mauve et avait très bonne mine. Sa petite Madeleine est bien petite mais bien vivante.

Je vais adresser une lettre à tout hasard chez les Filles de la Sagesse. J'espère qu'elle t'arrivera et que tu n'auras pas oublié de me donner demain une adresse moins vague.

J'hésitais à aller demain à Maubeuge à l'enterrement de la mère (?) Derbain. Je voudrais voir cette famille. Paul ou Maurice iront. amitiés à Tante Marie et pour toi, enfant chérie, toutes mes tendresses.

----- Valenciennes, 4 Juin 98

Ma chère Anne-Marie

A moi non plus, la 1ère impression sur votre hôtel n'a pas été favorable. Hospice !... même : maison sanitaire! n'est pas une enseigne faite pour plaire et je n'ai pas envie du tout de la mettre sur mes adresses. Je saurai demain si tu as reçu ma première lettre écrite hier et adresser simplement Etablissement des F. de la Sagesse. J'y ajouterai: rue Faidherbe, mais le docteur devrait bien, s'il veut des clients, lui donner un autre nom. Qu'on la baptise d'un nom de saint. Ce n'en sera pas moins sain. Saint Luc était médecin, je crois. Il accepterait bien ce patronat.

Sans plaisanterie, je ne veux pas faire croire que tu est malade et je ne dirai pas le nom de cette maison. Ensuite, après le nom, il y a la chose. Tu parais n'y être pas mal, mais vous y êtes bien isolées. En juin, il fallait s'y attendre, et je suppose que pensionnaires et serviteurs arriveront ensemble en juillet quand depuis longtemps vous aurez regagné vos pénates.

Maurice est venu chercher des nouvelles de Tante Marie. Henriette était impatiente d'en avoir. C'est Paul qui est allé à Maubeuge. Je me suis contentée d'écrire et je suis allée payer à la quinzaine à Aulnoye. Je suis allée moi-même porter des asperges à Mme Bara. elle a fait en me voyant un "Oh! Mme Boulan", qui m'a montré comme ma visite lui faisait plaisir.

Michel est venu dîner avec moi. Il était venu hier m'offrir des billets de loterie et je l'avais invité. J'en ai pris 20 à lui, 5 à Aimé Leroy, tous à ton nom. J'ai l'invitation: il y a une séance par un Espagnol physicien "Maraggio", prestidigitation et magie. Michel ne vend pas mais louera 50c le tour du jardin avec le petit cheval de son papa. Je lui ai dit qu'il n'aurait pas ma pratique, ce qui ne l'a pas étonné.

Ce qu'il y a de bien dans ton nouveau séjour, c'est la facilité de la route et de la correspondance. J'ai eu ta lettre au 1er courrier.

Rassure toi, je vais bien. Pas de cauchemars cette nuit malgré les maquereaux mangés hier soir. J'ai dîné hier en compagnie d' "Elisabeth Seton" au soir, j'ai eu Charles et ce midi Mimi qui viendra encore la semaine prochaine. J'ai causé avec lui de toi d'abord, de Charles, de la séance, de la guerre et même de la chambre des députés, où c'est presque la guerre. Il se fait très bien entendre et est très sage.

Mais ma pensée te suit et mon coeur s'en va à Malo chercher ma fillette, ma compagne de tous les jours, ma chère grande fille que je bénis et embrasse de tout coeur bien tendrement.

----- 5 juin 98

Chère Anne marie

Oui, je reconnais bien ma grande fille au portrait que tu en fais toi-même, mais ce fameux chignon comment s'en tire-t-il d'être démêlé par sa propriétaire? Ne va-t-il pas me revenir comme un paquet d'étoupes? A la rigueur fais toi coiffer en ville, une fois ou deux... ou plus chez un coiffeur.

Cela me plaît en effet ces grandes fenêtres et ces hauts plafonds. Mais cependant, si grandes et aérées que j'aime les chambres, cela ne va cependant pas jusqu'à te souhaiter d'autres refuges pour tes toilettes de bain que les coins des dunes. Il n'y a donc pas d'hôtels sur la plage, ni de chalets à louer dont on pourrait peut-être louer la cabine, ni maisonnette proche dont ou pourrait demander une chambre de temps en temps avec gratification. C'est un peu fort! Pauvre Tante Marie. Aller à la mer pour prendre des bains et y renoncer, ce serait le supplice de Tantale. Je me demande ce qu'elle aurait fait sans toi pour lui tenir compagnie. Et le médecin ne vous croyait-il pas malades l'une ou l'autre? Quelle maladie ont les malades dont tu parles?

Charles est allé après la grand-messe photographier à la caserne: le temps qui était superbe s'est couvert et dérange peut-être ses projets. Ton petit mot, je l'ai vu, lui faisait plaisir. Après le dîner, il ira voir les régates qui seront très intéressantes. Mais il n'a pas la permission de minuit et ne pourra aller au concert de la Croix rouge. Juge de son regret!

Il n'a pas été fatigué du tout de la "bataille de Maxéville (?)". Cela l'a fort intéressé, mais ils n'ont pu savoir s'ils étaient vainqueurs ou vaincus.

M Lucien Carlier a un ratier qui hier soir a pris trois rats. Avec les deux nôtres, cela fait déjà diminuer la famille.

Je vais te quitter pour dîner chez Bonne Maman. Marie G s'est informée de toi avec tout l'intérêt que tu sais. Marie Jules m'a dit avoir une lettre de toi. J'espère que tu as gardé pour moi des fautes d'ortho comme celle ci: beaucoup de chaise. Je te la pardonne en raison de sa grosseur, mais relis-toi toujours. Au revoir ma fille chérie. Continue bien de m'écrire. Si ne l'as pas fait, donne moi le numéro de la maison où tu es.

Je t'embrasse bien fort.

Ta mère. J.

----- 6 juin 98

Ma chère petite fille

Si je continue de t'écrire ainsi tous les jours, je vais nous faire trouver bien bavardes par ces bonnes chères soeurs qui ne s'imagineront jamais que je puis ainsi trouver tous les jours quelque chose à te dire et cependant je suis sûre que tu t'exclamerais comme une perdue si je te proposais seulement de diminuer de moitié. Oh! L'enfant gâtée que tu es!...

Voici que je puis grâces à toi me figurer le logement et les habitants de l'hôtel. Il est évident que la saison de bains n'avait pas encore débuté et que vous étrenniez le logis. Puissiez-vous lui porter bonheur!

Tante Marie est-elle contente d'être là? J'ai naturellement envoyé sa lettre sans la lire et comme je n'ai pas vu Henriette, je ne connais pas ses impressions. Consentira-t-elle à rester après ton départ. Penses-tu revenir au commencement de la semaine ou risqueras-tu volontiers de rester jusqu'à la fin de cette seconde semaine. Ce serait chanceux. Prenez-vous enfin des bains? Tu sais si je désire que tu sois prudente à l'excès; à l'excès (souligné) tu entends.

Ne pouvais-tu faire en sorte de voir le facteur et de lui dire que les lettres à ton nom ne sont pas pour le pensionnat. Peut-être me donneras-tu un numéro? Une petite gratification lui donnerait de la mémoire (?).

Je crois qu'il serait bon que tu remercies de ma part la bonne Mère des bons soins qu'on a pour toi. Vous n'êtes pas là dans un hôtel ordinaire et je suis bien certaine que les bonnes chères soeurs ne pensent guère en étant aimables et prévenantes pour vous au bénéfice pécuniaire.

Mimi que j'avais encore invité m'a fait l'affront sanglant d'oublier ma gracieuse invitation. Comme il faisait très chaud, j'avais fait mettre la table sous l'orme pleureur, je pensais l'amuser en j'ai dîné en tête à tête avec mon livre et les oiseaux. Je vais le taquiner mon cher filleul.

Hier, on a été en bande aux régates. Nous sommes restés, mon oncle Léon, Bonne Maman, Tante Edouard et moi à deviser jusqu'à 3h et demi. Je suis rentrée, j'ai écrit et lui, le salut et soupé ensemble avec Charles avec accompagnement d'orage. Je crois bien que nous allons aujourd'hui en avoir une seconde édition. Charles est retourné sous une pluie battante; tu sais si cela l'amuse. ! Je ne sais ce que j'ai dans ma plume. J'ai des distractions d'écriture comme de paroles et ajoute des lettres à tort et à travers. Hier l'écrivais la loie !

Ce qui fait loi, c'est de t'envoyer tous les jours mon bonjour ou mon bonsoir. Allons, enfant chérie, sois tranquille, tu auras cette consolation, si tu as besoin d'être consolée.

Je t'embrase bien affectueusement et te bénis de tout coeur.

Ta mère.

Mille amitiés de Charles.

----- 7 juin 98

Chère Ninette

Non, non, cela ne me fait rien que tu m'écrives à différentes heures et en plusieurs fois, au contraire. C'est m'associer au détail de ta vie. Tes soirées ne doivent être gaies et c'est le passer avec moi que m'écrire.

Il a fait ici encore hier soir un violent orage. Je ne me rappelle pas d'avoir vu la rue aussi inondée. Au faubourg, l'eau inondait certaines maisons. Charles qui n'a pas encore la permission de l'étude devrait juste se remettre en route par cette pluie torrentielle Il a préféré risquer une punition et je l'attends ce soir avec une certaine impatience.

Je regrette que tu perdes ainsi l'occasion de prendre des bains qui te sont si salutaires, mais cependant cela calme mes inquiétudes sur ta noyade possible.

Aujourd'hui, anniversaire du couronnement, il y avait indulgence plénière à communier à Notre Dame, mais comme on ne m'a pas prévenue, je ne l'ai su qu'en sortant de l'église. J'espère que la Sainte Vierge aura eu égard à ma surdité. J'avais communié bien entendu.

J'ai encore pris à Germaine 20 billets en ton nom. Puis Tante Jules se chargera d'acheter quelque chose pour nous à tes compagnes en ayant bien soin de le dire. Michel est venu aujourd'hui. Hier, il avait été un peu indisposé. Je lui ai garni aussi un peu son porte-monnaie pour la vente en l'honneur de sa croix d'excellence pour laquelle je lui avais promis une récompense. ll était enchanté.

Comment soigne-t-on pour la coxalgie un petit garçon et ne peut-on soigner Marie Louise. Je n'ai pas vu Tante Jules et ne sais ce qu'on décide.

Bonne Maman est toujours prête à aller te chercher et doit demander sérieusement Pauline. Elle me disait tantôt qu'elle pouvait peut-être partir un peu plus tôt et rester deux ou trois jours. en tous cas, si ces beaux projets s'évaporaient encore, je crois qu'il serait possible d'y aller moi-même mardi ou mercredi, car je ne désire pas que tu reste plus longtemps. Dis moi d'avance très franchement ce que tu penses de la date de ton retour à Valenciennes.

Je viens de recevoir l'invitation pour toi de faire partie du cortège de Notre Dame du Saint Cordon à la procession. C'est M. Bailleux (?) qui la signe. La Sagesse marchera-t-elle? Dans quel costume marchera-t-elle? Et tu seras tu en état de marcher? Et tes robes que je ne puis t'essayer!

Figure toi que je n'avais pas ouvert la lettre de Tante Marie, et m'étant figurée qu'elle était pour Henriette, la lui avais envoyée sans la lire. Une autre fois, je regarderai au moins la vedette.

Au revoir, ma chère enfant. Je t'embrasse de tout le meilleur de mon coeur.

Ta mère

J'ai été à Sainte Roch (NDLR, le cimetière je pense). Le petit nid y est toujours, mas je n'ai plus vu la mère. J'espère qu'il n'est pas abandonné.

Charles rentre et n'a pas été puni. Il est content de la lettre et t'en remercie.

----- Valenciennes, 8 juin 98

Allons, je vois que le vent du Nord souffle sur ma petite fleur privée de son tuteur et qu'elle penche vers le midi et sa serre natale pour y chercher le soleil, c'est à dire l'appui et la gaieté.

Rassure-toi. Dès hier, j'avais compris que tu jetais déjà vers Valenciennes des soupirs d'attente, puisque tu parlais de retour et de mon coté, lorsque j'ai reçu ta lettre ce matin je venais de dire à Annie: "Je ne puis me figurer qu'il n'y a que quelques jour que Mademoiselle est partie. Le temps me semble long cette fois." Donc, nous ne prolongerons pas. Maman, qui ne demande pas mieux que de faire un petit voyage, est toute disposée si cela va à Tante Edouard à partir vendredi avec Pauline et Germaine et à te ramener lundi. Je ne sais si elle ne préférerait pas loger à l'hôtel. Il ne faut pas jusqu'à nouvel ordre lui retenir de chambre. Elle verra bien elle-même.

Voilà son projet de ce matin, mais je ne sais la réponse de Tante Edouard. Edouard doit s'absenter dimanche pour quelques jours. Tante Marie devait commencer son traitement à St Amand, mais la vue des boues la fait hésiter. Mary est malade, sérieusement malade. Elle est enflée et ne pouvait plus faire un mouvement. Le médecin a tenu à ce qu'elle aille à l'Hôtel Dieu.

Marie G qui était ici avec Bonne maman était ravie de ta lettre et te répondra. Elle non plus n'a pas voulu mettre "sanitaire". N'as-tu pas dit à la Bonne Mère ma répugnance à ce sujet.

Il pleut à verse à chaque instant depuis 5 longues heures. St Médard va faire gémir plus d'un.

A bientôt fillette chérie. Aujourd'hui, je n'écris pas longtemps; je vais bien cependant. J'ai couru toute la journée avec quelques visites au bureau. J'ai cueilli ton baiser où tu l'avais placé. J'en a même recueilli trois pour un. Je suppose qu'il s'était ressemé.

Voici les miens, et que le bon Dieu te bénisse comme moi. JB

Mille amitiés à Marie.

----- Valenciennes, 9 juin 98

Chère Anne Marie

Bonne Maman est bien décidée et part demain matin vendredi au train de 8h27 pour rester je crois jusqu'à lundi et te ramener. Je vais te mettre l'eau à la bouche et te disant qu'il avait été question que ta chère Marie (rant) y aille aussi, mais cela ne se sera sans doute pas arrangé. Je viens avant de t'écrire de faire demander confirmation à maman et elle n'a parlé que de Pauline et Germaine qui vont bien avec elle. Bonne Maman avait reçu ta lettre et souvenir et en paraissait contente. Mais dis-moi où tu as été péché (sic) l'orthographe de Dunkerque que tu écris Dunkerke. Est-ce le mal du pays qui te trouble les idées?

Aujourd'hui, jour de la vente, le temps s'est levé aussi chagrin aussi sombre que possible mais dans la matinée, il s'est un peu éclairé et se maintient sans pluie cet après-midi. J'ai pris en tout pour toi à ton nom 95 billets. Je pense même que tu auras la centaine avec ce qui restera sur ce que j'ai donné à Tante Jules pour acheter un joli vase pour moi si elle le trouve. Si, avec cela, ton nom n'est pas prononcé, c'est que tu auras du guignon.

Hier, il y a eu une véritable trombe aux environs de Bavay, il y a des maisons culbutées, etc. etc. A Aulnoye, la Rehombes (?) est au niveau du jardin. Il est temps qu'elle s'arrête. Le faubourg est inondé. Mais pour nous encourager, la Dépêche disait hier que sur 40 années où il avait plu le jour de Saint Médard, il avait fait beau ensuite 30 fois.

Nous allons avoir constamment un marché aux Herbes, petite place Verte. On supprime celui qui existe et on en fait deux, place du Neuf-Bourg et ici près. Les petites Soeurs n'ont pas été autorisées à quitter leur maison, Mme Hmoir ayant mis comme clause à sa donation qu'elle resterait asile de vieillards. Voilà les nouvelles du conseil municipal. dis cela à Tante Marie.

La procession ne passe pas ici. Elle passe en face de Marie Giard. C'est un nouveau tour.

Je suppose que Maman logera avec vous si cela est possible, mais ne retiens rien, sauf à dîner. Elle s'arrangera elle-même.

Je suis contente de ta joie et vais y penser avec plaisir. Au revoir enfant chérie. Je t'embrasse bien fort. Maman vient de venir. S'il y a moyen, elle logera à la Sagesse. Tu peux en parler.

Je change l'adresse de ma lettre pour qu'elle t'arrive de bonne heure.

----- Valenciennes, 10 juin 98

Chère rieuse

Voilà j'espère Maman arrivée à bon port avec ses deux compagnes. Je vois que je n'ai pas besoin de te recommander de les dérider pendant leur séjour à Malo et de ne pas laisser leurs mines prendre la teinte grise du temps. Grande enfant!! J'ai ri si bien à moi seule, dans le bureau en lisant ta lettre à Charles que j'ai du sortir pour qu'on ne m'entende pas. Je ne saurais cependant te blâmer et si ton moyen de rendre ta serviette (?) à la lessive était drôle, il n'en était pas moins bien trouvé. Michel arrivant m'apporter des lots m'a trouvée et animée (?) et comme toujours lorsque je ris maintenant, riant des lèvres et pleurant des yeux et j'ai du lui raconter ton exploit.

Mais tes lots! Il y en a 5 valant ensemble un peu plus que rien. Un bilboquet étiqueté 10c, un petit panier avec quelques pralines, un laid petit vase, une petite poire de caoutchouc que tu auras le plaisir d'offrir à Agnès et enfin un éventail en satin blanc peint par la chère Soeur de Michel monture en simili-ivoire. C'est le plus beau des lots. Tante Jules n'a pas trouvé a acheter de vases. Elle a mis 8 F dans un palmier, 1 F dans un petit sachet d'odeurs et 1 F dans une boite à petits papiers à lettres à coller autour.

Le physicien espagnol était M. Margerin. Mais je m'arrête. Pauline et Germaine t'auront raconté le reste. Agnès a vendu en très peu de temps une corbeille de petits bouquets qu'on s'est disputés pour la vendeuse et en a fait 12.50. Le petit théâtre a fait 116 F. C'est Marie Jules qui tenait l'entrée.

Je ne saurais répondre à toutes les descriptions que tu me fais du temps, du vent, de la tempête. Nous avons eu de notre côté de vrais désastres. Si Maman a eu la Dépêche d'aujourd'hui, tu auras su les ravages de ces jours-ci. A Crispin, il a fallu sonner le tocsin pour prévenir les habitants du danger. La troupe de Conda a été au secours de tous côtés, maisons ébranlées, bestiaux noyés, et surtout champs ravagés, recouverts de limon et récoltes détruites. Près de la caserne, l'Escaut roule des rats morts qui n'ont pu eux-mêmes se sauver. Les dégâts dépassent peut être un million. C'est une St Médard dont on pourra se rappeler.

En fait de rats, la chasse continue. Avant hier trois en même temps dans l'attrape, et on en trouve des morts. Sans doute quelqu'un met du poison. Mr Carlier a un chien ratier, qui en prend aussi. Nous sommes pour notre part au neuvième. Il y en avait une colonie.

Charles est parti ce matin avec le régiment à Vendegris où il couche. Je n'aurai donc pas aujourd'hui le plaisir de lui montrer ta lettre. Tante Jules m'a engagée à souper chez elle puisque je suis seule. J'ai accepté en jetant dans mon coeur des soupirs de regrets vers le salut du Sacré-Coeur. Peut-être s'il y a moyen ferai-je les deux. C'est te dire que je vais bien.

Comme tu le dis bine, je n'avais pas achevé de lire les lignes où tu me parles de la pauvreté de la nappe sur laquelle on pose le Saint Sacrement pour les malades que l'idée m'était venue de t'en envoyer une. Les mesures me font penser qu'une nappe d'autel irait mal. Le devant resterait dégarni. A tout hasard pour que tu aies le plaisir de l'offrir toi-même je t'envoie une serviette d'échantillon que j'avais gardée exprès pour cet usage là si j'en trouvais l'occasion. Le dessin est symbolique. Ce qui irait sans doute mieux encore ce serait une petite nappe carrée de 1m40 ou 1m60. Si tu offres la serviette, tu t'excuseras sur ce qu'elle est défraîchie. C'est un de mes rêves depuis longtemps de mettre à la disposition des malades pauvres une table portative convenable avec tout ce qui est nécessaire pour prier et donner le Saint Viatique.

J'espère que le facteur que tu as si facilement adouci t'aura remis de bonne heure ma lettre d'aujourd'hui et que vous aurez pu aller au devant de Maman. Tante Edouard vient de venir me remercier d'avoir engagé Maman à prendre aussi Germaine et m'invite à dîner dimanche. J'ai accepté. Mary va un peu mieux déjà.

Dis à Tante Marie que je la remercie de ce qu'elle a fait pour toi et de sa lettre. Je lui répondrai sous peu.

Mon très affectueux bonjour à Maman. Je voudrais que ce petit voyage fait pour toi et moi lui suit en même temps bien agréable pour elle.

Au revoir, à lundi, ma très chère enfant. Je t'embrasse de coeur bien tendrement.

JB

Si tu trouvais ou si la soeur trouvait que la nappe d'autel ferait mieux l'affaire, il y a un coupon de 2m25. Cela n'empêcherait pas de laisser la serviette aussi si cela fait plaisir.

------11 juin 98

Ma chère Anne-Marie

Je ne comprends pas comment tu n'as pas reçu hier matin ma lettre si ce n'est que le luxe de renseignements mis sur mon adresse n'ait embrouillé ce brave facteur ou bien qu'il n'ait cherché à te la remettre en mains propres. Enfin, je vois avec plaisir que Maman n'en est pas moins arrivée facilement jusqu'à vous.

La chaleur nous arrive avec St Barnabé. Il fait très beau et très chaud et l'on s'en plaindrait déjà volontiers.

Sr Kerneur (?) est allée fêter au ciel la fête du St Sacrement. Elle est morte hier. On l'enterre lundi. Je tâcherai d'y aller.

Charles m'a fait dire qu'à cause du cantonnement à Vendigues qui tombait son jour de piquet, les piquets étaient changés, qu'il ne rentrerait pas ce soir et il ne savait quand demain. Aussi, au lieu d'aller à St Saulve, demain, je vais envoyer prier Tte Edouard de venir. Les Jules ne seront pas ici; nous ne serons pas nombreux, et cela m'ira même mieux que de courir au tramway après la procession.

Jules me prie de dire à Maman qu'il a été très déçu hier matin. Il croyait l'heure du train plus tard et était passé par le magasin avant d'aller chez elle, où il est arrivé trop tard pour voir Maman.

Je serai bien aise de savoir si la serviette aura fait l'affaire. Si on l'entourait d'une dentelle cela serai très bien il me semble.

Je ne t'écrirai pas demain, ma lettre t'arriverait ans doute après ton départ. J'écrirai à Tante Marie aussitôt après ton retour.

Remercie bien pour moi et en ton nom les chères Soeurs de leurs soins bienveillants. N'oublie pas les dringuettes (pourboire, je pense NDLR) aux bonnes. Demande conseil à Bonne Maman pour le chiffre. Ne pouvant apprécier le genre de service qu'elles font, je ne saurais te renseigner, mais il vaut mieux donner trop que trop peu. Ce n'est pas sur les autres qu'il faut faire des économies.

A bientôt donc, ma fille chérie. que je t'attends avec bonheur! Ce court voyage m'a paru long.

Je t'embrasse bien affectueusement.

JB

Si tu en as l'occasion, rapporte un petit souvenir aux bonnes.

1898. (Petit paquet à part, voyage aux Pays Bas)

----- Val 19 août 98

Ma chère Anne-Marie

Je ne m'attendais pas à recevoir sitôt ta dépêche et j'en ai été aussi surprise que contente.

Puisqu'il est convenu que vous iriez voir poste restante à La Haye, je pense bien faire de t'écrire aujourd'hui mais naturellement j'ai peu de choses à dire. Nous avons eu un orage et je ne sais encore comment l'auront passé les promeneurs de Bonsecours qui ne sont pas encore rentrés.

Oncle Léon est venu me voir ce matin et comme il était seul aussi, je l'ai engagé à venir dîner avec Edouard et moi. Ils avaient l'air contents tous deux et moi aussi. Je crois que notre pauvre Léon redoute la solitude et Marie eut été bien aise de la savoir avec nous.

Je viens d'aller voir la maison du Profond-Sens. J'y ai mené Aimée. Les papiers neufs, les réparations en font une gentille demeure comme autrefois. Je ne regrette que le lierre; et encore!... Le maçon m'a montré que le mur sur lequel était la vigne vierge avait besoin partout de la même réparation que celui du fond. J'ai dit qu'on pouvait le faire. Il dit aussi qu'il faudrait nettoyer la citerne qui est vide. Faut-il le faire? Demande à Bonne Maman.

J'ai écrit à Louise Paillot que si cela lui convient irons le 4 septembre.

Au revoir, enfant gâtée. Plus je pense à ton voyage, plus je suis contente que tu le fasses. J'en remercie bien Maman.

Embrasse la bien pour moi. Amitiés à Jules et à Pauline. Redis-moi bien vos admirations. Je t'embrasse et te bénis ma fille chérie.

Ta maman.

Je viens de relire votre itinéraire. Je vois que demain ou pourrait encore aller(?) à La Haye. Si c'est facile, voyez au départ. Garde cette enveloppe pour Amsterdam.

(Petite lettre rangée dans la précédente)

Chère petite Nette

Je t'envoie mon baiser, mon bonjour et la permission si tu as trop chaud d'ôter ton gilet de coton avec manches et de mettre celui sans manches. Ote aussi ton cache-corset mais remets le matin ton gilet noir par dessus.

Tes pigeons, les vers à soie et Moune sont en parfaite santé. Mr Bara t'a apporté une belle petite fougère en pot.

Amuse toi bien et sois bien sage. Ta maman.

Je t'embrasse bien fort et t'enverrai ma petite croix de coeur au soir.

(idem)

Une feuille de papier pour Minette; qu'elle la suppose pleine de baisers depuis le premier coin jusqu'au dernier.

Les pigeons restent sur les toits voisins, ne s'éloignent guère et ne redescendent pas.

La lettre de Bonne Maman arrive (?) aussi j'ôte mon papier pour lui faire place et ne laisser que les baisers.

----- 20 août 98

Ma chère Anne-Marie

J'ai eu ta lettre ce matin. Je ne pensais pas que la correspondance aille si vite entre Anvers et nous. Pourtant, puisque tu y arrives, en 6 heures, rien d'étonnant à ce que les lettres arrivent aussi mais cette ligne imaginaire de la frontière et aujourd'hui cette double frontière paraît séparer davantage.

As-tu l'air heureuse, contente, ravie. Aussi pour ne pas gâter ton voyage par le manque de lettres, j'écris à nouveau à cet hôtel Belle-Vue. On fait du reste quelquefois à la poste des difficultés pour donner les lettres. Je me rappelle qu'à Poitiers, d'autres adresses à notre nom n'ont pas suffi et qu'il a fallu montrer nos alliances. C'est pourquoi je te mets aujourd'hui comme hier le cachet sur ma lettre. Si tu ne me donnes pas d'autres adresses pour Amsterdam, j'écrirai encore (avec le cachet) poste restante.

Ce matin, j'avais le courrier en main et vite j'aperçois une enveloppe avec le mot "France" et les timbres belges. Je décachette bien affairée et suis toute étonnée d'apercevoir en même temps une seconde lettre avec ce même mot France et les timbres. La 1ere était de Marie-Louise, qui est à Bonsecours et te remercie de ton envoi.

La promenade à Bonsecours n'a pas trop mal réussi malgré l'orage. On a eu le temps de se réfugier à l'église et l'on est rentré à 7 heures.

Demain, je dîne à Saint Saulve. J'ai vue ce matin Marie G qui doit t'écrire aussi.

Dis à Bonne Maman que les ouvriers m'ont dit que deux dames étaient allées visiter la maison. Je n'en sais pas plus.

Clémence vient de m'apporter les clefs et est partie.

Dis-moi si tu continues d'aller aussi bien. J'en serai fort heureuse pour toi et aussi pour Maman. J'aurais si peur que tu compromettes la réussite de leur voyage.

Je t'embrasse bien affectueusement ainsi que Maman. Amitiés à Jules et à Pauline.

Ta maman

----- Lundi 22 août

Ma chère Ninette

J'ai reçu ce matin ta lettre de Rotterdam et Tte Jules vient de me dire qu'elle avait de Jules une dépêche d'Amsterdam. Je t'ai écrit deux fois à La Haye, une fois à l'hôtel , une fois poste restante. J'espère que vous avez eu nos lettres.

Nous voyons avec plaisir que vous employez très bien votre temps, et que tout va bien. Ici tout va bien aussi, sauf une chaleur horrible que je me demande à chaque instant si vous avez aussi aujourd'hui à 4h 46 degrés au soleil. 33 dans le corridor fermé; on ne sait où se mettre.

J'envoie au bain les jeunes employés. Je viens d'en prendre un ici. Charles est rentré à la caserne. Il était de piquet aujourd'hui, mais s'est fait remplacer pour pouvoir aller au bain aussi.

A Nancy, le colonel du 79e qui avait fait faire une marche de 28 kilomètres et qui en laisse 400 malades en route est mis aux arrêts pour les avoir forcés à continuer malgré les murmures. Le major en soignant les malades a eu deux syncopes. Cela fait espérer qu'ailleurs on sera moins cruel.

Un orage se prépare. Soignez-vous bien en vous amusant. N'attrapez ni insolations ni le reste et revenez-nous aussi bien portante que joyeuse.

A moins d'avis, je ne t'écrirai plus, ne sachant plus où adresser.

Demain la jeunesse des trois familles avec Tante Ed et Tante Jules vont dîner au Paradis. Je recevrait encore Edouard et Léon et souperai à la Briquette.

Bonsoir, Minette chérie. Tâche de bien dire à Bonne Maman combien je suis contente pour toi. Nous pensons tous bien à vous.

A toi tout à fait

Ta Maman.

1899

Selon la légende familiale, la grand mère d'Anne Marie ("Bonne Maman", donc) allait chaque année à Lourdes et emmenait un de ses petits enfants, lui laissant le chois de l'itinéraire. Quand ce fut le tour d'Anne-Marie, elle demanda à passer par Brest, un peu inquiète de son audace. Mais Bonne Maman, un peu surprise tout de même, donna son accord. Nous avons des photos de ce voyage. Voici les lettres de Juliette.

Valenciennes, 1 mai 1899

Ma chère Ninette

Je ne m'attendais pas à ton petit mot de Paris que j'ai reçu ce matin bien contente d'avoir déjà des nouvelle. Mais si trouves longue la route de Paris, que vas-tu dire des autres? Celle d'aujourd'hui entre autre. A cette heure, vous arrivez à Avranches et je pousse un soupir de satisfaction en vous sachant ou supposant arrivées là. Demain (Saint Michel et Saint Malo) sera un jour plus agréable, mais mercredi, de Dinan à Roscoff, quelle route encore! Vrai, pour moi j'en ai assez rien que d'y songer et si un jour je fais un voyage quelconque, j'irai doucement, ou je n'irai pas.

Cette lettre ne t'arrivera qu'après ces deux grandes routes, et j'espère que je saurai bien par toi si le plaisir dépasse l'ennui et surtout si la fatigue ne dépasse pas les forces.

J'étais contente hier d'avoir Mimi pour souper. Jules l'a amené encore un peu "patraque" cependant il a bien soupé et bien causé, puis bien dormi, mais aujourd'hui il est un peu pâle et a un peu d'irritation de la gorge. Je lui avais mis hier soir de la teinture d'iode et continue à le soigner. Il est aussi sage que possible.

Je viens d'avoir la visite d'Octave et Blanche de Dorlodot, toujours en jeunesse, mais l'âge devient pourtant difficile à dissimuler.

Charles a eu un extrême plaisir hier à Lille. C'était splendide. La salle était comble et le concert le méritait. On a fait 18000 F de recettes.

Par ce même courrier, j'adresse une carte poste à St Malo. Peut-être y arrivera-t-elle en temps pour vous y souhaiter le bonjour au passage. En tout cas, il n'y aura pas à la réclamer.

Merci à Maman de tout le plaisir qu'elle te procure. Amitiés à Mani, Germaine et pour toi, enfant chérie, toutes mes meilleures tendresses.

JB

Surtout n'oublie pas de dire si vous restez un jour ou deux à Brest. Demain j'écrirai en adressant à Brest.

----- 2 mai 99

Ma chère Anne Marie

Je viens d'écrire à la chère Soeur Joseph de Ste Thérèse. Je ne pense pas qu'elle puisse te refuser une visite demandée de cette façon. Je remarque du reste que la Supérieure qui t'a répondu dit que "les chères Soeurs te recevront avec bonheur".

Aujourd'hui tu as visité le Mt St Michel et te voici prête à partir pour St Malo. Je jette avec toi un dernier coup d'oeil sur ce mont célèbre et ma pensée se mettra en route avec toi. Jules m'a apporté tantôt la dépêche de Pontorson.

Ici, tout va bien aussi. Michel est d'une sagesse exemplaire. Avec la meilleure volonté du monde d'obéir à Tante Marie et de ne pas lui ménager les observations. Je n'ai pu encore trouver occasion de lui en faire une seule. Son petit mal de gorge n'est rien. Par prudence, Jules a voulu qu'il soit vu par Mr Margerin qui a constaté aussi que c'était insignifiant. Il va en classe, fait ses devoirs et mange bien. Je prends naturellement les quelques précautions conseillées pour lui.

Pour moi, j'achève de me consolider, tête et jambes. si ce sont mes 8 jours à Wimereux qui m'ont fait tant de bien, je n'ai pas perdu mon temps. Je souhaite que cette semaine d'air de mer pour toi de toit très profitable.

Marie Grand a dîné ici hier. Je lui ai parlé de la clef de Bonne Maman. Elle n'a rien vu. Maman n'en a donc pas emporté. J'en ai une. Victoire une. Laquelle manque? Vois si tu dois lui en parler. Par prudence, on fermera même les verrous dans la journée. Demain, je compte écrire à Bonne Maman et adresserai ma lettre à Quimper, à moins que je ne soit sûre que vous restiez deux jours à Brest.

Au revoir, ma grande et chère fille. J'attends une lettre avec impatience et en attendant t'embrasse bien fort.

Ta mère

Albert vient de venir. L'examen est passé et il a bien su mais Mr le Doyen ne lui a pas dit s'il était reçu. Je lui ai dit que je venais de voir Mr Bailleux et l'ai remmené. Hier je lui avais presque tout fait réciter et j'avais appuyé sur "le chef visible". On le lui a demandé. Il a bien dit.

Michel me montre sa lettre. Quel bon enfant. Personne ne lui a rien dit pour l'aider.

----- Mercredi 3 mai 99

Ma chère Anne Marie

J'ai reçu ce matin ta lettre d'Avranches et à 4 heures ta carte du Mt St Michel que nous nous disputons Charles et moi. Elle lui est adressée mais je voudrais que tu retrouves dans tes lettres toutes tes impressions de voyage et ce serait préférable qu'elles soient toutes à moi. N'est-ce pas que voilà un beau prétexte pour couvrir mon égoïsme !

D'abord, c'est vrai, ensuite c'est moi qui correspond et Charles empoche vite sa carte et je n'ai pas le temps de relire ni de savourer ce que tu nous dis. Donc, si tu veux que tes lettres te servent de journal, n'en dissémine pas les feuillets.

Quoi qu'il en soit, tu vas bien, tu es contente, bien portante ce me semble, émerveillée et je suis bien heureuse pour toi.

Michel arrive et je lui remets la carte de sa Maman. Quelle mine joyeuse il fait en la lisant. Il se met vite à ses devoirs, car ce soir nous allons souper à St Saulve. Il va très bien et nous allons en coupé; il n'aura pas froid.

Je cède ma lettre à Charles et t'embrasse de tout coeur.

(sur le même papier)

Ma chère Anne Marie

J'ai reçu ta gentille carte postale qui m'a fait bien plaisir. Quoique maman n'ait pas été contente que tu m'écrives, désirant avoir à elle tout le récit de ton voyage.

Je suis enchanté que tu aies très beau temps et je suppose qu'il est très propre à la photographie. Je ne sais pas si Bonne Maman ne m'a pas mis dans la confrérie de St Michel il y a 4 ans. Demande lui un peu, en tous cas cela ne fait rien, il vaut mieux deux fois que pas du tout.

J'ai bien eu du plaisir dimanche à Lille, où j'ai vu et entendu jouer Athalie. C'est vraiment de toute beauté (la musique, bien entendu), exécution irréprochable, parfaite, trios de voix de femmes applaudies et bisses à faire crouler la salle. J'ai acheté de suite la partition qui ne coûte que 2 F et tu trouveras et même deux morceaux à chanter avec moi et qui seront admirables. J'ai soupé à Lille et ne suis rentré qu'à 10 heures.

Michel est bien gentil et d'une sagesse exemplaire, il se met à ses leçons et à ses devoirs sans qu'on lui dise, etc.... Il a bien réussi sa composition en version latine.

Je n'ose pas trop lui faire faire de piano. Je crains que cela ne l'ennuie. Pourtant je suppose qu'il doit étudier puisqu'il a de la musique à la maison.

Je cesse et te souhaite bonne continuation de voyages. Je t'embrasse de tout coeur.

Ton frère

Charles Boulan

J'espère que tu m'écriras encore tout de même à moi.

----- Jeudi 4 mai 99

Ma chère enfant

Ta tirelire va s'emplir en peu de temps si je reçois ainsi deux lettres tous les jours, mais j'en suis si contente que je n'ai pas envie de mettre le hola! Hier j'ai dit à Charles que puisque c'était lui qui gardait la carte, c'était à lui à verser l'offrande et il s'est exécuté de bonne grâce. Il m'a dit (car je n'ai pas lu sa lettre qu'il écrivait au dernier moment) qu'il t'avait dit de continuer encore. Surtout ne va pas croire que je veux tout accaparer. Ce ne seraient que les descriptions et encore ce serait ôter la liberté à la plume qui court si rapidement quand elle a la bride sur le cou que ce serait dommage de la retenir. Et puis, j'aime tant de vous voir si unis, si confiants tous deux. Restez toujours ainsi. C'est un de mes bonheurs.

Que nous sommes heureux. De vous savoir si beau temps et en même temps joyeux et en bonne santé. Quelle bonne matinée, vous avez du avoir à Roscoff aujourd'hui. Ici, il ne pleut pas, mais le vent est toujours au nord-ouest et ce matin, pour aller à Aulnoye par le seil, j'ai préféré le coupé, j'avais froid. Cette après-dîner Charles et Michel sont partis par le tram photographier au bois de Raismes, seuls à deux. On doit rentrer au plus tard à 6 heures. Michel est très bien portant maintenant, gai et sage. Si ce n'était pas sa maman qui le dise difficile, je ne la croirais pas. Il paraît que notre maison a une influence tranquillisante.

Demain 1er vendredi du mois. Pourras-tu communier à Brest? Merci de m'avoir mise dans la confrérie de St Michel. Je communierai samedi à cette intention. J'allume tous les jours un cierge à ND du St Cordon pour demander votre bon voyage et m'unir à votre pèlerinage.

Comme je reçois aujourd'hui jeudi 4 à 4h ta lettre de Dinard, ce matin celle de Pontorson, il ne fallait jusqu'ici que 24-28 heures et nos lettres étaient expédiées trop loin. J'adresse donc encore à Quimper. Vous ne nous renseignez guère là dessus.

Dis toujours à Bonne Maman à Tante Jules que je les remercie bien de te bien amuser et bien soigner. Amitiés à Germaine et pour toi enfant chérie toute ma tendresse et mes meilleurs baisers. Je te bénis en esprit tous les soirs.

J'ai eu aussi la dépêche due je suppose à la crainte que je manifestais dans ma 1ere lettre sur les fatigues des grandes routes. Merci.

Charles et Mimi rentrent contents de leur promenade.

----- Valenciennes, 5 mai 99

Ma chère Ninette

Quelle bonne petite voyageuse tu fais et quelle bonne correspondante en même temps. Je te félicite. Aujourd'hui ta lettre de Morlaix à Charles et toujours de bonnes nouvelle. Votre dépêche était peu explicite "Nous serons dimanche à Auray". Est-ce le matin? Le soir? Enfin, j'écris à Auray, puisque tu auras amplement de nos nouvelles à Quimper.

Auray! Je m'y transporte de coeur et prie Sainte Anne pour toi d'abord puisque je te l'ai donnée comme patronne. pour toi, qu'elle te protège, te garde bonne, pure, chrétienne et s'il pâlit à Dieu, plus tard une vaillante mère de famille.

Cela va te faire rire. Tu penses que je vois trop loin, mais n'est-ce pas la voie que tu sembles devoir suivre longtemps avant d'arriver au ciel. Je la prie pour Charles. Qu'il trouve une épouse chrétienne. Pour moi, s'il lui avait plu que je lui doive la guérison de ma surdité, j'en aurais été heureuse, mais que j'entende toujours au moins la voix du bon Dieu. J'aurais voulu savoir quel jour, à quelle heure vous étiez à Ste Anne. Si vous y trouvez ma lettre en y arrivant, cela me ferait plaisir d'avoir une dépêche. Je m'unirais mieux ainsi à votre pèlerinage.

Je viens d'avoir la visite en grandissime toilette de Louise Leroy et Marcelle qui a fait hier sa 1ere communion.

Etes-vous satisfaites du système de malle en commun. Ne vous donne-t-elle pas d'ennuis?

J'ai eu beaucoup à faire encore aujourd'hui. Les commises (?) sont actives en ce moment et je travaille comme autrefois sans sentir cette fatigue qui m'arrêtait. Mais c'est l'heure qui m'arrête et je te quitte, ma fille chérie en t'embrassant bien tendrement et te bénissant de tout coeur.

Ta mère.

J'ai vu Marie G. ce matin. elle venait me demander ton adresse et causer un petit moment. Tout va par là aussi bien que possible.

----- 8 mai 99

Ma chère Anne Marie

Tu n'auras eu de moi à Nantes que les quelques mots joints à la lettre de Charles. Hier dimanche je n'avais rien eu de toi et j'attends ce courrier du lundi avec impatience. Je reçois ta bonne lettre de Quimper qui me fait un vrai bonheur et confirme vos dépêches. Quelles bonnes choses que la poste et le télégraphe. J'ai... On est venu m'interrompre et je ne sais plus ce que j'allais dire. Je demande 1/2 heure de tranquillité et continue. Comme je suis contente que ton voyage réussisse si bien, que tu animes le voyage par ta gaieté, comme dit Tante Jules au lieu d'inquiéter Bonne Maman.

J'ai pu lire tes notes à la loupe. C'est bien cela que je te conseillais de faire. Cela remet tout en mémoire plus tard et ce serait dommage de ne pas fixer des impressions si belles, si bonnes, mais si fugitives.

Hier, j'ai été, non à la messe d'Aulnoye, mais aux vêpres. J'ai eu ici messe de communion. Grand Messe, visite à St Roch, dîner à deux Charles, visite au St Sacrement à l'adoration de St Nicolas, puis vêpres à Aulnoye, visite à Sophie aux Tanches et retour ici. Edouard assistait à l'installation du curé de St Saulve. Charles y est allé aussi. Je songeais bien à toi. Je suppose que vous étiez à Carnac.

Albert est décidément 1er avec 350 p. le 2e 322. Caudront n'est que 4e. Albert te doit bien sa place. Je le fais venir, lui fais des petites causeries comme préparation. Il m'écoute bien attentivement et bien gentiment.

A Aulnoye, hier, le petit Victor m'a offert une assez jolie boite de dragées excellentes. L'intention m'a fait plaisir.

Michel est toujours sage mais luzote (?) un peu. J'ai peur pour son examen. Il a eu cependant son bulletin de 5.

Je comptais écrire à Bonne Maman mais j'ai peur de manquer ce courrier. Ce sera pour Lourdes. Lui ai-je dit que Jules Dermons avait une petite fille qu'on n'attendait que dans un mois. Elle se nomme Juliette. J'ai écrit pour féliciter et expliquer le silence de Maman.

Au revoir, ma chère Ninette. Voyage bien, mange bien, dors bien, regarde bien, retiens bien, ris bien, porte-toi bien et aime moi bien, puis n'oublie pas de remercier le bon Dieu de toutes les joies qu'il te donne et d'en remercier aussi Bonne Maman et Tante Jules qui paraît si contente de toi. Sa lettre m'a fait bien plaisir.

Mon écriture te dira comme je me presse. Un bon bon baiser et à demain en lettres.

Ta maman

Edouard espérait recevoir aujourd'hui le pouvoir de Maman.

----- 9 mai 99

Ma chère Anne-Marie

Je viens de recevoir en même temps tes deux lettres de Ste Anne et de Pontchateau. Comme te voila heureuse et riche en bons souvenirs, en précises impressions, en connaissances géographiques.

Tu me fais envie et peut-être un jour ou l'autre m'entraîneras tu à Auray car moi aussi je souhaite de jouir de tes bonheurs. Ce jour là, nous passerons par Orléans et Tours et peut-être auras-tu alors la joie dont le bon dieu te demande le petit sacrifice cette fois. J'ai reçu une bien bonne lettre de la chère Soeur Thérèse. Elle t'aurait reçu bien volontiers mais elle part en voyage Jeudi et ignore le jour de son retour qui dépend, dit-elle, de circonstances qu'elle ne peut prévoir. Je lui avais dit que ce serait probablement le 13 ou le 14 que tu passerais à Orléans. En tous cas, tu pourrais toujours lui écrire. J'espère, ma fille chérie, que tu ne refuseras pas de faire gracieusement au bon Dieu le sacrifice qu'il demande. J'ai vu combien tu aurais été heureuse de cette entrevue. Y renoncer te sera pénible et j'en étais désolée pour moi, mais tâche d'être généreuse pour le bon dieu qui l'est tant pour toi et de ne pas attrister de tes regrets tes chères compagnes de voyage. Orléans, au reste, n'est pas le bout du monde, ni bien loin de Paris et peut-être une fois ou l'autre pourrons-nous réparer cela.

Je lis avec un grand intérêt tes petites descriptions qui ne seront que le sommaire des bonnes narrations que tu me feras plus tard.

Avec quelle joie, j'irai te chercher à la gare. Aussi nous souhaitons que ce ne soit pas à 11h. Ce qui ne nous empêcherait pas cependant de vous recevoir avec bonheur.

Nous venons d'avoir la dépêche de la Rochelle et tu arrives à Bordeaux. Cette lettre te trouve à à Lourdes, le premier but du voyage. Là encore, prie de tout coeur. Demande pour nous ce que ton coeur t'inspire et surtout d'aimer toujours le bon Dieu de plus en plus.

Je t'embrasse et te bénis, ma chère petite fille comme je t'aime de tout coeur.

JB

----- 12 mai 99

Ma chère Anne Marie

Puisque votre voyage se prolonge, je veux t'écrire encore une fois. J'ai eu mercredi ta lettre de Bordeaux mais jusqu'ici rien de Lourdes. La Dépêche de Marie nous apprend votre excursion à Gavarnie et votre retour lundi. Que Maman est donc bonne d'avoir encore voulu vous donner ce plaisir des montagnes. Quel voyage complet vous aurez fait là. Je me demandais ce matin comment je l'aurais remerciée pour qu'elle comprenne bien qu'elle t'a fait et à moi par suite un vrai et grand plaisir. Ce sera si bon pour toi de te rappeler tout cela et quels inépuisables sujets de conversation pour nos futures causeries à deux.

Hier, nous avons reçu Marie, Maurice et Paul. Tu as eu une bonne pensée d'écrire à Tante Marie. Maurice est parti ce matin pour le camp de Sissonne où le régiment reste 20 à 25 jours. Ce matin je suis allée à la teinturerie. Que cette route me paraît longue maintenant toute seule. Tout verdit mais bien doucement. Il fait sec et un peu chaud. C'est du bon temps pour les voyageurs plus que pour les jardins.

Dimanche j'aurai à dîner les Jules et les Edouard. Les Giard dînent chez Mme Paton et lundi ... lundi j'attendrai le retour des bretonnes ou des gasconnes. Peu importe pourvu que je retrouve ma fille qui me manque tant et ma maman qui me manque bien aussi.

- 7h. La journée s'est passée sans lettre. C'est à tout hasard que j'adresse à Bordeaux.

A bientôt, ma fille chérie. Je te réserve tous mes baisers.

Ta mère

1899

Série de lettre commençant au retour de Juliette à Valenciennes, écrivant à Anne-Marie continuant les vacances à Wimereux.

(mot au crayon)

En gare Campleure (?)

Chère Anne Marie

Je vais t'écrire un petit mot à chaque station et mettrai ma lettre à la gare en arrivant. Tu auras ainsi de mes nouvelles demain matin. Tu étais si émue en me voyant partir, et moi-même j'avais besoin pour te quitter de faire appel à la raison, mais ce petit mot commencera le service de cette correspondance que tu aimes tant et te fera plaisir.

Nous avons du eu retard en partant de Calais et sommes arrivées avec 3/4 d'heure de retard à Lille. Mme Legrain m'attendait à la gare mais ne m'a pas vue et je ne l'ai pas vue non plus. quand je suis arrivée chez elle, elle n'était pas rentrée. Puis il lui est arrivée une de ses parentes nouvellement arrivée de Marseille de sorte que nous ne nous sommes guère vues qu'en retournant à la gare.

La chaleur a été très supportable, et ne j'ai pas été indisposée.

J'espère que tu vas bien te soigner, bien jouer, bien te porter et que tu me donneras avec la satisfaction de savoir une fois de plus que tu m'aimes de tout ton coeur celle de te voir en très bonne santé.

Amitiés à Marie, et pour toi mes meilleurs baisers.

Ta maman

En gare d'Orchies, 1

août 99

----- Valenciennes, 2 août 1899

Ma chère Anne Marie

Me voici donc à Valenciennes et je m'en aperçois bien quoique déjà l'habitude me fasse commencer un W pour ma date. Je jette au loin ma plume rouillée ce qui à mon bureau est cependant une grande rareté et je viens répondre à ta chère lettre. Je n'y comptais pas, pas lus que tu ne comptais sur ma lettre au crayon datée du train. Mais les idées se retrouvent facilement quand les coeurs s'entendent et nous avons songé toutes deux à nous faire une agréable surprise.

J'ai trouvé Charles à la gare. Maman m'attendait sur le seuil de la porte, Charles ne lui ayant pas donné de clefs, mais de souper, point. J'avais parlé de viande froide et comme il n'y en avait pas, il n'y avait rien du tout. Naturellement, j'ai été chez Maman, où il restait au moins du pain et du beurre et le charcutier a fourni le souper comme le dîner. Puis, comme il y avait concert de la cipale, Charles a supposé que je resterais volontiers à causer avec Maman et le voila parti. Avec lui j'ai fait causette à son retour mais je pensais que ma petite Ninette eut arrangé autrement sa soirée. Il était cependant bien content de me voir de retour!

Ce matin, je suis allée à Ste Rouche (?) que Bavay avait entretenu avec un soin minutieux et j'ai pu lui donner en remerciement le tchernozium (ou le thermomètre?) qui lui a fait bien plaisir. Puis chez Tante Marie B et chez Clémentine lui dire bonjour et au revoir et j'ai eu pour toi les deux adresses.

Léonie: Hôtel du Belvédère, Interlaken

Hélène: Hôtel des bains, Villers sur mer, Calvados

(N'oublie pas la taxe pour la Suisse)

Je te sais gré de ta vocation soudaine de vielle fille (pour ne pas me quitter) mais les vocations ne dépendent guère, hélas, du bien-être des parents et vraiment j'aime mieux laisser faire le bon Dieu pour toi sans mettre ma personnalité en travers de ses desseins. Pourtant il me serait si dur de te quitter que je n'ose y penser.

J'ai trouvé le jardin bien tenu. Il y a beaucoup de verdure et assez bien de fleurs. La vigne-vierge fait rideau de chaque cote de la porte, les petites bégonias sont superbes, les fuchsias corails sont en fleurs etc. etc. Il a été bien soigné et Bavay en était tout fier.

Bonsoir, enfant chérie, je vais ranger le bureau pour qu'il puisse être épousseté. J'étouffe dans la poussière et ne sais pas travailler dans le désordre.

Charles est allé pour affaires à Hauterive. C'est une grande promenade dans le bois. Albert est venu chercher la vielle bige (?) pour aller promener avec Marie (!), Paul et Jojo. Marie se promène donc en bige (,) cela a été approuvé par Edouard. Ce ne l'est pas par Maman et moi j'en ai été désolée. A toutes les raisons que j'ai contre cet usage, il y en a de spéciales pour Marie, son deuil le regret de faire parler de soi. Si les gens l'approuvent, d'autre la blâmeront, elle plus que toute autre. Qui admettra que ce soit pour surveiller ses frères (pièces ?). Est-ce qu'une mère suit partout ses fils! Enfin, je n'ai rien à dire, puisse-t-elle ne pas s'en repentir. Jojo est venu demander cela par ...(,) et n'a même pas songé en me voyant à me dire bonjour.

Chère enfant, je t'aime et t'embrase de tout mon coeur.

Ta mère

En relisant ma lettre, je remarque que je te conte là des petites déceptions. Ne va pas m'en croire fâchée ni triste. Oh! non pas, j'ai constaté mais c'est tout et je n'y aurai plus pensé sans la revue que me fait faire une causerie par lettre. Encore un baiser.

----- Valenciennes, 3 août 99

Ma chère Anne Marie

Je n'aurai guère le temps de causer aujourd'hui. J'ai été à la messe à 6 h, à la Teinturerie à 7h 1/2. Depuis, je pioche, pour me remettre au niveau rien qu'à voir ce qui est en retard faute de marchandises. Je ne puis fabriquer des ouvriers et ouvrières!!!

Impossible de teindre assez avec le peu de bras. J'exprimais ici mes regrets, Alexandre m'a dit que Maurice irait volontiers. Il accepte avec plaisir et en voilà toujours un de trouvé. Mr Désiré perd son neveu ... (?) et le voilà absent.

J'ai eu en mon absence la visite d'Edouard puis celle de Marie, Albert, Paul et Jojo. Ils ont été bien aimables. Paul et Marie ont été contents de mes félicitations. Paul part chez Mr l'abbé Dumont le 8. Il y passera ses vacances et de là au séminaire ou Mr Dunom (?) lui a fait avoir une bourse. C'est toujours un de casé et avec quelle prédilection du bon Dieu.

Je soupe chez Maman et Charles chez Mr Albert. Je demanderai les renseignements pour Antoinette.

Je suis heureuse que mon petit mot t'ai fait tant de plaisir. Ta chère bonne lettre m'est bien douce aussi. Je voudrais remplir le blanc de ma lettre en baisers, en tendresses à ma chère petite fille puisque je ne puis les écrire.

Bonsoir, enfant chérie. Amitiés à Marie, et si tu en as l'occasion, mon souvenir à Mme Dupont qui a été si aimable.

Je t'embrasse de tout coeur.

Ta mère.

JB

----- Valenciennes, 4 août 99

Ma chère enfant

Je veux te répondre tranquillement aujourd'hui et m'y mets de bonne heure. Le prêtre avait raison en te disant qu'il fallait examiner ses affections et voir si aucune n'était plus forte que l'amour qu'on doit à Dieu. C'est un des points principaux de l'examen qu'indique St François e Sales pour la retraite annuelle, je crois, mais il ne faut pas juger cela sur les témoignages plus ou moins sensibles et extérieurs des affections, pas plus qu'il ne faut confondre les dévotions et la dévotion. Tu aimes Dieu plus que tout si tu mets la soumission à sa volonté au dessus de tout; si tu es décidée en général à sacrifier les satisfactions de ton coeur à ce que tu sais être un devoir. Je dis en général, parce qu'il ne faut pas s'amuser à imaginer des difficultés, des sacrifices possibles et à se demander: serais-je fidèle en ce cas. Dans les cas difficiles, le bon Dieu donne une grâce proportionnée aux circonstances et cette grâce qu'on n'a pas dans des cas imaginaires nous laisse dans notre faiblesse naturelle et il est juste et bon que le bon Dieu nous la laisse sentir.

Les affections du coeur sont justes lorsqu'elles sont autorisées, bénies par Dieu où ceux qui les représentent et ne portent pas au mal. L'amour filial est certes l'un des sentiments les plus justes et serait difficilement exagéré. Tu sens très vivement, plus que beaucoup d'autres et seras par suite plus exposée à souffrir mais aussi à jouir, à te dévouer à être quelqu'un; car on n'est quelqu'un que par le coeur. Et les sentiments du coeur sont un grand don. Il est dit que "Dieu est amour" Jésus n'est venu sur la terre, n'a vécu et est mort que par amour. aimer, même aimer beaucoup, n'est donc pas défendu mais il faut aimer pour Dieu, c'est à dire dans l'ordre permis par Dieu et jamais aux dépens de Dieu.

La phrase de l'évangile (non de l'épître) que tu me dis n'a pas le sens que tu crains. Le bon Dieu a fait un commandement exprès d'honorer et d'aimer ses père et mère, mais il ne faut pas oublier que Jésus n'a pas parlé en français ni en latin et que les traductions littérales rendent souvent bien mal la pensée. C'est pour cela que l'Eglise n'autorise pas la lecture de la Bible dans toutes les traductions. Il y a des traductions autorisées avec notes explicatives. Voici celle que je trouve pour ce mot: "haïr son père et sa mère et sa propre vie etc". "Cette expression ne signifie pas ici, ainsi que dans beaucoup d'endroits de l'Ecriture, détester, avoir en horreur, mais seulement aimer moins. C'est en ce sens que nous devons aimer nos parents, notre vie même, moins que Dieu".

N'est-ce pas du reste agir comme si on haïssait sa vie par exemple que de l'exposer dans les tourments du martyre, dans les ennuis de la solitude, dans les renoncements de la mortification pour aimer ou faire aimer Dieu.

Résumé. Ne ferme pas, ne comprime pas ton coeur, mais apprends à le gouverner, et que les affections qu'il renferme ne retardent pas ta route vers le bon Dieu mais soient attirées avec toi vers Lui et puis sois en paix. Le bon Dieu te bénira.

Je ne connais aucun livre de Mary Floran. Je m'informerai de "La faim et la soif" et si ne puis l'avoir t'en dirai mon avis. Il n'y a rien d'elle à la bibliothèque de Valenciennes. Si tu trouves des livres très bien, tiens en note titre, auteur et éditeur. Mais ne te fie pas aux dames inconnues, seulement à Tante Jules, et sur ce qu'elle lie (?) à ton point de vue ou connais à fond.

Oui, j'ai entendu parler de la mort de Mme Fauville. C'est bien triste. On dit d'elle qu'elle était déjà la Providence visible à Neuville et que tout le village fait une grande perte. C'est un bel éloge.

Maman est allée à St Saulve cet après-midi. J'aurai des nouvelles de Marcelle Dupont. Encore deux mots tristes. Deux jeunes gens 20 et 21 ans l'un le neveu de Mr Désiré sa mère veuve depuis 18 mois n'avait que lui. L'autre un petit neveu d'Henriette. C. Lefevre son père est mort à Aulnoye et il y a quelques années, sa mère dont il était aussi l'unique enfant l'avait suivi à Paris où il étudiait la médecine. Il revient passer 8 jours chez son oncle à Curgis et y meurt en deux jours de la fièvre typhoïde. Quelles croix! Et qu'on a besoin de croire à une autre vie.

Finissons plus gaiement. les plus grands croquets en bois durs dépassent le prix que je mets ordinairement à la fête. Est-ce un très grand qu'il faut?

J'aurai ici un pot de beurre demain à 7 heures. Jules partant à 5. Je l'enverrai Gde vitesse. C'est Tante Jules qui a raison. Je t'avais dit: s'il n'était pas trop tard, je prierais Marie d'en apporter. Je ne l'ai pas fait espérant que vous en trouveriez en y mettant le prix mais manger son pain sec, c'est trop triste.

Jules, Ed, Maman, Paul et Jojo soupent ici ce soir. Marie est à Tournai avec Albert. Charles est aux prix de l'Académie où il s'enivre de musique. Voilà chez lui une affection qui n'est pas sentimentale mais peut être exagérée.

Voici l'adresse de Tte Edouard: A l'abbaye de St Jacut de la mer, Côtes du Nord.

J'aimerais une carte de Gabrielle D. Je te l'enverrai demain, tu ne pouvais lui écrire de suite. Elle donne l'adresse où elle sera dans quelques jours à Interlaken où vont donc se retrouver quelques valenciennois.

Les pigeons vont bien. Je leur porte du pain. Tantôt j'en avais un sur chaque main et deux dans l'assiette au point lesquels se chargeraient de faire pleuvoir les miettes sur les autres qui étaient à mes pieds. On a fait à Ourto (?) une petite opération à l'oeil pour lui enlever des poils qui poussant sous la paupière le faisaient pleurer tout le temps. Il s'est laissé bien faire. Nous l'avons emmené l'autre soir en promenade, Charles et moi. Cela ne l'a guère amusée.

Charles m'avait bien recommandé de t'embrasser hier. Pour moi, je t'aime bien fortement, très fortement mais pas trop, car c'est chaleureusement que je te chéris de tout mon coeur.

JB

- Valenciennes, 5 août 99

Ma chère Anne Marie

Mais certainement, chère enfant, tu peux me regarder (et j'en suis heureuse) comme la meilleure toutes tes amies. Assurément tu ne saurais en avoir de plus dévouée que moi et moi-même je te l'ai déjà dit et prouvé. J'ai pour toi la confiance qui est le signe principal et le lien de l'amitié; c'est malheureusement ce qui manque souvent entre mère et fille. Mais aussi, ce qui fait que les petits nuages auxquels tu fais allusion ne passent pas inaperçus, c'est qu'un reproche, si léger soit-il, est d'autant plus pénible qu'il vient d'une personne plus aimée parce qu'il ôte l'illusion qu'on voudrait toujours se faire de rendre parfaitement heureux ceux qui nous sont chers. Donc que les petits reproches que j'ai peu avoir occasion de te faire ne s'aggravent pas, à tes yeux, précisément parce que tu m'aimes bien. Je te voudrais parfaite mais tes imperfections ne m'empêchent pas de te chérir pleinement et d'avoir toute confiance en toi.

J'ai en effet beaucoup à faire ces jours-ci. Loin que les affaires nous laissent les vacances ordinaires, elles sont très actives et comme elles ne sont pas prévues nous ne sommes pas prêts. Il y a une foule de retards difficiles à réparer et de plus l'absence de Mr Désiré, puis l'envoi de Maurice à Aulnoye font qu'aujourd'hui les patrons ont fait la besogne d'employés et le comptable celle d'emballeur. Je suis bien aise que les affaires marchent mais ce manque de marchandise me fait souvent remplacer par une sorte supérieure avec sacrifice. J'aurai besoin cependant de bénéfice. Cette année nous coûtera cher. Je suis bien contente toutefois d'avoir loué les deux mois et de t'avoir assuré ainsi le bien-être de l'air de la mer pendant ces horribles chaleurs.

Impossible de sortir ici dans la journée. Nous dormons la nuit les fenêtres ouvertes. En ce moment (5 heures)dans la cour à l'ombre depuis plusieurs heures, il y a encore 32 degrés. Les fleurs se fanent et toi ma petite fleur tu te serais fanée aussi.

Je ne saurai te dire encore le jour de mon retour. J'espère que ce sera le 19 mais alors je ferai sortir (?) Charles le 17 pour qu'il se remette au courant avant mon absence. Il en est sorti aussi bien que possible et cela ira encore mieux.

Bonsoir, mon enfant chérie. Je t'aime et t'embrasse de tout coeur.

JB

Jules t'a-t-il remis la carte de Gabrielle D

Je t'écrirai demain

Le pot de beurre part (?) avec les 1ers haricots d'agrément (?)

Fais le prendre à la gare pour qu'il n'y fonde pas.

----- Valenciennes, le 6 août 99

Ma chère Anne Marie

Je me suis levée à 5 heures ce matin avec le désir d'aller au cimetière après la Messe de 6 heures mais l'orage qui a commencé hier soir et a duré presque toute la nuit a encore recommencé. Je me suis amusée un moment avec les pigeons et me voici à causer avec toi. J'ai mis en cage les deux premiers jeunes qui maigrissaient. Les autres ne leur laissant ni place ni grains. A Aulnay, je ne laisserai que le couple qui couve. Les autres en se battant ont encore cassé un oeuf qui était bon. Le couple suffira à peupler la volière.

Je t'ai écrit longuement avant hier. J'ai pensé cependant à ajouter quelques mots à mes conseils. Je t'ai dit, je crois, que c'est par le coeur qu'on est quelqu'un. J'aurai pu dire qu'on n'est pas quelqu'un sans un grand coeur, mais pour que le coeur exécute ses élans ou ses désirs il faut aussi la tête qui sache modérer les unes, donner aux autres la suite et la persévérance. Etre une femme de coeur c'est bien, mais il faut être en même temps une femme de tête. Aimer son mari, ses enfants et ne pas faire passer l'utilité avant la sensibilité serait un tort. La tête et le coeur ensemble quand Dieu domine l'intelligence et les affections ne peuvent manquer d'arriver à leur but dans toutes les circonstances où l'on peut se trouver ou du moins d'en tirer le meilleur parti possible. Que ton idéal soit donc d'être la fois femme de coeur et femme de tête. Et puisque tu aimes tant les épîtres et l'évangile, lis parfois le portrait de la femme fort. Il y a bien là, l'union de la tête et du coeur, les deux dons qui font la force de toute femme.

- 11h Nous sommes revenus comme toujours tous ensemble de la grand messe mais ceux qui restent ici sont aujourd'hui bien peu nombreux. Maman, Charles et moi, les 4 Giard. Nous serons encore longtemps dispersés avant de reprendre nos bonnes réunions de famille. C'est bien bon d'être ainsi bien unis en famille et ces réunion sont vraiment un grand charme.

J'ai eu ta lettre. Je vais écrire au bon Marché de t'adresser un croquet. Tu ne l'attends point heureusement pour t'amuser. Le voisinage de Mme Dupont aura été bien agréable et nous avons fait à une bien aimable connaissance La petite Marcelle était moins bien hier mais malgré cela il doit y avoir bon espoir.

Je viens de penser à ta laine à propos d'un article de la France Illustrée où l'on demande de travailler pour les "petits Jésus" d'Auteuil. Elle aurait pu partir avec le panier et manquer toutes les occasions. Tu voudras bien prier Jules de supporter comme bagages tous les paniers à légumes vides et je le prie d'y joindre mon corsage de satinette. Hier, j'avais tellement chaud que Charles avait pitié de moi et que j'ai été mettre une couchette (?) pour dîner. Je me fais faire un corsage, en petite soie très légère, mon crépon s'use beaucoup. ET toi, ta jupe de piqué te rend-elle bien service ?

Au revoir, enfant chérie. Je t'embrasse de tout coeur.

Ta mère bien tendrement à toi.

J

----- Valenciennes, 7 août 99

Ma chère Anne Marie

Aujourd'hui pour la premièr fois je n'ai pas reçu ta lettre au matin mais seulement à 3h. Mais je n'étais pas inquiète du tout. Je me disais que nous avions sans doute été hier faire une partie quelconque. Je vois que la poste est seule inexacte. Quoi que ce soit, ton mot long ou court me fait toujours plaisir. quant tu recevras celui-ci, il y aura déjà 8 jours que je t'aurai quittée et je suis sûre que tu diras c'est encore vite passé.

Cela passe vite en effet et pas n'est besoin de désirer escamoter ce présent le plus toi possible (??). Ne regarde pas ce qui te manque mais ce que tu as et jouis en pleinement.

Tu as admiré l'orage. Il était plus terrible qu'amusant. Tu en as su sans doute les tristes effets. Incendies, morts, et cette effroyable catastrophe de chemin de fer qui en est aussi la suite.

Hier soir pour la 4e fois depuis 24 heures, nouvel orage, plus éloigné. Espérons qu'il n'aura pas été si funeste. Le temps est moins lourd, moins cuisant. J'ai pu aller à St Roch à pied ce matin à 7h. Cela me semblait tout extraordinaire de sortir sans toi. J'ai si bien pris l'habitude de mon inséparable petite compagne! J'ai moins de besogne aujourd'hui. Je me suis amusée à tes pigeons et au jardin, à enlever les fleurs fanées, et. Demain j'irai à la teinturerie. Héléna est affairée avec la besogne. Julia ne veut plus venir. je pense qu'Aimée (?) ne la pleurera pas mais il faut la remplacer.

Comment vont les coups de soleil. Sont-ils endurcis maintenant les quatre enfants? Agnès s'entend-elle toujours avec Paulette et Tonton ne tousse-t-il plus? Mais Jules va me donner des nouvelles. J'espère qu'il me dira que tu as enfin bonne mine.

Au revoir, enfant chérie. Amitiés à Marie et baisers aux enfants. Pour toi mes meilleures tendresses.

JB

Mr l'abbé Humour, parent de Léon par les Lefort, est curé à Brillon. Léon l'aimait beaucoup. Je me souviens quand Elise a été lui faire visite de noces.

J'ai oublié de te donner la réponse pour Mme Cieulat. C'est "rue Ste Marie" à côté du panorama, mais plusieurs valenciennois qui ont écrit sur l'indication de Maman ont reçu réponse que par faveur on leur retiendrait des chambres au prix et pension était de 9 Fr. Crois (?) maman. C'est Mme Dorcis et marie Louise etc. les Laugny si je me souviens bien en sont.

----- Valenciennes, 8 août 99

Ma chère Anne Marie

J'ai trouvé ce matin ta lettre en rentrant de la messe. Jules s'était hâté de me l'apporter. Ce cher frère est revenu pour me voir dans la matinée mais je ne l'ai pas vu. J'étais allée à Aulnoye avec Marie Giard. Ses frères nous suivaient en bicyclette. Comme on arrange la route, nous avons du passer par Famart, c'est une jolie promenade. Ce petit chemin ombragé est délicieux. Marie était toute contente de se promener en voiture, puis elle a rapporté son panier de fleurs. Je lui en avais envoyées samedi. Cela lui fait bien plaisir. J'en ai profité pour l'engager à se montrer le moins possible en bicyclette. Elle a fort bien accueilli mes conseils et a été bien gentille comme toujours.

Tu iras voir de temps en temps si le croquet arrive et tu me le diras parce que j'ai demandé qu'on te l'envoie franco et qu'on le porte sur la facture de quelques objets que j'ai demandés. Alors tu ne seras peut être pas prévenue.

Je t'enverrai la laine mais travailleras-tu encore beaucoup? J'en doute. Je suis bien désireuse de modifier mes projets, non par caprice mais pour des raisons qui devront rester entre toi et moi. Dis moi très franchement avant que j'en dire quelque chose? Resterais-tu volontiers jusqu'à la fin du mois avec Tante Jules si j'allais te voir seulement quelques jours du 19 au 22 par exemple. Ou bien préférerais tu que je reste jusqu'au 24 ou 25 seulement et que je te ramène. en ce cas, nous remettrions le chalet à louer à partir du 25. Je t'avoue que je regrette mon premier projet moi aussi, je me faisais un plaisir de recommencer 12 à 15 jours comme ceux que nous avons passés si bien ensemble; mais je doute que ce soit mon devoir. J'y réfléchirai encore mais dis moi toujours ce que tu en penses en n'en parle pas. Que je puisse présenter cela naturellement. Demande au bon Dieu de m'éclairer, dis, ma Ninette chérie, et ne sois pas triste.

Je t'approuve bien d'aller au cirque. Prends seulement bien la précaution de te couvrir pour le retour.

Dis à Agnès que je l'embrasse bien fort et qu'elle est bien gentille de m'avoir écrit.

Je viens de recevoir une bonne lettre de Tante Edouard. Elle est très contente du pays, du résultat pour sa santé. Germaine a un petit mal de gorge mais à cela près, le médecin la trouve fort bien.

Au revoir, ma fille chérie. Je t'embrasse de tout mon coeur.

Ta maman.

De toutes façons, je compte laisser Charles jusqu'au 21. Nous nous croiserons à Wimereux.

----- Valenciennes, 9 août 1899

Ma chère Ninette

Je suppose que ton pied est guéri mais je n'ai jamais entendu parler d'eau blanche pour des écorchures, eau boriquée ou phéniquée, boriquée pour faire sécher, cicatrices, phéniquée pour que cela ne devienne pas mauvais.

Les paniers sont arrivée en bon état et le pot aussi avec mon corsage. Félicitations à l'emballeur. Je vais rendre à Charles un panier de légumes. Quant aux fruits, il n'y en a pas. Pas de prunes, pas de pêches, quelques grappes de raisins. Des poires qui courent l'une après l'autre. Il n'y a que le Napoléon qui en souvenir de son parrain domine tout le reste.

J'espère que tu auras vite ta robe car elle a du te rendre des services. Pendant son absence, tu mets, je pense, ta petite robe grise, corsage avec si tu n'as pas trop chaud. Le temps est rafraîchi un peu. C'est très supportable.

Agnès est sans doute un peu énervée par l'air de la mer. Si on lui donnait un peu de fleur d'oranger. La bouteille doit être là-bas. Ma lettre d'hier a du t'étonner et peut-être te contrarier. Mais quelques regrets que j'ai de te contrarier, il n'y a pas seuler (?) quand il le faut. Cependant, je suis hésitante. Sans savoir ce que tu vas me répondre, je puis te dire qu'en cas où tu resterais jusqu'au 31, je pourrais aller passer non seulement le 20 mais le 27. Ne dis rien, n'est-ce pas, avant que je ne sois décidée. Je ne sais quelle raison donner, ne voulant pas donner la vraie.

Ne t'inquiète pas. J'ai regretté mon absence. La chose est réparée, mais j'ai peur de m'exposer à de nouveaux regrets.

Au revoir, mon enfant chérie. Je t'aime beaucoup et serai bien contente de te revoir. Amuse-toi le mieux possible, cela me fait plaisir. Je t'embrasse de tout mon coeur bien tendrement.

Ta mère

JB

Ma santé est bonne, sois tranquille.

Le nouvel employé est déjà arrivé et paraît bien. Maurice est déjà fatigué de la teinturerie. Cela, dit-il, n'est pas assez gai ni varié. Bon voyage. Personne ne le regrette.

----- Valenciennes, 10 août 99

Ma chère Anne Marie

Je t'ai écrit bien vite un petit mot ce matin et j'ai fait mettre une adresse par Charles pour faire paraître moins extraordinaire d'une lettre le même jour, mais je voulais de rassurer de suite. Je pensais bien que tu aurais été intriguée mais non tourmentée et inquiète à ce point. Tu m'as donné la joie de voir comment tu comprends bien le devoir, mais j'étais désolée de t'avoir tant mis martel en tête. Il s'agit comme tu le penses bien de X... qui a commencé quelques relations qui me déplaisent. Il m'a tout expliqué et en somme si le commencement m'avait vivement contrarié, la manière dont cela a fini m'a satisfaite. Je crois que je pourrais être tranquille pendant le court séjour que j'aimerais à faire encore; je puis avoir confiance dans sa parole mais il ne faut pas abuser de l'essai. Sa bonne conduite est ma joie, son excellente réputation est ma gloire, il ne faut pas la risquer, c'est aussi tout son avenir en jeu.

J'ai eu la facture du croquet qui a du être expédié le 8. Comment ne l'as-tu pas encore reçu. Le Bon Marché écrit, comme moi, croquet. Sont-ce les Anglais qui écrivent comme toi crocket?

Dimanche, je recevrai toute la famille. Je le suppose car mes nombreuses invitations ne sont pas encore faites. Nous serons 6 ! et les pigeons d'Aulnoye qui ont du être mis hors du nid feront notre extra.

Point d'autres nouvelles que je sache. Nous ne savons nous remettre à flots pour les affaires. Cela marche trop bien. Il faudrait donner congé aux voyageurs. A propos de flots, fais d'autant plus attention aux bains que Charles sera là. encore ces jours-ci un baigneur à Calais a été emporté par un courant. Garde moi ma fille, que ferais-je sans elle ! Soigne la pour moi et qu'elle comprenne toute mon affection maternelle.

Si tu savais comme j'ai le coeur soulagé ce soir, tu serais bien contente. Le bon Dieu tire le bien du mal.

----- Valenciennes, 11 août 99

Ma chère chère enfant

Je m'empresse de te rassurer. Oui, j'ai été tourmentée un moment, mais je viens de demander conseil à qui de droit et j'en suis revenue félicitée et par suite encouragée et décidée. Je prolongerai peu mon séjour mais je le ferai. Si je puis arriver le 19 , je resterai jusqu'au 29 par exemple et ne te quitterai plus.

Au revoir, Ninette chérie. J'espère que te voilà contente. Charles t'arrivera demain vendredi 9.49.

Mille bons baisers.

Ta Maman

JB

Ne questionne pas Charles.

----- Val 11 août 1899

Avec quelle impatience j'attendais ta lettre. Elle ne m'est arrivée qu'à 14 heures et je t'avais vue (en lettres) si tourmentée hier que je n'étais pas tranquille. Comment, chère petite folle, peux-tu savoir qu'il pourrait s'agir d'un deuil, d'une grave affaire, lorsque je te dis que cela devrait rester entre toi et moi. Enfin, quoique tu ne me le dises pas, j'espère que tu es pleinement rassurée et que tu m'attendras avec bonheur mais sans trop d'impatience.

Tante Jules dit qu'elle craint que les enfants ne soient une fatigue pour toi. J'espère que c'est sa délicatesse qui lui fait craindre cela et que les chers marmots n'exagèrent pas. Dis-moi bien comment tu te portes? As-tu repris du fer. Sors-tu suffisamment?

Tante Jules dit qu'il est question d'aller au cirque demain. J'ai dit à Charles en riant que vous devriez bien m'attendre. Surtout n'en faites rien. S'il fait beau, profitez du jour que vous voudrez. J'aimerai encore mieux ma tranquillité.

Ne me plains pas d'être seule. Bien que je sache combien Tante Jules et bonne pour toi, il semble que tu as quelque chose de moi en ayant Charles et cela me fait plaisir. Tu ne me parles pas encore du croquet. N'est il pas arrivé; Il doit l'être pourtant depuis plusieurs jours, la facture est du 8.

J'ai parlé de Charles à Wimereux jusqu'au 21. Cela ne m'empêchera pas d'arriver le 19 si je suis libre, ce que je te dirai aussitôt que je le saurai. Nous nous croiserions à Wimereux et pour 2 jours trouverions bien moyen de nous loger tous.

Je viens de voir Mme Lussigny. Elle me demandait de vouloir bien m'informer, quand je retournerai, si on n'a pas retrouvé dans son chalet sur le lit de la chambre... (je ne sais plus si c'est au dessus du salon ou de la salle à manger) une paire de ciseaux auxquels sa mère tient parce que la pointe est aimantée et l'aide à reprendre sur la table son aiguille qu'elle ne voit plus. Tu pourrait t'informer peut-être, cela lui ferait grand plaisir (au chalet ou chez Fernagu).

Dis à Tante Jules qu'elle est bien aimable de m'avoir envoyé son petit mot. je lui répondrai sous peu. Dis à Charles que je l'embrasse bien fort et qu'il ne lui suffit pas que tu m'écrives, qu'il y joigne souvent son petit mot aussi.

Au revoir, à lundi ma petite fille chérie. Dans 8 jours j'espère que ce sera moi et non ma lettre que tu recevras.

Je t'embrasse très affectueusement et te bénis de coeur.

Ta maman.

JB

----- Val 12 août 99

Ma chère Ninette

Après une dizaine de lettres d'affaires, me voici à toi. Et cependant je n'ai pas fini. Je suis allée à Aulnoye payer la quinzaine. Cela m'a mis en retard. Puis j'ai choisi la mise complète en teinture pour la semaine prochaine. quand serons-nous au courant! Dis à Charles qu'Anzin note encore hier 12c 408 et 12 coupons 3082. En tout 7 p de 408 à faire vendus. Si j'avais des ouvriers aussi bien qu'Edmond le nouveau employé, cela irait bien.

Mais cela t'intéresse peu sans doute. Pourtant l'intimité en famille vient surtout de cet intérêt mutuel à tout ce que l'on fait. Rappelle toi bien cela, chérie. En ménage, cela est un point important. Si le mari et la femme, la mère et les enfants ne prennent pas souci des petites occupations, des petites affaires, des petits plaisirs de l'un et de l'autre, la confiance cesse peu à peu au lieu de se soutenir et d'argumenter et où la confiance finit, l'affection diminue. La sollicitude qui attend pour se montrer les grandes occasions n'est plus de la sollicitude. La vraie, sais-tu comment je la comprends? C'est le sentiment affectueux qui nous porte à nous mettre entre celui que nous aimons et tous les chocs qui, dans les moindres événements de la vie comme les plus grands, menacent son repos ou son bonheur, pour les lui éviter ou l'adoucir.

Je philosophe volontiers avec toi, chère enfant. Je ne demande pas que tu m'y répondes. Ta lettre si courte mais si gaie, si alerte d'aujourd'hui m'a fait mille fois plaisir. Je l'ai lue avec joie. Tu pourras jouer au croquet avec Charles. Tu me diras la semaine prochaine si tu désires pour toi ou le message que je porte (poste?) quelque chose.

A propos, amitiés de M (?) qui est venu flairer mon sac où il ne se trouvait, hélas! que de l'argent. Heureusement j'avais mes clefs et en ton honneur je lui ai octroyé généreusement un petit beurre.

Je t'embrases bien fort comme je t'aime ainsi que Charles.

JB

Et la bonne, où en est-elle?

J'ai vu Jules qui trouve le temps long et que j'ai poussé tant que j'ai su à aller passer mardi près de vous. Marie n'a qu'un tirer un peu de son côté et il ne demande qu'à céder.

Les Giard sont encore venus avec moi à Aulnoye. Marie joue de tout, de la voiture, de l'air, des fleurs que je lui cueille, des grouelles (?) que je leur fais. Picou (?) et Paul comme suprême plaisir m'a demandé s'ils pourraient prendre... une carotte!

----- Valenciennes, 13 août

Ma chère Anne Marie

Bien t'en a pris de m'écrire ta carte-lettre. J'aurais été bien déçue si le courrier ne m'avait rien apporté de toi aujourd'hui et mon dimanche eut été moins gai. J'attends demain ta vraie lettre et en attendant j'aime à te dire merci de l'avoir remplacée.

J'ai poussé à la roue pour faire partir Jules demain et comme j'ai vu qu'il fallait que Maman soit de mon côté, j'ai influé par là. Il est à Bonsecours aujourd'hui mais, demain, maman le décidera, sans peine bien sur.

Pour moi, je suis bien décidée à partir samedi mais je ne t'arriverai qu'à 7h15. Comme c'est échéance, je partirai à 11h40 et m'arrêterai à Lille car au retour ce serait difficile. Héléna partira par le train suivant et me rejoindra à Lille. elle aura ainsi le temps de remettre tout en place. quand nous sommes tous partis Anne avait laissé des petits restes qui ont moisi et ne parfumaient pas la cave, loin de là. J'ai été bien aise de savoir que le ménage allait bien là-bas.

J'ai donc dîné avec Maman et les Giard. Après le dîner, Paul est allé avec Maman faire visite à Mr le Doyen et lui faire part de son entrée au séminaire. Mr le Doyen l'a félicité et l'a bien reçu. Albert est moins heureux. le conseil de famille a décidé qu'il n'y avait pas lui demander ses goûts si souvent variés et qu'il devrait rester coûte que coûte encore un an à Bertonval. On a bien eu raison. Pour ma part, il me semble que la seule vocation à laquelle il ferait croire en ce moment est celle de girouette. Il faut le fixer malgré lui.

Je vais aller porter ma lettre à la poste et voir Tante Marie Boulan que je n'ai pas eu le temps de recevoir hier et que je voudrais avoir mardi.

Au revoir, enfant chérie. Le cirque était-il superbe? Charles s'est-il bien amusé. Mais je saurai cela demain.

Mille tendres baisers.

Ta maman

----- Valenciennes, 14 août 99

Ma chère Anne Marie

Tes deux lettre et celles de Charles reçus ce matin avaient un air si gai si heureux que je les ai poses devant moi pendant que je travaillais et il me semblait qu'elles m'apportaient un reflet de vos joies et j'en étais toute réjouie.

Tout va bien du reste et j'espère que rien ne retardera mon départ samedi.

Jules part ce soir pour vous arriver bien tard. Il craignait de s'absenter pour les affaires mais aussi pour les lits là bas. Je lui ai dit qu'il y aurait moyen de s'arranger, que tu pouvais pour une fois prendre Teten avec toi ou lui coucher en bas sur mon lit improvisé, avec le canapé et les fauteuils, quoi que vous ayez fait, je pense bien que vous ne l'aurez pas envoyé à l'hôtel. Charles irait plutôt.

Je pense aussi que tu n'auras pas oublié en fêtant les Marie, la première à fêter, Tante Jules et que tu auras fait un petit régal. Je lui souhaite une bonne fête. Dis lui que Maman a encore trouvé Mme Carlier mieux portante, et elle-même se trouve mieux puisqu'elle a dit "Quand j'étais malade" etc.

Quel beau cirque et quelle belle!!! nuit. Ceci pour te montrer que je n'étais pas déjà si défiante (?) en retenant avec promesse de bon pourboire une voiture pour le retour l'autre jour. Si j'y allais, moi, j'irais ou plutôt je voudrais revenir en voiture.

On vend le mobilier des Podevin aujourd'hui. Ces ventes sont tristes, cela serre le coeur et met Auto en révolution.

Au revoir, Ninette, à bientôt. Je te souhaite aussi bonne fête demain, car la Sainte Vierge est bien aussi ta patronne et je la prie bien pour toi.

Je t'embrasse bien ainsi que Charles.

Ta maman

JB

Faudra-t-il encore emporter des pommes de terre. Je suppose que les autres légumes s'usent vite.

----- Valenciennes, 15 août 99

Ma chère Anne Marie

Si bien que j'aille aujourd'hui, je ne suis pas de force à suivre la procession. J'y ai envoyé Héléna et surveillerai la cuisine. Il y aura sans doute bien peu de monde et c'est bien le moins de nous y faire représenter.

J'ai reçu ta lettre que tu avais oublié d'affranchir à moins que ce ne soit pour compenser le timbre qui se trouvait dedans ces jours derniers quand Tante Jules a écrit aussi. Pour toi, juges si j'ai déboursé avec plaisir les 30c ! Je suis trop bien habituée à ton bonjour quotidien pour m'en passer.

Je suis un peu embarrassée pour répondre à la question de séjour d'Etienne. J'ai toujours un peu peur de la responsabilité d'avoir des enfants, pas à moi, surtout lorsque, comme Etienne, ils ne sont pas bien portants. Puis je ne voudrais pas sacrifier ton plaisir aux soins qu'ils doivent exiger. Sous ce rapport, je pense que le mieux serait en les gardant tous trois de garder Elvire aussi. Elle s'occuperait d'eux exclusivement le matin, le soir, cela me permettrait de garder mes habitudes et toi les tiennes, puis, si Marie les leur confie sur la plage, elle pourrait s'installer toujours à petite portée d'eux et les suivre si nous avons nous-mêmes compagnie ou si nous voulons aller d'un côté ou de l'autre sans eux. Héléna viendra quand même. Ici, n'ayant pas eu de femme de journée, elle a eu tout à faire et est très en retard de couture. J'imagine que tes bas et tes bas de jupes doivent réclamer aussi sa présence. De cette façon, nous n'aurons toi e moi que la haute surveillance et je serai plus tranquille si les perds de vue. Si tu trouves que ce sera bien ainsi propose-le à Tante Jules ou si tu y vois d'autres difficultés, dis les moi. Il est certain que tous trios, seuls, me paraît difficile.

Il fait encore très chaud aujourd'hui. Tu auras profité de tes robes légères. Quand je pense qu'il y a eu une année où on n'a pas déplié les costumes de linge! Nous n'en sommes pas là!

Au revoir, Ninette. Je compte bien être samedi soir à Wimereux et ne plus songer à t'abandonner avant bien longtemps.

Mes meilleurs baisers à toi et à Charles.

Ta maman

----- Valenciennes, 16 août 99

Ma chère Anne Marie

Tu as sans doute eu ce matin mes deux lettres et il "ne pleut plus dans ton coeur" j'espère. Va, chérie, moi aussi je décompte et la pensée de te retrouver va bien embellir cette longue route qui me paraît de plus en plus fastidieuse s'il n'y avait le but. Puis nous la referons ensemble pour retrouver notre maison ensemble. Je vois avec plaisir que tu laisseras de bons souvenirs à Wimereux ou du moins chez celles que tu y as connues. C'est bon de penser qu'on sème ainsi autour de soi, avec des paroles aimables, des petites actions bienveillantes, des sourires, des riens, autant de petites joies, de petits bonheurs et souvent en même temps du bien, de bons exemples, de bonnes pensées, que sais-je, toutes sortes de bonnes petites graines qui peuvent germer et mûrir un jour. Wimereux nous réserve souvent la surprise de nouvelles bonnes, et agréables relations. Est-ce là que nous aurons trouva pour Charles cette épouse chrétienne dont il est dit que c'est un trésor qu'il faut aller chercher aux extrémités de la terre. Si mes désirs et mes souhaits sont écoutés du bon Dieu, je ne tarderai pas à ouvrir mon coeur de mère à une nouvelle affection. Enfin le bon Dieu a son heure et donne la lumière quand il lui plaît.

On disait hier que la petite Marcelle était au plus mal. S'ils l'emportaient à Lourdes! Les autres sont elles revenus avec Mme Maurice.

J'ai parlé à Jules de la possibilité de garder les trois enfants avec Elvire. Je serai beaucoup plus tranquille d'espier (?) ainsi. J'aurai si peur qu'il leur arrive quelque chose par défaut de surveillance. Parles en à Tante Jules.

Oui, je t'apporterai des provisions de tendresses. Elles sont toujours toutes prêtes et ne demandent qu'à être utilisées.

A ce moment, tu vois les nouveaux hôtes du jardin voisin. Je pense qu'ils seront aimables aussi mais qu'ils iront moins simplement que les petites Dupont que leur âge rendait plus franches (?). Allons, Ninette, bonsoir et mille bons baisers. Amitié à Tante Jules.

Si tu vas encore à Boulogne avec Tante Jules, cherche pour Maman deux navettes en fer pour faire du fil, deux tailles moyennes. Ici on n'en trouve pas.

----- Valenciennes, 18 août 99

Ma chère Anne marie

Je pense tant à cette date du 19 fixée pour le retour à Wimereux que je l'ai mise (?) plusieurs fois aujourd'hui. Pourvu que rien ne me retarde! J'espère bien que non, mais cependant si par hasard je ne croyais pas convenable de partir et que je t'envoie une dépêche ne t'en inquiète pas, c'est que je ne serai pas suffisamment libre, voila tout. Je ne remettrai que d'un jour... Mais, je compte bien m'en aller, sais-tu.

Ne t'inquiète pas, j'emmène Héléna avec moi. Ce train qui arrive à 7h15 ne part qu'à 5h de Lille et j'ai parfaitement le temps entre 3h et 5h pour aller rue Royale. Je me paierai une voiture à l'heure, s'il le faut.

Je viens de signer 2 fois 54 effets. Si ne sais pas écrire mon nom, c'est que ma main se brouillerait. Le nettoyage est fini, mes petits papiers reprennent leur place. Charles va trouver tout en ordre et les affaires aussi au courant que possible.

J'ai vu Jules. Il dit que c'était bien de garder les enfants si Marie n'était restée qu'une dizaine de jours mais que comme cela, il vaudra mieux qu'ils reviennent tous. Je n'insiste qu'à demi. Les derniers jours avec tous les bagages, l'inventaire, les règlements de compte ne seront guère agréables, puis le temps paraît changer, il pourrait bien se fatiguer d'être au beau. Nous en parlerons en arrivant.

J'espère que Charles est rentré à bon port. Je suis bien content de passer un jour entier avec lui avant de le renvoyer dans son foyer solitaire.

Tante Marie vient de venir et me demande si j'ai fait place dans ma malle pour sa lettre. Je te la joins aujourd'hui. Je ne l'oublierai pas ainsi.

A demain donc, ma chérie, si tu savais comme moi aussi je suis contente! Je t'embrasse bien ainsi que Charles.

1900 et après

Un autre ensemble de lettres, plus tardive, sur papier ordinaire (non plus papier de deuil), très souvent non datées.

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J'ai trouvé un tas de petites affaires sans encore ouvrir de paquets entre autres un ruban bleu "loudon" (?) pour le bonnet de Luc. L'écharpe de crêpe blanc pour le chapeau de Paulette, et quelle quantité de chapeaux à toi! et un gentil pour Paulette forme de celui en velours en paille bleue avec ruban blanc.

Une chose qui m'a bien fait regretter de n'être pas venu en mars, c'est l'état de la cuisine et des WC d'en bas. Ce tuyau crevé à 1m du plafond environ a mis une grande humidité dans tout le mur au dessus de l'évier et plus. Tout cela est moisi, fendillé et cela coule toujours. Je cherche à faire au moins faire de suite la soudure mais les Eaux p. sont encore déménagées. Quelle désorganisation en tout.

Heureusement, j'ai pris 2 b. all. ... il n'y en a plus dans le pays, mais avec une lampe à alcool on en use!

Les enfants ont eu un plaisir sucré à calculer, écrire et choisir leur carte à Mme Bricon et Michel ajoute: Je ... d'ici Mme Bricon allant la montrer à Mère.

Les fruits sont fort chers. Naturellement, je n'en achèterai pas, mais si tu pouvais une fois en envoyer, j'aurai du plaisir à en offrir à Edouard. On vend seulement les groseilles à confiture ici.

Au départ, voyant que Marg. avait préparé l'argenterie des enfants, je l'ai prise au lieu de trois ... préparés et j'ai voulu remettre aussi mon petit couvert préparé. Ce petit couvert est ici en revanche je n'ai pas mes six petites cuillères à café. Veux-tu t'assurer que je n'ai bien fait que me tromper de paquet. Le tout est dans une boite longue ouverte dans l'autre coffre; surtout ne les envoie pas.

Les enfants s'en vont. Je n'ai plus le temps de t'embrasser avec René et les petits chéris.

Ta maman

----- 21 Fev 1901

Chère Anne Marie

Ce matin, pendant que je déjeunais, Maman m'a apporté ta lettre qu'elle venait de recevoir. Elle en était toute joyeuse. Tu as bien fait de lui écrire ainsi tout de suite et moi j'étais contente d'avoir de tes nouvelles par elle, n'espérant plus en avoir par toi. J'ai reçu alors ta lettre où tout m'a fait plaisir.

Ce premier sermon répondant si juste à tes aspirations a du te faire une excellente impression et comme une lumière, une confirmation sur ce que tu crois être la volonté du bon Dieu à ton égard.

Le bon Dieu a ainsi de ces délicatesses, si l'on peut parler ainsi pour ceux qui le cherchent sincèrement; il emploie pour nous parler bien des voix; des coïncidences frappantes en sont une.

Je suis bien aise aussi de te savoir bien reçue (ce dont je ne doutais pas, mais enfin ce pouvait l'être avec plus ou moins d'affabilité), de penser que tu ne grelottes pas pendant que ton coeur s'échauffe d'amour de Dieu. Le règlement met bien pour le lever une heure qui pour ma grande dormeuse doit lui paraître bien matinale, mais en revanche tu peux te coucher très tôt. C'est une bonne pensée de m'avoir copié ce règlement - tu ne parais plus dans l'inconnu.

Nelly vient de venir me voir - non seulement ne sors pas, mais cet après-midi je suis dans ma chambre. Charles a reçu son piano ce matin !!! Il n'osait m'en parler: après une exclamation je l'ai laissé partir le recevoir; mais quand il est entré je lui ai dit simplement: "Es-tu content ? Maintenant que c'est fait, il ne faut pas que je gâte ton plaisir." Là dessus, il m'a embrassée et remerciée vivement.

Je crois que ce mot là leur a fait plaisir à tous deux. J'ai remercié aussi Nelly qui dit qu'elle se privera de voyage pour compenser cela - que Charles n'a pas d'autres distractions. Maurice achète l'ancien.

Au revoir, mon Anne-Marie chérie. que le bon Dieu te bénisse bien ces jours-ci et toujours.

Ta mère

J

Ce matin, il est venu une femme pauvre te demander parce qu'elle désirait une robe de bébé et qu'on lui avait dit que tu travaillais pour les petits enfants. Je lui ai donné un petit tricot, elle était ravie.

----- 21 fev (01 ?) (même date que l'autre, sans doute l'une des deux est mal datée)

Ma chère Ninette

Ne t'inquiète pas de ma solitude. Ta lettre me tient compagnie et je pense à toi. Puis, je vois que ces jours te feront du bien, que c'est une grâce que le bon Dieu t'a préparée et je l'en remercie. Tu as dans ce désir permanent de faire du bien autour de toi non seulement un moyen de rendre heureux ton prochain en procurant dans ta modeste sphère la gloire de dieu mais aussi un moyen de te rendre heureuse toi-même sur le terre et dans le ciel. Garde toujours ta belle devise d'enfant: "Passer en faisant le bien" et rappelle toi, pour t'encourage plus tard, ce que je te disais l'autre jour: "Nous passons mais le bien demeure et se multiplie".

Pour l'offrande à faire à la maison, si tu peux savoir ce que qu'on fait habituellement, c'est bien. Sinon, sois généreuse. Et si il y a un tarif fixe, ajoutes y une offrande. en tout, il me semble que tu dois donner au moins 40 Fr plus la gratification à la bonne ou aux bonnes.

Je ne suis descendue aujourd'hui que pour dîner et je t'écris étendue dans mon fauteuil, c'est ce qui change mon écriture, mais demain, cela ira mieux. J'ai vu Maman, Nelly, Louise P qui a dîné chez Charles. Charles monte souvent. Tu vois que j'ai des distractions.

Nelly demandait d'où était cette jeune fille Mlle Polle. Elle connaît ce nom à Roubaix. Nous avons une de nos cousines Huicq mariée à Mr Eugène Pollet, mais leur fille aînée ne doit d'après la généalogie n'avoir que 12 ans.

Aujourd'hui, je ne reçois pas et j'ai manqué les visites de Mme Vanst.. et Davely (rajouté au crayon: Desorban et Theillier Mlle).

Mme Jaumon a écrit que tu recevrais ta robe dimanche.

Charles et Nelly comptent toujours aller te chercher. Petit Pierre va bien. Bonne Maman en revenant de Lille mercredi a fait route avec Maurice et mr Max. Il n'y a rien de neuf à Tilques cependant.

Allons, assez, je te donne des distractions. Retourne bien maintenant au bon Dieu. Sans doute, tu vas de confesse, là comme partout, beaucoup de simplicité. Dimanche, je m'unirai à ta communion. Au revoir, enfant chérie. Je t'aime et t'embrasse bien tendrement.

JB

----- 23 février (01 ?)

Ma chère Anne-Marie

Je suis bien heureuse que tu interrompes tes méditations pour m'écrire, car tes lettres comme toujours me sont bien bonnes à lire et à relire. Ce soir, je te pense dans toute la ferveur de tes résolutions. Je ne doute pas que l'impression que tu garderas de cette retraite ne soit durable - certainement, on ne reste pas toujours sur les hauteurs du Thabor et comme les apôtres, il faut redescendre la montagne et recommencer la lutte mais il te restera une nouvelle force pour marcher en avant et une lumière plus vive pour te guider.

Charles ira seul te chercher et te ramènera au premier train libre c'est à dire qu'en arrivant te prendre vers 10 h 1/4 - tu serais ici à 1h 1/2 et nous t'attendrons pour dîner. Vous prendrez à Lille quelque chose au buffet de (?) pour vous faire patienter. J'aime autant que cela se soit arrangé comme cela, tu perdras moins vite ton recueillement. Le temps n'est guère engageant pour Nelly et c'est elle qui y a renoncé.

Tu arriveras en temps pour faire si tu le désires, les premières visites du Jubilé. Je ne pourrai pas, moi, faire celles-ci. j'en serai quitte pour en refaire seule cinq fois la série. Je me remonte aujourd'hui mais je ne serai pas encore vaillante demain - ce sera tout juste pour aller à la Messe.

Je ne te dirai pas que tu ne m'as pas manqué, mais je sais que c'est une absence provisoire. je ne devrais pas avoir peur de l'avenir quel qu'il soit. Je sais trop bien par expérience que le bon Dieu donne la force de tout supporter.

Je t'ai déjà répondu hier en partie pour tes offrandes, mais si tu le juges ne te gènes pas pour augmenter ce que je te disais.

A demain donc, ma fille chérie, et en attendant, je t'embrasse de tout mon coeur.

JB

Présente mon respect et mes remerciements aux Soeurs qui te soignent si bien et que j'aurais voulu pouvoir remercier moi-même.

----- Valenciennes, le 22 juillet 1901

Ma si chère enfant

Me voilà donc avec ma petite feuille de papier qui va courir vers toi et qui demain tremblera de joie dans ta main, pressée de la retirer de son enveloppe. Elle te portera quelque chose de moi, de cette maman si chère que tu quittais ce matin avec des larmes. Enfant chérie! Comme j'étais touchée de ta peine moi qui ne voulais pas pleurer! J'espère que ton gros chagrin s'est calmé aux pieds du bon Dieu et que tu as repris ton sourire et ta bonne gaieté pour accueillir tes chères amies qui vraiment m'en voudraient trop si mon départ te changeait pour elles.

J'ai fait très bon voyage. les 4 heures sont bien vite passées et c'est tenant de prendre toujours cette heure là. J'ai trouvé Maman à la gare bien entendu et les visages souriants des employés chez moi.

Maman remarquait comme mon retour paraissait leur faire plaisir. Maria est partie dîner à St Saulve et est rentrée depuis. Elle passera son après-midi à épousseter. Quelle couche de poussière malgré l'ordre extrême de la maison! J'ai vu au commerce, signé mes affaires, été chez Charles, dit un petit bonjour à Marie Margerin et me voilà à toi, souhaitant pouvoir te raconter par le menu tous les petits incidents de la journée.

Maman vient de recevoir l'acte d'achat des terrains de Fort Philippe. La difficulté est que J & Es. auraient préféré ne pas sortir d'argent et auraient été bien aise que cela m'arrange; malheureusement cela ne m'arrange guère non plus, et la pauvre Maman avec toutes sa fortune se trouve e gêner de nous gêne et ne peut facilement se passer cette fantaisie. Naturellement, eux et moi après le tâtonnement mutuel accepterons volontiers, mais ni Maman ni moi n'avions pensé me mettre en jeu là dedans.

Veux-tu dire à Nelly que nous n'avons trouvé au grenier que de vieux jupons dans l'armoire de la petite chambre et des superbes dans la grande, dans un carton. Maria pense que ce sont les tout petits en piqué qu'elle désire. On n'aura que ce soir ou demain le pantalon et la chemise. J'attendrai donc pour expédier l'explication pour les jupons et j'envoie aujourd'hui par la poste les cartes de Charles que j'ai trouvées au premier coup d'oeil. Maria s'ennuie beaucoup et a peur seule elle comptait partir aussitôt qu'elle aurait fini ses lessives et se pressait. Louise n'y va pas parce que Nelly a dit "comme vous voulez" et qu'alors elle croit qu'elle ne le désire pas. Vois si tu peux dire cela mais de toute façon je désire que tu gardes mes lettres pour toi seule.

Au revoir, ma Ninette chérie. Voila déjà un jour passe sur les six de notre séparation. Tu verras comme cela passera vite. e t'embrase bien tendrement et te bénis.

Ta maman.

----- Valenciennes, 24 juillet (1901 je pense)

Ma chère Anne-Marie

Je viens de faire des confitures. Je n'en avais que 8 pots et demi ce n'était pas assez car il n'en restait plus du out. Ce matin je suis allée à Aulnoye avec Marie B. J'y ai passé toute la matinée et maintenant il ne reste plus de temps. Comme c'est commode de se déranger de cette importante opération culinaire qu'on nomme "les confitures" pour aller au bureau donner une signature, faire ou refuser une commande, etc. etc. et chaque fois, déposer tablier, rabattre ses manches, etc. Cela ressemble le à ces comédies ou chansonnettes où l'on prend deux visages en se tournant à droite et à gauche alternativement.

Je ne sais pour quelle cause Nounou est partie, mais elle n'aura pas laissé de vifs regrets. Elle a écrit à Maria de lui envoyer sa malle en disant, m'a dit Maria, qu'elle s'était disputée avec Madame; à quoi j'ai répondu qu'une servante ne devait dire disputée. Madame fait une observation, la bonne n'a qu'à se soumettre; que d'ailleurs Madame Charles ne disait jamais de mal de ses bonnes et que je ne savais ce qu'il y a avait eu.

Louise ira coucher demain. Ce qu'elle disait était un prétexte. La raison je la dirai à Nelly.

J'envoie aujourd'hui le paquet des effets sauf la chemise qui n'est pas rentrée et des haricots. Quelle triste récolte de tout à Aulnoye ! Le jardinage dépassera le rapport. Hourdequin travaillait, Marie était déjà à nous ouvrir la porte.

Mais qu'il faisait là bon. D'ailleurs, depuis mon retour, la température est excellente.

Je suis contente que tu aies refusé le théâtre. Cela m'aurait excessivement contrariée. Je suis bien contente aussi de ce que tu me dis des affectueuses prévenances de Nelly pour toi. Je l'en aimerai encore plus.

Allons. Il faut que je te dise bonsoir. J'ai encore à (?) pour affaires et à m'habiller pour le souper de Marie Mayeux (?). Je t'embrasse bien fort ainsi que Charles, Nelly et mon petit Pierre.

Ta maman

J'ai encore eu ta lettre à 8h.

----- Val 26 juillet 1901

Ma chère Ninette

J'ai fêté Ste Anne à mon particulier. Puisse-t-elle te couvrir toujours de sa protection et particulièrement t'exaucer pour ta grande requête. Maman me charge de te dire qu'elle ne t'a pas oubliée et a demandé pour toi à Sainte Anne (pour un peu plus tard) un bon mari.

Maman est toute indisposée d'un échauffement prolongé. Elle se soignait pour le foie et parait-il prenait des remèdes inverses. Elle va mieux aujourd'hui mais en est tout affaiblie.

Hier, j'ai soupé seule chez Jules. Roger a le 1er prix d'excellence. Michel le 2e accessit mais il est nomme en tout sauf sagesse. On a dit quelques mots du petit Gélain et donné ses prix à son père qui assistait à la distribution. Von Wak (?) a eu beaucoup de succès et l'on songeait à sa pauvre mère. De sorte que ce passage de la distribution des prix a été très émouvant. Agnès a bien besoin de l'air de la mer. Elle est très pâlotte avec ses beaux yeux tout cernés. C'est son tour aujourd'hui et il pleut à verse à chaque instant.

C'est bien XXX que j'avais mis sur ma dépêche soit l'objet que tu désires, si ce n'est pas trop cher. Nous verrons cela ensemble. En attendant, je compte bien t'arriver demain. je me demande si je n'emporterai pas ta robe de drap gris et ton corsage blanc. Après tout, si tu la désires, envoie moi une dépêche (ces derniers mots soulignés). le temps est si mal disposé que je crains que ta robe de batiste ne soit pas convenable pour dimanche.

J'attends Louise Paillon puis j'irai à St Roch et demain matin à la teinturerie. Ensuite le prendrai ce bienheureux train de 4 heures qui me ramènera à Wimereux. je ne trouve e pas ce retour bien raisonnable mais je n'ai pas le courage d'y renoncer à cause de toi.

Mme Namur est rentrée. Elle sort en voiture. Mme Mariage a dit à Maman qu'elle devrait venir me voir. Elle et quelques dames pensait faire une après-midi de jeunes filles, elle devait t'inviter.

A bientôt, ma chère chère Anne Marie. Comme je vais t'embrasser de bon coeur. Je désire que tu lises ma lettre à Charles. si tu penses ne pas les froisser ou je te dirai ce que je lui dis.

A demain.

Ta mère.

----- 30 août 1901

Ma chère Ninette

Il y a si peu d'heures que nous nous sommes quittées que je n'ai pas grand chose à te dire...

Heureusement, puisque les gens heureux n'ont pas d'histoire et qu'il s'en suit que si je n'ai rien à te dire c'est que tout a été bien. En sortant de la gare, j'ai rencontré Charles qui accourait avec les clefs des malles oubliées! Après la perte momentanée des billets et l'oubli des clefs n'avez-vous pas eu de nouveaux incidents. Surtout comme troisième, ne te jette ni par la portière, ni sous un train, et ne te laisse pas emporter en pleine mer.

J'ai invité tante Marie B pour dimanche en lui envoyant les deux paquets, elle a accepté. Charles, après hésitation, a trouvé que le meilleur moyen pour arranger Nelly et lui était de partir dimanche matin et de revenir mardi. Nelly n'aura pas à faire ses malles le dimanche sera un jour de plus avec ceux qui arrivent et Charles sera ici demain pour M. Payen, l'échéance, etc. Cela m'allait aussi. Ils rentreront par le train de 5.40 en prenant à St Omer l'express de 3h. Vous trouverez-vous avec eux?

Il y a aujourd'hui dans la Mode illustrée un costume lainage pour jeune fille que je pourrait copier en partie sans trop de présomption.

Je vois d'ici l'affectueux accueil de Tante Jules, celui plus bruyant des garçons et surtout la joie d'Agnès en te retrouvant. Dis-moi comment elle va vraiment. Je les embrasse tous. J'embrasse ma chère Maman et toi ma fille chérie de tout mon coeur.

Ta maman

----- Samedi 31 août 1901

J'ai reçu ta carte de Dunkerque et elle a suffi pour me faire voir que tu avais passé une bonne journée. Il devait faire bien bon près de la mer aujourd'hui aussi. Charles et moi avons dîné au jardin pour nous dédommager de ne plus pouvoir y souper. Etant là, sous l'orme, je me représentais tantôt le grand horizon que nous avons devant nous à Wimereux et je le regrettais, en me félicitant que toi, du moins, tu jouissais de l'espace pour quelques jours. Combien j'aime la mer! rien ne me tente comme cela.

Regarde la bien et dis moi si elle te charme à Fort Philippe. Mes yeux sont fatigués cet après midi. Ce matin, j'ai fait mes comptes, cela a été trop pour eux. Après que je t'aurai écrit, je vais arroser le jardin; il est reposant et que crois que l'hydrothérapie que j'exerce sur mes fleurs me rafraîchit par ricochet puis j'irai au salut.

C'est un Dominicain, le Père Dehan, qui prêche la neuvaine du Saint Cordon. Pourrai-je en profiter?

N'oublie pas que lundi tu n'auras probablement pas de lettres de moi et mardi je ne sais à quelle heure tu pars ni (si) tu reçois le courrier.

Ce matin, une dépêche nous a un peu saisis tous deux, Charles et moi. Nous pensions à Tilgues et à vous? C'était un client. C'est rare chez nous cette presse là.

Au revoir, minette. Je t'embrasse bien fort ainsi que Maman. Mille choses à tout ton entourage.

Ta maman

------ 1er septembre 1901 6h

Ma chère Anne Marie

Je reviens d'une petite promenade en voiture que j'ai faite avec Marie. Je l'ai conduite voir notre petit coin de verdure et la source derrière ND des affligés. Elle était très contente d'être venue aujourd'hui.

J'ai eu la joie ce matin de communier avec Charles à l'occasion de ses 25 ans. Puis il a déjeuné et est parti. J'ai eu ensuite ta lettre. Quel luxe! un saladier pour cuvette et le pavé comme tapis !

Cela fera contraste avec le cher Rayon vert où nous étions si bien; mais je vois avec plaisir que vous riez de ces inconvénients qui ne vous fatigueront pas longtemps. Les lits sont-ils bons au moins?

Je ne sais si c'est la promenade mais je vois trouble en écrivant et cependant je n'ai rien fait aujourd'hui, pas même ce qui s'appelle lu. Demain je ne bouge pas et mardi peut-être pas non plus. Ne compte pas sur moi à la gare, il est bien possible que je n'y sois pas. Mon coeur vous y devancera. Que la maison est vide sans toi!

Au revoir, ma chérie. Je t'embrasse bien. Mes affectueux baisers et remerciements à Madame et amitiés à Tante Jules et Pauline.

Ta Maman

Il y avait ce matin un petit mot de regrets et d'excuses d'Alice qui venait de recevoir ta lettre laissée à la banque si j'ai bien compris.

Hier j'ai mis sur l'adresse Melle Boulan. Je suppose que tu as bien eu ma lettre.

----- 29 avril (1902 je pense)

Mon cher Maurice

J'ai réfléchi à ce que tu m'as dit de la part de Mr D et voici ce que je désire que tu répondes.

D'abord, tu voudras bien dire à Monsieur D que je suis heureuse et fière de l'estime qu'il a pour A et que je le remercie de sa démarche si délicate. Comme il le pense bien, mon désir est de marier ma fille à un jeune homme qui soit avant tout chrétien et intelligent, et s'il se peut, à Valenciennes. Mais si ce que je sais de Monsieur X me paraît devoir remplir ces conditions premières, il n'en est pas moins vrai que je ne puis rien dire de plus sans quelques autres renseignements tels que ses pratiques religieuses, sa situation au moins approximative, ses projets d'avenir, s'il a achevé ses études de droit, etc. enfin et surtout, si ce projet lui agréerait à lui-même et à sa Mère.

Tout ceci serait encore satisfaisant que je crois bon de dire dès maintenant qu'il resterait encore une question: savoir s'il plairait personnellement à A. Je regarde le mariage non comme une affaire de convenance mais surtout comme une union de coeurs et A s'est promis de ne jamais se donner sans connaître. Il y aurait donc lieu d'attendre ou de ménager quelques rencontres qui n'engageraient absolument rien ni d'un côté ni de l'autre.

Je compte sur toi pour redire tout ceci à Monsieur D en le remerciant de son obligeante démarche et te remercier toi-même.

Signature illisible

----- 30 avril (1902 ?)

Ma chère Anne Marie

Je reçois ta lettre. Je l'attendais avec une véritable impatience. Je craignais que tu n'aies eu des difficultés avec le retard de ton colis. j'ai choisi pour le second envoi une boite plus petite qui, je le pense, pourra tenir dans l'autre.

Nos adieux avaient été si brusques et notre dernière heure ensemble si remplie que je me suis trouvée toute stupéfaite lorsque je me suis retrouvée seule en voiture et surtout dans la salle d'attente où il me semblait que j'étais perdue. Ce que c'est que d'avoir toujours une fidèle et bonne petite compagne comme toi. Ici je sens surtout ton absence au dîner et le soir. Comme j'ai refusé d'allé dîner chez Charles, j'ai refusé aussi à Maman. Il n'est pas nécessaire du tout de fuir la maison parce que tu n'y es pas. Il faudra bien m'y habituer sans doute plus tard. Puis tu sais, si j'aime mon chez moi et si tu me manques ici, tu me manques plus encore dehors où je ne vais guère que pour t'accompagner.

Venons à l'histoire assez étrange de Mr D. ton opinion comme tu le verras n'a été qu'à demi la mienne. Si j'avais tous renseignements, qu'ils fussent à mon goût et au tien, que Mr D fasse ensuite la proposition, le refus serait pour nous un affront; j'ai fait au contraire absolument l'inverse. J'ai dit comme tu le verras que je ne pouvais rien dire ni me renseigner sans savoir si cela plaisait au jeune homme et à sa mère, persuadée d'ailleurs (... ?) toi que s'il ignorait la démarche ou n'ignorait pas sa manière de voir.

Comme Maurice trouvait la réponse difficile à dire juste, il m'a demandé de lui écrire une lettre qu'il pourrait montrer à Mr D. C'est ce que j'ai fait. Il me l'a rendue et je te l'envoie. j'en ai bien étudié tous les termes, pensant que MR D l'aurait peut-être gardée. Tu vois que j'ai fait en sorte de conserver ta dignité et la mienne. Après l'avoir lu, Mr D a dit encore, à ma grande surprise, qu'il n'en avait pas encore parlé et qu'il eut préféré que je prisse tous les renseignements de peur qu'après s'être avancé, nous refusions.

Maurice a dit que je ne voulais pas rien faire au contraire si le jeune homme ne désirait pas cela et Mr D s'est incliné. Il doit lui en parler mais, a-t-il dit, peut-être remettra-t-il se réponde à bien plus tard et je ne pourrai insister (!). Il a ajouté que bien entendu il ne dirait pas m'en avoir parlé (!). Heureusement que ma lettre laissait bien des réserves.

Comme nouveaux détails, il vient de passer deux examens brillamment mais ne présentera sa thèse pour le doctorat que dans quelques mois. J'ai dit qu'il (?) ne voudra rien dire avant. Sa mère et ses soeurs sortent très peu, et passent pour vivre très renfermées. Il retourne à Lille tous les samedis soirs jusqu'au lundi. Il est pour deux ans secrétaire de Me Douai à Valenciennes et plaide pour son compte entre temps. Samedi, il a très bien parlé salle Watteau. Mr D croit que sa mère habite rue Brucla (?) Maison-quartier de Waremmes.

En recevant ta lettre, j'ai manque faire dire à Mr D de ne rien dire, mais comme il ne peut pas dire que j'accepterai, j'ai laissé faire. En attendant, on peut quand même prendre discrètement certains renseignements.

Je ne savais si je devais te parler de tout cela, car cela t'occupera mais d'un autre coûté, tu en parleras au bon Dieu et tu lui confieras bien tout. De toute façon, il ne te serait pas possible de ne pas te poser des interrogations vagues.

Dis moi si tu te portes bien, si ta santé ne souffre pas de ces coïncidences. La mienne est meilleure et je compte bien être samedi à 10h 1/4 au Sacré-Coeur.

Je prie bien pour toi. Puisse le bon Dieu t'éclairer et te garder dans le présent et dans l'avenir.

Au revoir, mon enfant chérie. Je t'embrasse bien tendrement.

Tu peux supprimer seule la lettre incluse. J'en ai gardé la copie.

----- 1er mai 1902

Ma chère enfant

C'était une bonne surprise que ta lettre de ce matin, car je suis bien aise de savoir de suite que tu "approuves" ma manière de voir et d'agir. Dans une question qui peut avoir engagé tout ton avenir. Je tiens beaucoup à ton avis. Je pensais comme toi cette fois pour la demande des renseignements et dès mardi j'avais demandé le bulletin à remplir; ce que je viens de faire. Il est très complet, très détaillé, et j'insiste particulièrement sur la santé qui est le point le plus inconnu.

Maintenant, il ne s'agit plus que de tenir ton coeur bien libre, de façon que quelque soit la solution, tu dises volontiers Fiat. Je suppose que pendant ta retraite, tu constateras que ta vocation est bien celle du mariage; car c'est bien la vocation c'est à dire la voix, l'appel de Dieu qu'il faut continuer à voir dans le mariage.

Tu peux penser si je prie pour toi Saint Joseph que j'ai chargé depuis si longtemps de ton avenir et la Sainte Vierge dont nous commençons le mois privilégié.

Chère enfant, il faut bien que je te dise que tu m'as fait un extrême plaisir dans ta lettre d'aujourd'hui. Non pas par l'éloge que tu me dis, sans doute et malheureusement très exagéré pour moi mais parce que si on t'a dit cela, c'est que ma fille pense et dit de sa mère toutes choses que je voudrais pouvoir mériter complètement et puis il m'est si doux de voir que je suis pas seule à garder dans mon coeur à ton père cette vie du souvenir qui ne mourra qu'avec moi et que tu garderas encore après moi.

Je suis contente de voir que tu causes avec le Père et Mme Denoyelle. Tu recevras ainsi des conseils spéciaux et tout désintéressés. Je voudrais pouvoir remercier ceux qui font si bons pour toi. j'espère voir au moins Mme Denoyelle samedi et la prier de redire ma reconnaissance à Mme de Montalembert pour t'avoir ainsi acceptée sous le toit du Sacré-Coeur. Pour elles-mêmes, je suis sûre qu'elle trouve tant de joies à s'occuper de ma fille que je n'ai qu'à lui dire que je suis heureuse de la lui avoir confiée.

Au revoir, enfant chérie. Je serai samedi matin à Lille. Je t'embrasse et te bénis bien tendrement.

Ta mère

Charles et Nelly t'envoient mille amitiés. Les bébés sont toujours charmants.

----- 28 août 1902

Ma chère enfant

Je suis rentrée à bon port aussi bien portante que j'étais partie et sans avoir eu le moindre vertige de toute la journée. Cela va m'encourager à voyager.

Mais il est trop tard pour causer. De suite au fait.

J'ai réclamé ta petite cassette (?) en arrivant. On n'a pu que m'affirmer qu'elle était partie. Mais partie pour où? Donc dans le doute sur le jour où elle t'arrivera, je t'en renvoye à nouveau le nécessaire dans une boite (franco à domicile). J'y ai joint les aiguilles. J'espère que tu auras le tout demain.

J'ai assez idée que l'autre a été volée. Le voleur sera volé mais la déclaration sera assez difficile à faire!

En rentrant, je me suis pressée d'expédier la poupée à Agnès qui ce midi l'avait fait chercher avec prier de la remettre de suite. Elle est arrivée à bon port.

Charles a vu Maurice. La commission a déjà été transmise à Mr Dehour (?) lequel a toutefois encore dit que l'intéressé n'en savait absolument rien. Il désire savoir si nous désirons qu'il en parle ou s'il nous faut avant d'autres renseignements. C'est assez bizarre, il me semble que les rôles sont intervertis.

Confions bien tout cela au Bon Dieu. Le principal est de connaître et de faire sa volonté.

Merci encore à Mme Denoyelle et à Mme la supérieur de t'avoir acceptée. J'en suis heureuse et fière. Je t'embrasse bien tendrement.

Ta mère.

----- Valenciennes, 15 août 1903

Ma Nette chérie

Enfin, le voilà donc arrivé à bon port ce cher petit être si attendu. tu auras compris ma dépêche sur laquelle j'ai après coup ajouté l'heure pour que tu saches que les cérémonies préliminaires ont été abrégées. Mr. Mariage n'espérait pas que serait même pour la nuit et était allé dehors devant rentré à 9h et demi. Charles à 9h un quart est venu chez moi chercher du champagne et voir si les enfants dormaient. Quant il est entré cela s'était activé. Je dis à Nelly: "Il me semble qu'il serait temps que tu changes de lit". Elle y était y peine que sonnaient les derniers coups de cloche. Je cours chez Louis Patte et lui dis " je vous en prie, courez chez Mr Mauge (?). Je n'avait fait qu'une course et suis rentrée juste à temps. Quand le docteur est arrivé, Monsieur Roger ruchonnait sur les genoux; et à 11 heures Nelly dans son lit, Bébé dans son berceau, je me couchais et les autres aussi. Marthe qui était arrivée à 7h s'était retirée à 9h et demie. Mais une demie heure après je la faisais chercher pour lui présenter son neveu.

Je croyais rêver. Cela a été si différent des autres fois!

Max doit être en partie et Belgique et bien qu'il souhaitait que le baptême soit un dimanche, je crains qu'il ne puisse avoir lieu demain. Charles lui demandera alors lundi et je partirais mardi avec la compagnie de Marthe jusqu'à St Omer. J'ai télégraphié à Seugnot. La procuration est plus que suffisante.

Pauvre marraine! Cela t'est donc bien dur. Ta dépêche nous a émus et comme je l'avais en main, Charles l'a réclamée en disant: C'est à moi. Je t'assure, chérie, que je me mettrai bien en ton lieu et place, non seulement en réalité mais dans mon esprit et que c'est bien en ton nom et non au mien que je parlerai.

Mais que c'est étrange, cette affection qui vous prend le coeur tout à coup pour ces petits êtres encore inconnus quelques heures avant. Quant je l'avais là hier dans mes bras, et que je sentais battre ce petit coeur, que je voyais que je touchais en quelque sorte la vie prendre possession de cet être si fragile, j'étais impressionnément (?) heureuse et je l'aimais déjà si fort. Et je pensais que dans 7 mois, un autre enfant encore voudra commencer à vivre dans mes bras de mère et d'avance je lui envoyais toute ma tendresse, toutes mes bénédictions;

J'ai su par Mr Mariage que Thérèse Malenfer allait sérieusement mieux. Elle a fortifié en 15 jours de plus de 4 livres et maintenant que je t'ai dit cela j'ajoute combien j'avais été soucieuse (?) ce matin. Comme je sortais pour la Messe, le bon Dieu passant et (manque la suite)

----- 1er juin 1904

Ma chérie

Crois-tu encore que je vais avoir un mois de far niente. Je suis loin d'être installée et déjà voici l'imprévu et la besogne. Charles m'écrit que samedi soir on leur renvoie Roger du collège et comme il était rouge, ils le séparent et hier le docteur annonce la scarlatine; elle paraît bénigne 37°9 et pas de mal de gorge, mais à cause de Jeanne on n'ose envoyer les enfants ni à Tilgnes (?) ni à Wiernes (?) et Charles me demande de les prendre avec Mlle. Les conditions ne sont plus les mêmes que l'an dernier où pourtant nous l'avions offert. Donc je n'ai pas hésité: j'ai répondu de suite que, comme Charles me le demandait, je les ramènerai jeudi. Gérard reste pensionnaire au collège. Je ne pense pas que tu aies peur pour Paulette; j'ai hésité pourtant quoi que j'en dise à cause d'elle; mais dans ce cas il faut voir au plus grand besoin et si tu le voulais, à la rigueur, Paulette retournerait avec M&J.

Simone, Monique et Ph n'avaient pas vu Roger depuis le mercredi. Je ne crois pas qu'il y ait imprudence; en tous cas, réponds moi de suite.

Charles va demain à Neuville à l'enterrement de Mme Fauville. Me voici donc en préparatifs de chambre. Hier, à cause du dimanche, nous nous sommes reposées; j'ai seulement fini de déballer ce matin et cette après-midi, tournée de chasse aux araignées. Marie n'aura jamais eu une chambre si nette à son arrivée. On a beau nettoyer au départ, il revient poussières et insectes.

Paulette a retrouvé avec joie (presque) son affreux poupon, et je regrette d'avoir oublié de te parler de l'emballage d'une poupée; pour elle seule, c'eût été un jeu favori, il et vrai qu'elle va avoir des compagnes; elle parle tout le temps de ses "études". Pour les garçons, la plage et encore la plage, le sable et l'eau. Voilà les 48 heures écoulées, avec le sommeil s'entend.

Tu me diras en temps ce qu'il eut convenu pour le retour des garçons: par exemple, je ne les mènerai que pour l'heure la plus proche du train; n'est-il pas mieux qu'il n'aille pas à la maison de Ch. Ils ont demandé de puise par dép. Marie Bretonne et elle est arrivée hier soir déjà.

Allons, ne disons pas comme mon pauvre Charles: "une tuile", mais le bon dieu nous ménage des contretemps à nos projets de repos. Je vais d'ailleurs fort bien. Si tu avais trouvé pour les enfants une occasion qui ne fasse pas aller à St Omer, ceux de Nelly pourraient venir seuls avec Mlle ou avec Tte à Marie à son passage.

J'ai oublié la louche d'argent. Si la malle de Marie ferme suffisamment? On pourrait la lui confier avec mon rond de serviette, pourquoi m'en priver 4 mois pour si peu de poids.

Baisers à tous.

Je vais installer Mlle à la grande chambre. Où seront aussi les trois enfants. J'ai vidé l'armoire aux draps dans celle des garçons pour que la chambre du coin leur soit réservée pour le 13 juillet ainsi que le premier pour toi sans que les St Omer y ait ...

Si tu avais quelque chose à dire ou à faire modifier pour l'arrivée des enfants de Charles, télégraphie moi. Dès la matinée. Je récrirai (?) à Charles ensuite. Je me demandais lequel tait mieux ou qu'ils veinent de suite ou après le départ de Michel et Jacques. C'est ceci qui m'a semblé le mieux. Si je n'ai pas de dépêche demain, je compterai que tu approuves.

----- 13 juin 08

Ma chère Nette

Comme j'ai partagé avec toi et René mes inquiétudes pour Jacques, et comme j'ai été contente de savoir qu'il allait mieux hier et bien aujourd'hui. Un peu maigrir n'est rien pour lui, cela se passera vite, mais comme il faut peu de choses pour déranger un enfant! En outre, j'ai partagé quelques secondes ton saisissement pour la dépêche de René. J'ai jeté un oh! puis j'ai tout de suite compris au ton de ton récit qu'il y avait eu erreur. Oh! le vilain qui n'a pas songé qu'il avait une cheville plus intéressante que celle de l'auto.

Je suis bien heureuse d'avoir pu te rassurer pour Paulette. Je suis absolument convaincue que ce n'est que passager et je te le répète au cas où l'inquiétude te reviendrait.

Michel va toujours bien; il brunit fort et ses sourcils sont maintenant moins foncés que la peau. Il est toujours sage, gai, obéissant... sauf la seconde scène que j'ai eu pour essayer d'un second bain. Il se cachait un peu mais s'était cependant décidé à venir sur moi pour que je déshabille, puis tout à coup - un cri rageur - et je n'ai pu faire tremper que ses pieds; quand après les supplications et les raisonnements j'ai voulu essayer d'une douce violence (!) il s'est littéralement mis en colère en me frappant de plusieurs coups. Je n'ai pas voulu essayer plus et me suis contenté ôtant la chemise de le laver à grande eau de la tête aux pieds. l'eau avait 35°. Alors, j'ai fait prendre le bain à Pierre et lui quand j'ai voulu le faire sortir faisait semblant de ne plus vouloir. Michel riait mais je n'essayerai plus avant ton arrivée.

J'ai une lettre de Charles, qui me demande de renvoyer Pierre demain avec Zoé pour qu'il puisse faire sa composition lundi matin. Je le ferai car d'une part je tiens à ce qu'il voie que j'attache aussi de l'importance aux compositions, puis ce train de 7h21 que les uns disent commencer lundi, les autres le lundi 22 m'effraye quand ce n'est pas régulier (?) comme cela. J'irai un peu plus tard, mes pieds réclament encore le repos d'ailleurs.

Pierre sait sa composition beaucoup mieux que je ne l'aurais cru. Il fait peine quelques changements de mots sur la moitié du petit catéchisme; il apprenti très vite quand il donne son attention et répète des bêtises quand il pense à autre chose. Il a mis une heure à se décider à apprendre une page d'histoire qu'il su très bien en 10 minutes, car il a fallu apprendre ici leçons et compositions. Si décidément Charles et Nelly

(manque la suite)

----- 23 juin 08

Ma Ninette

Je viens d'écrire encore une fois à Mme Schapelynck, qui arrive samedi et que je tâche de recevoir pour le mieux. Elle m'avait demandé divers renseignements. Je suis en retard avec toi. Heureusement, Marie a prévu hier que je n'aurai guère le temps en rentrant de St Omer où une lettre de Charles m'a décidée à aller dès hier. Ce qu'il me disait de retarder n'était que pour moi et il comptait si bien sur ma visite que sans que je l'ai prévenu je l'ai trouvé à la gare. J'avais hésité, je ne puis dire combien, à laisser ici ou à emmener Michel. Je l'ai laissé pour ne pas le faire lever trop tôt, ni traîner dans les trains si je partais plus tard et parce que je pensais avoir peut-être à ramener Simone; mais toute la journée je pensais à lui, tant j'avais peur qu'il lui arrive en mon absence le moindre accroc. Je l'ai retrouvé bien et soupant (?). Marie ne l'avait pas quitté une seconde.

J'ai été contente de savoir au juste comment allait cette pauvre Nelly que j'ai trouvée assez changée. En somme, l'état local est peut-être oins pénible que je ne craignais, mais l'état général est plus mauvais. A ce déplacement se joint une anémie, une fatigue très prononcée. Ainsi, elle ne reste couchée qu'à certaines heures, marche, descend une ou deux fois par jour, mais était à bout de forces pour aller jusqu'au bout de son jardin.

Le traitement jusqu'ici n'est pas pénible et ni Charles ni elle ne m'ont parlé de petite (souligné) opération ni de soutien raide; il y a à penser que Mme D. qui ma dit en avoir parlé au médecin est mieux renseignée qu'eux; et moi j'ai fait comme si ne n'avais pas bien entendu parce qu'on se sert de tiges de laminaires, plante marine qui a la propriété de se dilater extrêmement à la chaleur intérieure, ce qui ne lui occasionne aucune douleur.

Il n'est toutefois pas question de me donner un enfant maintenant. Simone ne la gène pas du tout et pour les vacances, ce qui arrive d'inattendu, c'est que le médecin lui conseille de venir elle-même. Ils viendront donc tous à mi-août; seulement, comme Pierre l'exaspère et comme c'est aussi mauvais pour elle que pour lui, j'ai insisté pour qu'on me l'amène ou envoie sitôt les prix. C'était hier lundi de ducasse et jour férié et congé; les enfants étaient donc là après-midi, j'ai pu juger ce que c'était. Leur bonne s'en va samedi; je l'ai engagée à reprendre Loé jusqu'à leur départ et à n'amener que Maria. Tu sais quels embarras et quels frais m'ont donné l'an dernier la lessive et le repassage. J'en serai quitte ainsi parce qu'on n'en fera que pas ou très peu, et donnerai le linge dehors. Déjà, entre nous, cette malheureuse lessive est toujours la pierre d'achoppement. Elle a toujours duré 4 jours par semaine pour deux séchoirs. J'ai du encore repasser pour être au courant; et hier, sans soupe et avec des bift. Cécile n'a trouvé moyen que de faire une planelle et quatre paire de bas. J'épargne tout ce que je peux et Marie surcharge de 2 jupons, etc. Oh! le ménage! quelle croix! Il y a pour se sauver au couvent. Ne crois

(la suite manque)

----- 5 juin 1914

Ma chère Nette

J'espérais à peine un mot de toi ce matin et j'étais pourtant bien désireuse de savoir si les chers garçons étaient rentrés à bon port. Ils avaient l'air ravis et bien soignés par leur oncle Lucien sur le quai de St Omer. Je ne pouvais dire là grand chose à Michel, et je suppose que tu es assez curieuse de savoir le vrai mot de ma visite. Oh là là que j'ai donc bien fait d'aller jusque là! et comment aurais-je affronté Nelly si j'étais restée à Calais. En voyant Charles, j'ai craint un malheur quelconque tant il était blanc et défait. Non, il y a avait seulement que je n'étais pas arrivée du matin. Puis, Nelly qui avait été touchée et contente de mon acceptation si rapide pour la venue des enfants s'était décidée à ne pas les donner parce que j'avais Paulette (ce que Charles avait su à Neuville, qu'il avait du savoir à Val. ainsi mais à quoi on n'avait pas songé. Enfin, ce qui était une meilleure raison, Monique est encore couchée depuis 3 jours de sa fièvre d'estomac, tandis que Gérard a un peu mal à la gorge. Tout cela me fut dit de suite par Charles, si visiblement effrayé de la réception qui m'attendait. J'arrive après, pour perdre moins de temps, avoir conduit en voiture les enfants chez Mr Lucien. Nelly était d'une pâleur effrayante; même un peu plus tard, sa mine bien qu'un peu revenue, est fort triste. Et tout de suite me dit qu'elle n'a rien apprêté, que les enfants ne partent pas pour les raisons ci-dessus, d'abord. Pour Paulette, j'avais réponse heureusement; j'ai dit que je t'avais prévenue en te disant que, dans ce cas, c'était eux avant toi et que si tu avais peur de me prévenir de suite que Paulette retournerait avec Michel et Jacques. Cela a changé alors tout à fait. J'ai ajouté que tu ne m'avais même pas répondu au sujet de Paulette et avais seulement trouvé comme moi qu'il était inutile (souligné) que M&J aillent dans dans la maison; donc, pour Paulette, cela ne "les regardait pas" en rien et que leur responsabilité et la mienne était dégagée. Alors, on a trouvé que tout de même, il était plus sage de suivre l'avis du médecin, lequel venait de venir et conseillait de les garder une huitaine après le début de Roger parce que l'incubation, si elle avait eu lieu, ne durait que 6 jours, ils avaient plus de chances de ne pas être malades ici. Cela, c'est juste, à condition que ce ne soit pas cela à Gérard ce qu'il y a lieu de croire.

Je suis montée voir Monique qui aujourd'hui savait rester assise dans son lit mais tout juste; la porte de Gérard était ouverte; il dansait dans son lit en m'appelant mais son père n'a pas voulu que j'approche; plus tard, comme je faisais le tour du jardin, il était aller ouvrir la fenêtre; il n'a ni fièvre, ni rien que ce petit mal de gorge. Roger tout habillé court dans sa chambre et le docteur se demande si c'est cela. D'abord parce qu'il n'a eu ni fièvre ni mal de gorge, ensuite parce que cela le démangeait et que la scarlatine ne démange pas. On continue toutes les précautions prises pour Pierre.

Bref, si tout va bien, il est probable maintenant que les rois petits arriveront jeudi prochain. Tu as encore le temps de réfléchir pour Paulette. J'ai proposé à Nelly de devance le 13 jt et de venir rejoindre les enfants quand Roger serait guéri, laissant Gérard jusqu'au prix, le 22, en pension ou avec Charles. Pierre ne sort que le 27. Mais j'ai ajouté que, elle partant le 18 août, les collégiens resteraient car je trouvais que ceux qui ne pouvait devancer la saison devaient de part et d'autres avoir les vacances entières. Tout cela a été accepté avec un visible plaisir; et quand je suis partie avec Charles, j'ai pu voir que toute son appréhension envolée, il avait repris bonne mine.

Faut-il se faire toujours ami des misères quand on sait quelle bonne volonté il y a à faire plaisir! Enfin, Nelly est certainement assez souffrante pour que cela explique et excuse bien des impressions, mais on n'ose aller franchement, et c'est parfois pénible. Charles m'a dit, sur ma demande, qu'elle ne voulait pas dire ce qu'elle avait, mais que cela n'avait rien de grave.

Paulette m'apporte sa lettre toute faite; je lui ai signalé quelques unes de ses fautes, qu'elle est empressée d'aller corriger. Elle a enfin eu de moi ce matin la permission de faire des devoirs. Quel ardeur à l'étude et qu'elle est avancée. C'est encore pis ou mieux que ses frères.

Je n'irai pas chercher Marie demain samedi au train du Jeudi (?). J'espère qu'il se sera bien trouve l'un de vous pour lui monter son erreur. En changeant aux Fontinettes, elle peut être ici à 17h 7, pas avant. Quelle voyageuse elle fait!!

Je te remercie de lui avoir parlé de nos (?) pratiques mais ton idée de me donner à dont (,) la villa a besoin m'avait plu aussi et j'ai une liste à chaix. Je t'admire, mais vraiment comme d'un acte héroïque certains soins que tu prends d'elle. Elle ne l'apprécie probablement pas à sa valeur mais le bon Dieu est ta mère l'apprécient pour elle.

Je donnerai les images.

Je viens de ranger jusqu'au 13 juillet les affaires de mes garçons. Les chéris, qu'ils ont été gentils. Mais jerseys et culottes sont trouées, qu'est-ce qu'il faut en faire ?

Allons, au revoir. Je vais faire ma visite à Mr le Curé et lui présenter sa nouvelle petite pénitente. Elle me câline avec effusion. Je joins quelques uns de ses doux baisers aux miens pour vous car c'est à vous qu'elle voudrait les donner.

Ta maman.

J'ai reçu le Valenciennois et vous en remercie mais vraiment il me sera bon de le recevoir directement et régulièrement. Merci toujours!

----- Dimanche 7 juin 14

Ma chère Nette,

Eh que faire un dimanche à moins que l'on n'écrive? Donc je reçois ta lettre et de suite j'y réponds. Si, si, j'ai bien reçu celle contenant le mot d'arrivée au crayon et je sais qu'en commençant l'autre c'est surtout de ce mot que je voulais te remercier, ne l'espérant pas; et ma pensée aura dévié.

Pour le Valenciennois, en le voyant arriver ces jours-ci, j'avais presque le regret d'avoir écrit; je reçois seulement aujourd'hui le 1er numéro direct, il fait suite aux vôtres; mais, tu sais, je m'étais toujours dit qu'arrivant le soir chez vous, je ne pouvais l'avoir que le surlendemain et cela me fait plaisir de compter sur le journal, et pour lui, et pour le passage du facteur, et pour les nouvelles fraîches tous les jours; mais puisque me faire plaisir t'est si agréable et que les préparatifs sont faits, si tu veux m'envoyer soit la Dépêche, soit L'Echo de Paris, cela pourra n'être pas exact et cela me sera bien utile, l'un ou l'autre, celui qui vous arrangera le mieux. J'aimerais bien que tu m'envoies la Semaine de Cambrai qui si il y a un intérêt quelconque. N'envoie pas la France illustre, et mets les correspondances pour la future malle de M & J.

Pour la bibliothèque roulante, en question, je suppose que ce n'est pas à commencer avant le 1er janvier?

Je compte aller aujourd'hui si le temps se remonte à Maghétra et je reçois un mot d'Edouard m'invitant à la pris d'habit de Françoise pour le vendredi 19 juin. Je compte bien y allier; mais j'y pense, Maman ne sera-t-elle pas désireuse d'y venir - sera-t-elle en état de faire ce voyage? Si oui, logerait-elle ici ou à Maguétra. Je suis à sa disposition, tu feras pour le mieux.

J'étais loin de penser à donner les chandails, mais à les remailler. Je n'hésiterais pas si mes yeux me le permettaient encore. Je trouverai peut-être à le faire faire. J'ai déjà regretté ce matin de n'avoir pas une chaussure de pluie pour Paulette. Les chemins étaient trempés de la nuit; pour la messe, j'ai du mettre des caoutchoucs sur des bottines blanches; mais les dit caoutchoucs sont bien mauvais, faudra-t-il en acheter alors qu'elle a chez nous des chaussures cuir convenables (nous en reparlerons pour le voyage du 13 juillet (?)) ; on ne les met pas souvent, mais on ne peut plus la dispenser de la messe parce qu'il pleut. J'ai été avec elle chez Mr le Curé lui montrer une future petite pénitente. Marie (qui est bien arrivée à 11h7) lui a trouvé une mine superbe et elle partage ses caresses entre Marie et moi.

6h. Je reviens de Maguetra. Oui, Maman est invitée et il leur semble qu'elle est bien en état de venir. Je le crois aussi, pourvu que ce ne soit pas seule. J'ai parlé du coucher; ils se demandaient si elle serait mieux dans une chambre près de la Visitation (!) que chez eux. Cela, je n'aimerais pas et trouve qu'elle sera mieux ici avec son compagnon ou compagne de voyage. Je n'ai pas voulu demander s'ils avaient invité quelqu'un avec elle; mais il me semble qu'Agnès serait toute désignée. Pour la cérémonie, on pourrait s'entendre avec les Maheux qui y vont et Mr le Curé pour louer ensemble l'Auto de Forceoli qui n'est d'ailleurs pas très cher. On déjeunera chez les Edouard à 11h et on reviendra chacun comme on voudra par les tram, qu'on ne peut prendre le matin, le premier partant à 8h. Avec l'auto, on aura facilement le temps de déjeuner chez soi. Dis tout cela à Maman; et que je serai heureuse qu'elle se décide. Marie Edouard paraissait bien aujourd'hui. Marcelle (?) est à Rinxent où on a fait un récurage quelconque; je n'ai pas de détails; mais il faudrait obtenir de Germaine qu'elle restât couchée.

Les Henri Leroy sont venus en mon absence. Je ne pouvais reculer davantage ma visite à Maghétra. Merci de tout. Quelle provision odorante; C'est bon d'avoir des fruits de son pays; merci des petits objets. Je retrouve ma main avec mon porte plume.

Envoie 5 Fr pour moi à l'abbé Cortigny. Je souffre de ne pas être plus généreuse mais il le faut bien; j'étais presque triste hier de voir encore les frais se succéder, syphon d'eau crevé, broc cassé, etc. Les deux bouts qui ne veulent pas se joindre me tiennent tout le temps en haleine.

On travaille en enlever les galets sur la barre qui reste souvent sec de l'autre côté du Wimereux. Cela doit servir à faire la digue promenade et en même temps au redressement du Wimereux, doublé de largeur en ce moment, ici en face, tant on a fait, à Pâques sans doute, de gués pour le traverser, ce qui aboutit à en faire un étang, hélas marécageux.

Si Maman vient tâche de savoir si elle aimerait mieux coucher à la chambre au dessus de la cuisine ou que le lui cède la mienne où le lit serait meilleur.

Et Namur? Nos matelas et les tapisserie? Les matelas ont très besoin d'être faits et j'ai peur des mites; les tapisseries, c'est triste de laisser nos chambres ainsi, et cependant cette menace de scarlatine m'arrête encore. Que ferais-tu? Je ne sais rien de St Omer depuis ma visite.

8 juin. Un triste St Médard. Averses entrecoupées de soleil et baromètre très bas.

Bonne chance aux enfants pour leur composition. Je suis bien contente que tu les aies trouvés bien, et que mon effort pour arriver le samedi ait réussi pour eux; mais, sois tranquille, il a réussi aussi pour moi et je suis bien mieux qu'il y a 15 jours.

Allons, au revoir. Tu vois que je ne sais pas retenir ma plume.

Baisers à René, aux petits et à toi.

Ta maman.

----- Mercredi 10 juin 14

Je suis fort contente, ma chère Nette, de la lettre de Charles reçue ce matin et je me hâte de te le dire. Le médecin dit de plus en plus que ce n'était pas la scarlatine. Roger ne se relance (?) pas du tout; Gérard, ce n'était rien, il est en classe, et les trois enfants arriveront demain et Nelly les amènera probablement elle-même. Je suis bien aise d'abord pour Paulette, car il me serait toujours resté une crainte de contagion; pour les autres qui ne risquent pas de l'avoir ici, et contente du bien que j'espère cela va leur faire à tous : bon air aux enfants, repos à Nelly.

Il n'y a que Marie qui fait carrément la grimace, sensé par intérêt pour mon repos mais assurément pour le sien d'abord; enfin la villa est faite pour les enfants et les grands-mères aussi.

Et notre jolie Paulette a perdu sa 1ere dent! Et chaque fois que son sourire me découvre la petite place vide, j'ai presque un crève-coeur. Ce qu'il y a de pis, c'est que je puis mettre la petite perle dans ma collection. Hier matin, en s'éveillant, elle la cherche (pour s'amuser à la faire balancer), plus de dent. je l'ai cherché aussi, non dans sa bouche, mais dans son lit et ailleurs, après un nettoyage interne, pas de dent. Qu'y faire ? Laisser pousser l'autre, c'est ce qui se fait , car elle est bien percée.

Quant à sa voix, je m'étais proposée d'aller aujourd'hui voir le docteur de Cazeneuve mais elle n'a pas eu depuis longtemps la voix aussi nette alors qu'elle était bien enrouée il y a 8 jours; alors, si c'est la mer qui lui fait bien, il me semble prématuré de consulter et qu'on peut au moins attendre un peu. en revanche, ne m'as tu pas dit de montrer sa dent gâtée; est-ce pressé?

1h. Ce matin, Marie est allée avec elle s'amuser au bord de la mer à deux pas des Valdelaine. Probablement, ce qu'elle voulait est arrivé; Mme Valdelaine l'a abordée, a demandé que Paulette joue avec ses petits enfants et a fait asseoir Marie dans sa tente. Et puy qui fuit toutes relations, j'aurai l'air d'une sauvage.

4h. Je finis ma lettre en courant. Tante Marie m'attend. Je vais remercier G. Leroy de son paquet et faire un tour de ce côté de la plage, mais j'aime que toi et René soyez raseurs pour la scarlatine.

Convenons que si nous nous croisions je t'écrirais la première. Tu dois avoir bien à faire. Les bonnes en sortent-elles bien Et les compositions?

Baisers à tous mes chéris.

Votre mère

Une des petites lettres de Paulette à moi pour que tu voies son écriture.

----- 12 juin 1914

En note en haut de la lettre :" Cette fois, voilà une lettre à conserver dans tes consultations"

Ma Nette chérie,

Je t'ai écrit tantôt en courant un mot de Boulogne, petit mot qui t'aura fait plus de plaisir que bien des grandes lettres; mais j'était si contente, je savais que tu le serais tant que je n'aurais pas su attendre pour te crie la joie à travers l'espace. Et demain matin, je vais me dire: "Elle a ma carte". Maintenant, quelques détails de plus.

D'abord de me suis décidée à aller maintenant voire le docteur alors que jeux jours avant je t'écrivais que je n'irai pas parce que une journée de jeux en compagnie d'autres enfants avait suffi pour érailler de nouveau la voix de notre chérie. Et puis je savais qu'ainsi tu n'aurais pas l'attente anxieuse d'une consultation.

Pour mon compte, j'étais toute angoissée en entrant, et Paulette à pâli à l'arrivée dans la salle d'attente; mais un livre a suffi pour la remettre d'aplomb. J'ai d'abord décliné ma surdité et mon nom et pour te montrer mon embarras, j'ai d'abord appelé Paulette : Anne Marie et n'ai pas pensé à dire qu'elle était "Lefebvre" et non Boulan; il inscrit cela dans un (?) pour les renseignements à venir. Comme ces questions ont passé par Paulette il a entendu sa voix, m'a demandé quelques renseignements sur ses frères et soeurs. j'ai parlé de sa tante Germaine enrouée, etc. Il m'a demandé si elle tenait la bouche ouverte dans la journée ou en dormant; je l'avais surveillée, j'ai pu dire oui et non, par moments. Alors il examiné la gorge, le larynx, le nez, tâté la gorge et finalement m'a déclaré qu'aucune opération n'était indiquée, que cela durerait certainement plusieurs années mais se passerait alors complètement très probablement, qu'il n'y a avait que très peu de granulations nasales et que la seule chose à faire c'était d'empêcher toute fatigue du larynx, modérer la parole "et il est probable qu'elle est une petite parleuse" empêcher les cris et absolument le chant. Comme remède: chaque matin 1 c à dessert de sirop de raifort codé 125 g matin et soir, étant couchée, introduction dans chaque narine 2 g de "essence de thym 10c hile de vent. ster 25 g" (je ne sais pas bien lire) et 3o séjour à la mer indiqué! Vive Ste Anne.

J'avais dit d'ailleurs que je le consultais d'abord pour savoir si la mer lui était utile; ensuite par ce que tu avais la frayeur de l'opération et que tu ne voulais pas consulter notre spécialiste à Valenciennes, qui semblait en abuser.

Revenant là-dessus après un examen, il m'a encore répété qu'il n'y avait lieu à aucune opération et que le docteur B. était bien connu pour abuse de la chirurgie. Il a même ajouté qu'il n'y a avait pas lieu à consulter, même si cela continuait, à ce seul cas près: si sa respiration n'était plus normale; ce à quoi j'ai répondu que le médecin de la famille qui était un ami s'en assurerait s'il y avait lieu.

Et pour satisfaire ta curiosité, j'ajoute que cette grande satisfaction n'a coûté que 10 Fr.

Enfin il a ajouté qu'il n'avait encore jamais (souligné) une enfant se laisser faire et tout montrer aussi bien. Je te réponds qu'en plus il a du voir ses beaux yeux. Qu'elle était donc jolie aujourd'hui! Tout le salon l'admirait visiblement.

Maintenant, juges-tu que je lui fasse de suite ce petit traitement. Je te fais remarquer que la dose (125 g) n'indique pas qu'il doit être prolongé, ce qu'il n'a pas dit: Paulette me demandait dès ce soir si je ne lui mettais pas ses gouttes. tu comprends que je ne les avais pas.

Après notre action de grâces à la cathédrale, je l'avais fait goûter, puis divers achats aux Galeries; j'étais si contente que je l'ai un peu gâtée: beau papier à lettre, ouvrage: un sac de nini (?), mais comme J&M réclamaient le leur, j'ai trouvé qu'on le ferait à trois qu'on l'offrirait à Mlle pour sa fête. "Anne marie, comme toi" etc.

J'ai donné à Pierre ce race (?); la montre de Michel et il m'en a rendu une autre qu'il a depuis longtemps et qui doit être aussi à Michel.

A propos de Michel, sa carte, est-ce la même oeuvre que celle de l'Abbé Cartigny. si oui, c'est tout (?) indiqué. Si non, je les donnerai bien en plus en actions de grâces.

Tu sais que Jules vient. Si tu n'as pas peur qu'il nous apporte la scarlatine, invite le de ma part; nous irons ensemble à Boulogne. Il couchera à la chambre du second. Donne lui une (?) de caoutchouc pour Paulette, cela sera très suffisant. Pour des courses comme celle d'aujourd'hui, ses bottines blanches sont tout à fait bien, et pour l'église aussi. Il n'y a que pour la pluie que j'étais gênée.

Son manteau rouge serait bien mieux s'il avait une martingale et j'ai pensé qu'on aurait pu la faire comme la doublure du capuchon. si tu es de mon avis, cherche le petit morceau qui est resté. J'assortirai un dessous et cela rajeunira les manteaux. Ce serait encore à remettre à Jules.

Nelly a été d'une humeur gaie et toute en train hier, pas trop mauvaise mine; elle a été contente de l'installation des enfants au second et je crois bien que le 2er restera pour M&J mais je n'ai pas voulu en parler avant d'avoir tâté et réfléchi. J'espère que cela ira bien avec Mlle. Figure toi que si M&J ont grandi de 3cm depuis septembre, Paulette 3 et demi, Monique et Philippe ont grandi de 5 et Simone de 5, de sorte que, de la taille de Michel en septembre, elle le dépasse de 3c; mais en revanche, elles sont bien maigres. Je crois que Charles et Nelly viendront passe un dimanche, mais ils ne comptent pas venir avant le 13 juillet. Pour toi, c'est dit et bien décidé le 18 août et je n'ose penser que cela fait encore plus de deux mois avant de te voir! Dans un mois, j'attendrai mes collégiens qui seront à la veille des prix. Comment cela va-t-il? Leurs compositions.

Allons, bonsoir ma Nette. Mais j'attendrai le passage du facteur pour mettre ma lettre à la poste.

Demain, nous étrennons pour Tante Germaine le beau papier à lettres.

----- Lundi 15 juin

Ma chère Nette

Tu as déjà par mon récit de la consultation la réponse à toute la première partie de ta lettre et tu as pu voir dans sa lettre à Germaine que Paulette a été très fière du compliment du docteur.

En effet pas plus le maintien de la langue par les doigts dans une serviette ni le petit miroir dans le fond de la gorge, ni les cornets dans le nez ne l'ont fait même grimacer. elle aurait joué avec la même bonne humeur. Je t'envoie par curiosité la carte qu'il (le docteur) m'a répondu, car je crois bien qu'il avait du comprendre qu'elle s'appelait Boulan et j'avais craint que par la suite si tu le revois, cela donne lieu à recherches. Il est très bien d'aspect.

J'espère que tu me donneras des nouvelles de Maman. Je lui écrirai dans quelques jours. Je crois fort que j'aurai de la peine à en sortir de l'ouvrage; du moins faut-il que je fasse largement la femme de chambre; même en donnant de la lessive dehors, cela n'empêche pas Charline d'avoir cuisine et vaisselle de 8 personnes et la propreté de toute la maison à entretenir. Puis ces régimes différents compliquent. Toujours deux légumes et le soir si nous soupons tous ensemble, Marie mange de préférence des oeufs et des légumes, pas de pommes de terre. Bien que je lui aie lu l'article du Valenciennois sur les pommes de terre qui les donne comme très hygiéniques, Monique pas de viande jamais ni oeufs; enfin Charline n'est pas au beau fixe; et je crois bien que le découragement viendrait vite. Elle est, il faut l'avouer, bien seule. Tu ne m'as pas répondu ce que tu penses de sa soeur. J'avais pensé de te demander d'écrire au médecin ou au curé de Douchy pour savoir ce qu'a eu exactement le petit. Si c'était une fièvre contagieuse, muqueuse par exemple, je ne songerai pas à la faire venir. Sinon, je crois que je m'y déciderai. Dis m'en ton avis.

Roger n'a décidément pas eu la scarlatine; il est allé hier à la Messe et le médecin dit qu'il le mettrait sans crainte avec ses enfants. Ch & N viendront passer la journée dimanche.

Il me semble que tu as bien compris le sac et voici où sont les anneaux (petit croquis) sur la fronce du bâton. Tu vois que j'ai effacé 4.

J'écris à Jules pour l'inviter à coucher, et je joins encore une liste de quelques objets à ajouter.

1. De la corde à lessive, c'est si tu veux bien une pelote de ficelle à balots, la grosse,

2. des boutons d'os (6) pour mettre aux corsets, avec culots. J'ai acheta un (?) aux Galeries 2.75 et les boutons en pouce (?) blanche sous font (?) plats en dessous, la culotte se défait.

3. les caoutchoucs de Paulette demandés déjà

4. le Correspondant

5. pourrais tu me faire pour le vieux corset deux pattes d'épaule. Je le regarderai il ira encore bien. Modèle de la patte inclus

6. Je croyais que tu devais me donner la chaîne à médailles de Paulette. Je n'ai pour elle pas le plus petit bijou. J'espère bien qu'il n'y a rien de perdu.

7. L'étoffe pour martingale et d'ailleurs ce que j'ai pu déjà te demander si je l'oublie maintenant.

8. J'ai reçu quoi que je t'en avais dit la France illustrée et dans un état qui m'ôte tout plaisir à la regarder. Ne me l'envoie jamais (souligné) par la poste. Ce n'est plus qu'un chiffon.

9. Les dep. de France de classe de Paulette, pour étudier les (?)

Pour la toilette, je ne sais que dire; il y a encore si peu de monde et de toilettes que je ne saurais faire (?) mais cette jupe là me paraît cher pour l'effet. En chapeau, j'ai vu les plus chics (souligné) en soie blanche satin, taffetas, ottoman. Une dame qui me plaît a exactement le tien de toujours avec le tour blanc au lieu de noir. Celui-là en remplaçant le fond serait b bien; il s'en fait aussi fond en piqué blanc.

Pour Cuvelier, il fallait payer, mais j'ai déjà payer Delsaux 1913. Qu'est ce que celle là ? Ordinairement, il ne l'envoie que fin d'année.

Enfin merci de tous les bons souhaits dont tous m'ont été au coeur, les tiens si fervents, ceux de René si sincères, ceux de Michel et Jacques si touchants et le dessin d'Antoine, est-ce la villa qu'il représente? Un gros baiser à tous et aux deux petits.

Paulette est très d'accord avec S.M.P. (NDLR: Simone, Monique, Pierre, je pense) qui émerveillent Marie par leur sagesse. On s'amuse de tout coeur et sur le sable et dans l'eau.

Ma dernière lettre a du t'arriver pas cachetée. Paulette, dans sa joie de remettre elle-même au facteur celle à Tante Germaine, a pris la mienne avec et 1/2 h après quand je l'ai cherchée pour l'achever, elle tait loin.

Mardi. Comme il n'y avait rien de pressant à ma lettre, j'ai attendu la venue du facteur de ce matin.

Tu ne m'as pas dit si tu désirais que je fasse de traitement de Paulette, mais comme elle est plus enrouée que jamais je vais le commencer.

Comme elle est studieuse! en revenant de la Messe, je la trouve à son devoir, elle s'y remet d'elle même après déjeuner, fait à peine une faute de français ou de calcul et avec un plaisir évident. S et M et Ph travaillent à leur chambre avec Mlle jusque vers 10h1/2. Paulette dort bien, mange bien et le reste passable mais suffisant et j'y soigne.

Allons, au revoir. Je devrais raccourcir mais il me semble que tout t'intéresse.

Baisers à toi et tous.

Ta maman

Je pense aux compositions aujourd'hui

----- Samedi 20 juin 14

Ma chère Nette

J'invite Paulette, je t'écris, c'est trop tentant, et pourtant ma corbeille s'emplit. Points à ceci, points à cela, ménage, promenades n'avancent guère la couture. J'avais si bien projeté de faire ta blouse et de te l'envoyer par Jules; elle n'est pas encore dépliée. La robe (bulgare) de Paulette est à franges. Mes bas, à jours (trous) et tabliers de Ch. rideau etc. etc. n'ont encore rein d'arrangé, mais tant pis, ce matin, j'écris. Ecrire c'est cause et j'ai besoin de causer. Toute la maison va aller à la cabine. Je serai peut-être tranquille un moment. Il n'y a pourtant rien d'important, loin de là, il n'est pas possible le qu'il n'arrive pas de petites misères, mais, on est comme cela, on voudrait toujours voir son chemin sans obstacles et c'est perdre son temps que de vouloir les supprimer quand il ne faut que les tourner ou les passer.

Hier, quand je suis rentrée à 2h et demie, de la prise d'habit, me pressant, car je me disais qu'en mon absence une simple coupure mettrait toute la maison en échec, j'ai reçu comme premier avis de Charline; "On n'a pas été sage"; de Melle, à mon : qu'est-ce qu'il y a eu ? la réponse: "C'est un peu la faute de Melle (Maries) et du faire le juge d'instruction et ma petite enquête. Du bruit pour rien d'ailleurs. Mlle était partie à la poste un peu avant midi avec Sc Ph. Sans attendre midi, Marie se fait servir sa soupe, commence à dîner avec M. et Paulette puis, la soupe mangée, les envoie jouer au jardin. Elles vont voir si Zette est rentrée. Zette était dans son jardin. On fait entrer les enfants; et quand Melle est arrivée, elle les cherche partout sans les trouver; son inquiétude doublée peut-être par l'ennui du dîner commencé, affront pour elle, fait qu'elle a grondé sévèrement, mais avec calme d'ailleurs. Seulement, après le dîner, nouvelles escapades dans la dune sans prévenir. J'ai donné commue punition écrire 5 fois: "Il est défendu, etc. A Paulette, cela a servi de devoirs; et j'ai inauguré (?) des notes comme à Jeanne d'Arc qu'on montrera aux parents et cela a paru fort toucher. A nous, cela nous évitera d'accuser.

Charline, elle, est toujours la même, travaillant beaucoup, mais rechignant au premier mot; si bien que Jules, qui lui avait donne sa gratification et qui lui dit au revoir sans qu'elle daigne lever la tête m'a dit: C'est une bonne fille, mais bien timide...!

Marie, je ne t'en parle pas. Ses minuties, sa bonne volonté portant faux, etc. mettent trop souvent ma patience à l'épreuve; cela prouve que je n'ai guère de vertu et pas autre chose.

Melle soigne bien les enfants et j'en suis satisfaite comme rapports; elle paraît très contente de ma manière d'être avec elle et les enfants.

Paulette enfin, la chérie, est bien facile et je n'ai qu'à m'en féliciter. Je t'envoie sa lettre, je n'ai pas voulu qu'elle fit de brouillon mais je lui ai montré ses quelques fautes qu'elle a corrigées elle-même. Elle fait ses devoirs pendant que je range les chambres et je n'ai jusqu'ici que corrigé et fait réciter. Quelle mémoire! Elle est stupéfiante.

J'ai eu avec joie le panier, et toutes les petites affaires qui m'annoncent les enfants. J'ai fait une provision d'oseille, ce sera une ressource bien utile. Merci à Bavay de l'avoir cueillie.

----- 23 juin (1914 je suppose)

Ma chère fille

Je t'envoie ce que j'ai fait pour garder à Jacques un souvenir particulier de sa première communion solennelle. J'avais d'abord mis, pour finir, la variante que je t'envoie aussi, mais j'ai cru qu'elle était moins dans la vérité. Comme je n'ai pas entendu ce qu'a dit l'abbé Ruffen et seulement ce que tu m'en as rapporté, tu en jugeras. Je sais bien que ce n'est pas sans défaut et que je modifierai encore sans doute plus d'une fois, mais je pense que ces ... te feront plaisir à lire. Ils sont vrais et pensés sincèrement. C'est déjà quelque chose.

Le pauvre chéri a donc ainsi petite mine. Composition sans doute encore ce matin pour tous deux. Je pense à eux et tâche de les soutenir de ma prière. Puis, que je les attends volontiers avant ou après les prix! La difficulté de venir à deux côtés: le prix (je ne dis pas les prix) et l'accompagnateur. Pour venir vers le 1er si nos nous décidions à faire battre le matelas et tapisser, tu pourrais l'arranger avec Namur; moi, je suis toute prête et ne demande pas mieux. Alors pour le retour, il y aurait à garder Marie jusqu'au 11 (je le ferai tout de même si cela t'arrange); mais c'est long pour moi et je ne sais pas encore au juste si Nelly ne me devancera pas; ils viendront dimanche et je tâcherai de faire fixer l'arrivée qu'elle m'a dit "le 13 sans doute". Si c'est le 13, René ne pourrait-il conduire les garçons jusqu'à St Omer. Et puis pourquoi ne viendrait-il pas jusqu'ici et rester le 14. J ferai un arrangement quelconque de coucher. Enfin, il y aura certainement le 14 une chance de trouver un valenciennois et l'an dernier, nous avons, le soir des prix, fait route avec plusieurs professeurs au moins jusqu'à Lille.

Je te cite toutes ces idées, choisis avec les tiennes. Je puis aussi aller au devant d'eux jusqu'à Calais à quelque jour que ce soit.

Ta lettre ne contenait pas d'éch. Je suppose que c'est à cause du poids. Pour ta robe j'ai remarqué en effet que c'était très à la mode, des élégantes aux petites filles de l'école, tout le monde en a. (mais le cher est toujours le tout blanc). Avec cela tu pourras peut-être mettre ta jacquette noire si elle n'est pas trop démodée; il est probable que je n'aurai le temps d'y rien faire. Je verrai le prix des souliers mais cela ne me semble pas trop cher. N'achète rien pour Antoine, Paulette n'entre plus dans ceux de l'an dernier; mais les blanches montantes sont parfaites. Pas besoin de lui apporter de plus belles robes; elle en est déjà trop (rayé) très riche et vous m'étonnez toi et Charles en parler de la chaleur; on ne saurait être sur la place en linge alors qu'on endure manteau constamment.

Félicitations pour l'album de photos. L'idée du parasol me sourit fort. C'est mon abri de prédilection et ne trouvant pas à faire recouvrir l'autre, j'avais pensé à le faire moi-même. Mais les baleines sont fort rouillées. Seulement gardez-vous bien d'acheter une toile, cela c'est inutile et l'ancienne est comme neuve. Pour ta gouverne, le vieux avait 1 m long. des baleines.

J'ai eu les larmes dans les yeux en lisant ton récit de la procession. Que le bon Dieu bénisse les petits Dubois. J'avais sorti l'autre jour un article de Mr Béchaud dans le Correspondant; te l'ai-je montré. Ce que m'a dit le Père a été un événement spirituel pour moi, je l'en remercierai volontiers. C'est beau de ne semer que le bien et la consolation.

Les enfants devront garder un bien bon souvenir de leurs professeurs. Tant mieux si Antoine retrouve ce bon Mr Bernard.

Je crois que je me déciderai à prendre Denise (!. Une dizaine du 1er au 11 juillet. Pourtant Charline en sort à peu près. J'ai donné plus de lessive dehors et sa cuisine va bien. quant je lui en ai parlé ce matin elle m'a dit que sa soeur lui avait promis de ne pas disputer avec elle, si je la faisais venir.

Au revoir, ma chérie, à quand avec toi? 2 mois encore. Cela me réussit encore. Je suis vraiment mieux qu'il y a un mois.

Ta mère

J'ai reçu un mot de Marie Maryanne toujours aimable. C'était la grippe. Cela donne-t-il crainte à contagion?

----- Mercredi 24 (je suppose, juin 14)

Ma chérie

Je reçois ta lettre. Tu peux penser si elle m'émeut. J'ai eu le désir de la voir tous ces jours-ci mais ce n'était pas à faire. Je compte sur ta promesse de me tenir exactement au courant, et je me tiendrai sur les qui-vive. En cas d'appel, je partirai au premier train possible, en emmenant Paulette (nota: ces deux derniers mots soulignés), à moins que tu ne m'écrives de la laisser ici. Franchement, j'aime mieux pas, je puis être tranquille pour les autres de qui Mlle a la responsabilité, pas de Paulette. Je préviens d'ailleurs Charles que je pourrais être appelée et de ce que je ferai. Nelly pourrait venir.

Au même courrier, Charles me disait de son côté que Marthe allait moins bien, augmentation de faiblesse et de fièvre.

Triste courrier.

La fin de ta lettre me met cependant du baume dans le coeur, mais je ne saurais pas ne pas rester inquiète; je l'étais déjà depuis 10 jours.

Mes baisers à tous.

Ta maman.

----- 6 novembre 1915

Mon cher René,

Je disais tantôt à Anne-Marie quelques unes des réflexions que me faisaient faire les circonstances actuelles et elle m'engage à te les écrire directement. J'espère que je saurai te les dire suffisamment bien que ma tête soit si fatiguée. Depuis quelques jours que j'ai vertiges sur vertiges.

Donc, de toutes tes démarches, il ressort qui si tu as été si bien reçu et pistonné partout, c'est que tu es précédé d'une réputation d'homme intelligent, actif, au fait des affaires de bien des genres et que par suite tu trouveras sinon du jour au lendemain mais dans un temps donné une situation satisfaisante pour le présent et qui peut être un tremplin pour l'avenir. Car, il ne s'agit pas seulement de vivre maintenant puisqu'à la rigueur nous passerions bien encore un bon petit moment comme nous le faisons. Mes rentes personnelles bien bornées au côté de Charles sont plus que suffisantes pour moi pour notre train économique actuel. Et je puis même faire un certain temps l'appoint de votre allocation. Donc voyons surtout l'avenir.

Que sera devenu la teinturerie et les affaires après la guerre. Il y a chance pour que l'usine reste debout mais il y aura inévitablement une foule de réparations à faire; avec quel capital? Sur quoi s'appuiera ton crédit? Comment recouvrera-t-on celui déjà lourd resté en cours.

Pour les marchandises, ou bien elles ont été réquisitionnées ou bien elles doivent être écoulées. Je n'imagine pas que à court de tout comme on doit l'être on ait regardé à une teinture plus ou moins foncée ou solide. De toutes façons, il me semble qu'aucun moment ne saurait être mieux choisi pour liquider si on en a le désir. Les marchandises réquisitionnées seront assure-t-on payées, celles vendues doivent l'être aussi et probablement si Bara a reçu de l'argent, Jules l'aura fait mettre à ton compte à la banque D. De ce côté, ce serait un bien et te laisser libre de modifier ta route si tu le jugeais bon.

Je verrais donc comme une permission providentielle que tu trouves à Paris ou ailleurs une situation qui t'ouvre une nouvelle riyte et dans ces conditions les appointements momentanés sont moins à voir que la suite, en quoi la place peut apporter soit par elle -même, soit en te permettant d'en trouver une taure à Paris même ou peut-être en province.

Certes, je n'écris pas cela sans une certaine émotion (?). C'est peut-être abandonner Valenciennes, vous voir au loin, etc. mais les sentiments ne peuvent bien souvent avoir voix dominante. Puis, il y a l'avenir des enfants. Enfin fais pour le mieux en raisonnant à fond tout cela que je ne fais qu'ébaucher mais que tu as déjà creusé je n'en doute pas. Je ne suis pas fâchée que tu saches bien ce que je pense puisque tu (?) t'en informer dans tes lettres à AM. Et j'ajoute que ta confiance m'a toujours été très précieuse et la meilleure preuve de ton affection.

Je prie pour toi de tout mon coeur de mère et t'embrasse affectueusement.

----- Wimereux 1er août 1917. 3 ans de guerre!!

(marqué Château de Labotrée, St Vincent, Cantal)

Mes chers enfants

Vous avez eu des nouvelles, vous savez suffisamment l'affreux temps qu'il fait et ce que nous avons mangé, j'ajoute tout de suite que les enfants sont tout à fait sages, bien portants, joyeux au possible et en attendant que la plage soit abordable, ils jouent, font des courses, des devoirs, leurs chambres, leurs souliers et tous les petits services que j'ai eu à réclamer.

Leur contentement déborde et je m'entraîne à leur unisson. Hier, par un temps à mettre ma mante et mon capuchon, ne pouvant tenir mon parapluie, je suis allée deux fois à l'Abri. Le marché, la mairie, etc. Je me suis à peine assiste, j'ai bêché (quel plaisir de bêcher ici) la plate bande aux iris pour y enterrer la suie, etc. et le jardin de Paulette que des passants avaient trouvé utile (!). J'ai vidé la cuisinière ou avec la suie il y a avait à retirer à la loque, un demi seau d'eau, vidé les malles, rangé les affaires, ouvert les volets de la cave, ce qui a bien pris 1//2 heure, etc. etc. Tu vois que si j'ai dit "ouf" ensuite, je n'avais que ce que je méritais, mais que j'étais excusable d'avoir remis la correspondance à un autre jour.

Je m'étais étonnée de ne pas voir Marcelle; ma lettre étant adressée à Edouard (?) elle n'avait pas ouvert, et Ed n'est pas encore rentré. Mais elle nous a fort bien reçus. Un bon verre de vin, et le soir sur table deux pots de bière qui lui ont valu des exclamations unanimes, une omelette exquise et énorme etc. Enfin, aujourd'hui, nous aurons un bifteck et cela ne fera pas de mal dans le tableau après cette session (?) laïque et patriotique.

Mais, grosse affaire, comment vais-je en sortir de la cuisine? A la Mairie, si on a gardé mes laisser-passer pour simplement m'en donner d'autres au retour sans qu'il soit besoin d'un nouveau permis de séjour, en revanche pas, mais pas du tout de charbon d'ici septembre et pas de sucre avant 15 jours. Heureusement que j'en ai une trentaine de morceaux et je vais écrire à Nelly de ne pas manquer d'en apporter; mais le chauffage est plus compliqué. La cuisinière, s'allume outre le pot, a la buse, en très mauvais état. Je doute que je trouve à la faire réparer de sitôt et à quel prix? Ainsi je m'informe si on a le pétrole à volonté et si oui, je crois que malgré mes appréhensions pour ce combustible j'achèterai un poêle à pétrole genre de celui de G. Leroy. D'ici là, ma lampe à alcool est la tienne tâcheront de remplir le but mais cela coûte cher.

Nelly doit arriver vendredi ou samedi et amènera elle-même les enfants. Je l'attendrais pour qu'elle vienne avec moi acheter ce poêle. Elle avait l'air toute gaie à Hesdingeux (?) et ravie des éloges que j'ai pu faire des garçons.

Marcelle m'avait offert un peu de charbon, je lui ai offert du coke à la place mais si je n'en use pas, le coke restera là (3 sacs peut-être). Elle était assez inquiète de Louis, qui est à nouveau blessé à la figure et à l'oeil; mais elle n'a aucun détail sur la gravité. Elle se tire bien de sa maison de famille, est satisfaite de son personnel. La cuisinière m'avait ouvert et Marcelle, qui rentrait, me la présente en me disant "Voilà Almie, une bonne humeur inaltérable accueillant tout le monde et tout l'ouvrage avec le même plaisir".

Tu penses si la comparaison m'est venue de suite à l'esprit. Et ceci m'amène à ma Marguerite qui est elle aussi d'une bonne volonté parfaite pour le moment. Elle s'est mise à vider la suie comme un ramoneur, et l'après-midi, n'ayant plus rien à faire, m'a demandé de l'ouvrage. Je n'étais pas fâchée de voir son savoir faire en couture; elle a pour elle une broderie en route, mais le pli que je lui ai conseillé de faire aux tabliers trop longs serait aussi bien fait par Paulette. Elle ne demande qu'à apprendre le service tel qu'il doit être fait. je la ménagerai fort, soit tranquille. je lui ai acheté du café qu'elle prend sans chicorée.

Lettres ou fragments non complètement datés

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Je fais faire un grand nettoyage au bureau dont la couche de poussière était agrémentée de toiles d'araignées quand je suis arrivée. Le pauvre Charles s'en contentait paraît-il; mais moi cela m'étouffe.

Mon bon air de Wimereux est déjà trop changé pour gâter ce qui me reste - en réalité il fait très bon ici. Depuis deux jours, la chaleur est tombée, il fait de l'air et je me trouverais bien chez moi si j'y voyais ma chère compagne.

Tu me parles de ta station dans les rochers de la Rochette. Je pensais justement avant hier que la promenade que nous y avons faite à deux a été le meilleur moment de mon séjour.

Je ne sais comment je trouverai Aulnoye que Bavay dit desséché mais ici, malgré ses arrosages (?) (point d'interrogation dans le texte) tout est bien triste; même les fuchsias et les géraniums n'ont pas de fleurs. Je ne l'ai jamais vu si peu fleuri.

Hier j'ai voulu arroser - le tuyau était fendu aux deux bouts - on se sera après essai malencontreux - contenté forcément de maigres arrosoirs.

Je pourrai faire envoi demain des effets de Charles si j'ai la réponse pour les jupons de Nelly. J'espère qu'il aura eu ses cartes en bon état. Je mettrai l'enveloppe de mine (?) avec les effets.

Au revoir, ma Minette chérie. Je t'embrasse bien et t'embrasse encore et encore.

Ta maman.

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...

villa est celle qui est dans le tiroir de la table de nuit de ta chambre actuelle.

Quelle joie pour toi d'avoir Pierre à soigner. Le cher bébé ne perd pas au change. J'ai peu confiance dans une affection comme celle de nounou, malgré ou plutôt à cause de ces grands gestes et caresses ridicules. C'est du jeu ou de la grimace.

J'aime de savoir Charles et Nelly si gais même un peu enfants. Mais il me semble que les dits presse papier devraient être réintégrés à leur place respective.

Nous aussi nous avons eu de la pluie et à profusion, mais elle a aimablement choisi le moment où nous étions à l'abri autour de la table de Marie Margerin.

Les Edouard seuls qui venaient à pied ont du s'arrêter en route et requérir une voiture. (Ils suppriment leur cheval et leur domestique toujours si difficile à trouver). Marie nous a reçus très bien, jolie table, joli petit dîner à trois plats. J'étais près de Pauline et à gauche de René et j'ai causé beaucoup de toi et de Wimereux avec Pauline. Elle a chanté deux morceaux pas mal. A St Quentin elle a pris des leçons avec Mlle Nadaud.

La pluie pour revenir a fait ou fera beaucoup de bien. Cela faisait mal de voir souffrir les plantes à ce point.

Ce sont en ce moment les prix du collège. Maman y est avec Marie G, Louis qui s'attend à être couronné a invité spécialement Maman par lettre. Les Jules partent samedi à 5h13 du matin. Edouard-Louis et Germain le 4. Directement pour St Jacut.

Les Pères Maristes ne demandent pas l'autorisation. Le Père Gain restera seul dans la maison et gardera la chapelle ouverte si on ne dit rien. Les autres Pères s'en vont à Quiévrain et comptent venir de là conférer, prêcher, etc.

Hélas, hélas, quelle triste chose que la liberté (!) qu'on nous donne.

6h Je ne sais qu'à demi les résultats des prix. Louis a je crois le 2e en excellence. Ce soir je soupe chez Tte Jules et verrai ceux des enfants.

Au revoir, ma Ninette chérie. J'embrasse Charles, Nelly et Pierre, le sage enfant.

Pour toi, j'y joins encore mes souhaits de fête et mes tendresses.

Ta maman

J'ai oublié de joindre au colis la couverture avec boussole.

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Ma chère, chère enfant

Comme cela m'a semblé triste de te voir t'éloigner aujourd'hui. J'avais besoin de me dire que c'était pour le bien de ton âme et dans les desseins du bon Dieu - et rentrée ici la maison me semblait bien triste et vide. Cependant, tu t'absentes souvent, mais je sais que tu vas rentrer - quand l'hure de ton retour arrive, je commence à entendre en le guettant ton bon et joyeux bonjour ou bonsoir et aujourd'hui, je n'ai pas à l'attendre. Je saurai par Maman si tu as fit bonne route.

J'ai été avec la voiture chez Nelly pour voir Pierre, que je ne verrai pas de quelques jours. Il reconnaît bien je crois maintenant son papa et sa maman ce sera bientôt notre tour.

Je t'envoie la lettre de Marie Louise Dupont. Je suppose qu'elle ne te distraira pas trop. Pour ne pas payer trop de surtaxe, je l'ai ôté de l'enveloppe, mais t'en laisse intimité.

Je vais bien prier pour toi et offrirai ma réclusion de quelques jours pour que la tienne te soit très profitable.

Au revoir, Nette chérie. Je t'embrasse de tout mon coeur et te bénis.

JB

----- Vendredi 19

Ma chérie

Tout va bien. Je n'ai pas eu ta lettre ce matin. Je l'espère tout à l'heure. Luc a peu dormi la nuit mais est sage. Marg. dit qu'il avait mal aux dents et qu'il a grandi. Antoine dîner comme convenu aux Grisards. M&J chez Mme Soracq. Paulette chez les Lurson. Françoise (?) m'a tenu compagnie. Max a gardé sa Guigne (?). Sauf Luc, tous ont parfaitement dormi. On a enterré ce matin la pauvre petite dame de ND de la Treille. Je croyais 9h 1/4 et suis arrivée pour rencontrer le père et la mère qui rentraient de l'office. Pauvres gens!

Mr Ahmmer (?) est venu hier soir. J'ai pris mon cornet, nous avons causé un bon moment. Il partira au Mans la semaine prochaine. Je l'ai invité à dîner mardi ou mercredi. Je te joins le courrier d'hier. Pour achever les bulletins de santé, on eut pu mettre non pas "jaune d'or" comme à je ne sais quelle princesse, mais "crème au café épuré" (?) fort bien. De la cuisine l'entente est en bon terme. Sois donc tranquille.

Voici ta carte! Quel bonheur que ton voyage n'ait pas été trop pénible. Maintenant te voila avec Rena, je suis tranquille et suis heureuse de penser que vous vous aimez tant. Merci de me dire tes mivis (?) si affectueux. Je vais bien, sois tranquille et repose toi au moins en dormant bien. Ta maman.

-----

Réponse à ta lettre maintenant

Je ne sais que dire pour la flûte crutac (?). Certes, je ne l'avais pas donnée pour les héritiers, mais encore moins pour qu'elle me revienne. C'est faire affront à Z. que de la rendre (vendre ?) et elle sait peut-être pouvoir le faire. Maman pourrait peut-être la faire causer et lui dire que j'ai fait dire non merci. J'aimerai qu'elle le sache.

Tes lettres font vraiment plaisir à Mimi à condition qu'on les lui lise, mais il n'aime pas les étudier. Cela va bien doucement la lecture. Marie le fait étudier - et il est censé me réciter. Il m'a lu ainsi 2 lignes au matin, mais c'était le bout de son courge. Bah ! ca viendra, à 4 ans c'est permis.

C'est bien au contraire le moment de mettre son chandail malgré mes préférences. Il ne fait pas très chaud sur la plage et nous y sommes encore presque seuls. Pour aller te chercher, il ne l'aura pas, je veux que tu juges surtout tout de suite de sa mine. Ce matin, nous arrangions ensemble lui et moi comment on coucherait et j'avais caplaqué (?) comme tu le dis; je pensais bien que tu aimerais à le retrouver sous ton aile et à le contempler dormant; je m'en régale tous les jours, et à ce propos, il me semble qu'il ferme davantage la bouche en dormant.

J'ai reçu le Correspondant du 10 ce matin. Je n'ai pas eu celui du 25 mai. J'espère qu'il n'est pas égaré. S'il est à la maison sans bande, mets le dans tes bagages avec les Mode de France illustrée pour me les apporter.

Pour les bouteilles, c'est bien 50 bourgogne grosses vertes vides et 50 à vin blanc vides que je désire. Elles gênent chez nous je crois. Je venais d'en acheter quand il m'en est rentré de Maman B. Charles et toi qui rapportaient du vin en bouteille; pourtant jette un coup d'oeil voir si je ne me trompe pas surtout en bouteilles de vin blanc.

J'ai envoyé moi-même d'ici mon bulletin de souscription à G. Giard, tu me l'avais envoyé.

Pour les draps d'enfant, j'en ai 4 pour les lits 1m40 et 2 seulement pour les lits 1m15 de ceux là ce n'est pas assez. J'ai 6 taies et 2 plus petites. Pour toi et Mad, j'ai des draps et taies. J'ai assez de tabliers bleus et bl&bl, mais pas assez de blancs pour Mad.

A bientôt, ma Nette, je vais commencer à décompter ferme. J'ai demandé à Marie de rester une huitaine (souligné) de jours avec vous. N'aie pas l'air de compter sur plus.

Je t'embrasse bien tendrement avec tes chéris.

Je suis désolée ma machine a encore le crochet croqua, inutilisable. Je ne veux plus payer 10 F pour raccommoder une machine de 20 ans (?) mais cela me coupe (?).

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...

ne viennent pas, je proposerai probablement de le prendre après les prix, au commencement d'août. Qu'en pensez-vous?

Ou as tu regardé pour tes effets de procession. T'ai-je rendu ou ai-je encore dans mon armoire (au cabinet de toilette) une grande caisse où elles étaient et où sont aussi les rideaux de berceau. En tous cas, ce n'est pas Pompon qui avait tout eu. Le corsage c'était Germaine D, il me semble, et la couronne n'avait pas du être prêtée. J'ai bien encore la mienne mais elle doit être très jaunie; mon voile a servi à la petite voiture et mon écharpe n'est plus bleue tant elle est fanée. C'est à Bonsecours que marche Germaine?

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Mme Dufour, qui suivait me dit que l'on vient d'administrer (souligné) Mme Matenfer. Heureusement, je l'ai su après, elle n'avait voulu que communier à cause de la fête mais j'avais été si douloureusement saisie au milieu de ma joie que je ne savais comment m'empêcher de pleurer à l'église.

Enfin encore une nouvelle; j'ai gagé pour mon retour une bonne qui semble une perfection. Elle peut tout faire, la cuisine comme remailler, cesir (?) et réparer, elle parle excessivement bien et tenait à entrer chez une personne seule sans cela je l'aurais donné à Nelly qui aura bien de la peine à former son échalas mais elle (la bonne) n'a pas voulu; elle aime mieux 35 F chez moi que 40 ou il y a plus de monde. C'est Mme Herbur qui me l'a offerte quand j'ai été voir s'il n'était venu personne pour René. Elle me plaît beaucoup.

Tu ne m'as pas répondu pour Vaneste. Tu aurais le temps d'écrire toi même de Wimereux. Ce sont les initiales que Nelly désire.

Je suis contente que mon cadeau vous fasse plaisir. Merci à René de s'occuper du terrain. Je suis d'accord pour tout ce qu'il me dit soit du terrain, soit du notaire. Vous pouvez souscrire pour moi pour l'Eglise - puisque vous voulez bien mon avis pour vous, il me semble que 20 F ou 10 me paraît une moyenne convenable mais faites comme vous pensez, suivant ce que le reste de la souscription demande.

Qu'est ta fatigue d'aujourd'hui dont tu parles dans la dépêche? Ménage toi bien, Ninette. René, mon cher René force la bien à se soigner. Je vous embrasse tous deux en attendant mardi j'espère et je vous aime tous deux.

JB

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rejoindre à Hazebrouck, mais c'est plus cher et elle ne verrait guère Maria qui peut prendre le train de 2h et se croiser avec moi à moins qu'elle n'attende à mercredi matin.

A propos de tramway, comment peux-tu avoir pensé à aller en tram à Boulogne. C'est pis qu'en voiture il y a là des secousses aux tournants, aux changements d rails! Il eut mieux valu le chemin de fer. Enfin, ne recommence plus, je t'en prie.

Je vais passer un moment chez Nelly. Charles et à Aulnoye avec Marthe et les enfants. J'ai dîné chez Maman. J'irai faire mes adresses à Helinges et M.L.

A bientôt cette fois, mes enfants chéris. Comme je serai contente d'être à vous.

JB

Charles m'a dit que tu avais écrit - et comptait t'envoyer le portrait de ton filleul mais ce n'est pas réussi je crois.

Voilà la décision. J'écris à Elisa qu'elle me rejoigne à Hazebrouck. Nous arriverons ensemble à Wimereux à 2h6 et Maria penser partir à 2h15.

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Chers enfants

(coin manquant)

..... été absolument enchantée de la façon dont Michel m'a .. ses vingt vers, et je compte... te les dira. Il me semble que René aurait été content, mais il faut la grimace pour lire. Comme je savais qu'il piochait autre chose, je n'ai pas voulu doubler, maintenant je vais en reparler.

Sois tranquille, Pierre s'en va, ne laissant à Michel aucune mauvaise impression. C'est un garçon et garçon remuant mais il gagne en obéissance et surtout en piété. Il disait bien ses prières... dans tous les soirs... et le disait dans son ... servi la grand messe... sans remuer par trop, ... son compliment et a ... si naïve que comme je... qu'il ait si bien arraché dans.. cheveux un bouton de varicelle qu'il a eu là et laisse une petite place vide il me répond: ce n'est rien, on mettra de l'eau de Lourdes il en a mis et s'étonnait ce matin que les cheveux ne soient pas repoussés. J'ai du lui dire que la Ste Vierge ne pouvait pas guérir ce qui était venu par désobéissance car sûrement on lui avait défendu de gratter. Au revoir, mes chers enfants. Je n'ai pas su laisser partir sans rien de moi la lettre de Marie. Edouard... si Michel ne m'avait pas encore fait oublier Pierre. Non, mais... je ne saurai pas aujourd'hui garder Michel sans sym... plus intenses.

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Dis à René que l'article en question ne se trouvait plus que dans une seule maison; si je ne me trompe, Demestère -Demestère. D'ailleurs, il pourrait prendre un des vieux inventaires, il s'en trouve toujours au moins un coupon, en rechercher le No prix et fabricant. Je crois me souvenir que D-D a refusé aussi de le faire, il n'en avait plus la vente.

Michel a lu partie en épelant partie seul sans épeler ta lettre. Dont il était bien content; mais je crois que s'il n'a pas perdu il n'a guère progresse en lecture.

J'ai fait lire deux ou trois lignes de loin en loin et laissé le reste à Marie. Allons, au revoir, bonne santé à tous et bons baisers comme de ce cher Mimi.

J'ai envoyé Cécile et Zoé à Boulogne.

J'embrasse tout spécialement mon gros Jacques. Je l'aime bien aussi va. Je pensais à ce que devait dire son "Père".

----- Valenciennes, 16 août.

Mon cher René,

Pourquoi m'adresser particulièrement à toi aujourd'hui? Ce n'est pas seulement parce que la lettre reçue aujourd'hui était en grande partie

pour toi, mais surtout pour te dire merci de tenir si bien, comme je te le demandais hier, aux précautions à prendre pour Anne Marie. Et puis,

tiens, parce que je me reproche de ne m'adresser guère à toi en écrivant, que pour te demander des conseils, des démarches, des renseignements etc.

et que cependant en tout plein de tendresse maternelle qui me viennent au coeur pour toi, si bien, si bien mon fils maintenant quand je songe à ta sollicitude pour notre Anne Marie, quand je vous envoie à tous deux sur vos portraits un regard affectueux, quand, même comme tantôt, ta simple carte me vient dans les mains et que je me dis que tu as bien voulu me lancer encore si grande la part dans votre vie.

Voilà qui est dit et que j'ai plaisir à écrire. Donc, tu jouis bien de tes vacances et j'en suis heureuse. Peut-être en jouiras tu encore plus tranquillement que tu sauras dans tes chevauchées (?) de bicycliste que Ninette n'est pas seule au logis. C'est donc bien mardi que je vous rejoins et si, Ninette, je ne t'ai plus parlé de retour, c'est que ni moi ni personne n'y comptaient plus du tout. Nelly, tu peux en être sûr, n'en est absolument pas froissée, mais je pense que tu ferais bien de lui écrire toi même tes regrets. Ton filleul semble Gérard revenu à ses premiers jours. Il me paraît être le même sauf sa mèche. Roger a beaucoup moins de cheveux. Je le trouve gentil. Sont-ce mes yeux de grand mère qui en jugent ainsi? Il est bien fait tout dodu et pèse 7 livres. Le docteur me faisait remarquer qu'on sentait au dos de sa tête qu'il avait passé le terme. Il n'est pas pressé de manger et jusqu'ici n'a bu qu'à la cuillère. Mon Dieu! que j'aimerais le tien - ou pour mieux dire que je l'aime déjà.

Le baptême a lieu demain. A ta liste j'ajoute M. Mariage. Je ferai pour l'église et les domestiques ce que je pense nécessaire et te le dirai ensuite.

Sois tranquille, je joue (?) bien avec Maithe. Quand à Elisa, il était très bien convenu avec elle non qu'elle revenait ici, ce qui triplerait ta route, mais étant là à très peu de distance d'Hazebrouck et de St Pol, qu'elle nous rejoindrait directement. Comme les trains vont mieux pour elle par St Pol et Etaples, je lui avais indiqué le train 1/2 express, qui la met à Boulogne à 10h 1/4 d'où elle prendrait le tramway attendu qu'elle n'a pas de bagages. Maintenant pour

ta sécurité je vais voir s'il lui serait comme puisque je pars le même jour de passer et me (2) rejoindre à Hazebrouck, mais c'est plus cher et elle ne verrait guère Maria qui peut prendre le train de 2h et se croiser avec moi à moins qu'elle n'attende à mercredi matin.

A propos de tramway, comment peux tu avoir pensé à aller en tram à Boulogne. C'est pis qu'en voiture il y a là des secousses aux tournants, aux changements de rails. Il eut mieux valu le chemin de fer. Enfin ne recommence plus, je t'en prie.

Je vais passer un moment chez Nelly. Charles est à Aulnoye avec Marthe et les enfants. J'ai dîné chez Maman. J'irai faire mes adieux à Hélène et M.L.

A bientôt cette fois, mes enfants chéris.

Comme je serai contente d'être à vous. J.B.

Charles m'a dit que tu avais écrit, et comptait t'envoyer le portrait de ton filleul mais ce n'est pas réussi je crois.

Voilà la décision. J'écris à Elisa qu'elle me rejoigne à Hazebrouck. Nous arriverons ensemble à Wimereux à 2h6 et Maria pense partir à 2h15.

(3) Tu ne m'as pas répondu pour Vaneste. Tu aurais le temps d'écrire toi même de Wimereux. Ce sont les initiales que Nelly désire.

Je suis contente que mon cadeau vous fasse plaisir. Merci à René de s'occuper du terrain. Je suis d'accord pour tout ce qu'il me dit soit du

terrain soit du notaire. Vous pouvez souscrire pour moi pour l'Eglise, puisque vous voulez bien mon avis pour vous, il me semble que 20F (ou 10)

me paraît une moyenne raisonnable, mais faites comme vous pensez, suivant ce que le reste de la souscription demande.

Qu'est ta fatigue d'auf (?). dont tu parles dans la dépêche? Ménage toi bien, Ninette. René, mon cher René force là bien à se soigner. Je vous embrasse tous deux en attendant mardi j'espère et je vous aime tous deux.

Mme Dufour qui suivait me dit que l'on vient d'administrer Mme Malenfer. Heureusement, je l'ai vu apaisée, elle n'avait voulu que communier à

cause de la fête, mais j'avais été si douloureusement saisie au milieu de ma joie que ne savais comment m'empêcher de pleurer à l'église.

Enfin encore une nouvelle; j'ai gagé pour mon retour une bonne qui semble une perfection. elle peut tout faire, la cuisine comme remailler, cirer et repasser. Elle parle excessivement bien et tenait à entrer chez une personne seule sans cela je l'aurais donnée à Nelly qui aura bien de la

peine à former son échalas mais elle (la bonne) n'a pas voulu; elle aime mieux 3F chez moi que EO où il y a plus de monde. C'est Mme Herbur qui me

l'a offerte quand j'ai été voir s'il n'était venu personne pour René. Elle me plaît beaucoup.

----- Note.

Le 10 août 1917, chez Madame Léon Lefebvre 85 avenue Dampierre (Anzin) Nord.

Une équipe d'allemands employés à la réquisition des cuivres est venue enlever une garniture de cheminée Louis XV étiquetée oeuvre d'art, pendule et deux candélabres en bronze doré, sujet: petits amours avec grappes de raison, le cadran est signé Ferret.

Avant d'être acheté par Monsieur Lefebre-Paquet cette pendule appartenait au Palais archiépiscopal de Rouen.

Elle a été enlevée avec la mention "oeuvre d'art" au nom de Mme Lefebvre-Paquet sous la Commandanture de la 2eme armée allemande, Commandant Berusdorp, lequel avant Valenciennes avait séjourné à Saint Quentin et à qui protestation a été faite et réclamation à la suite de l'enlèvement des pièces ci-dessus énoncées.

Avec ces pièces ils ont enlevé un grand lustre en bronze doré même époque et un bronze d'art de Debert (prix de Rome

Notes sur René Lefebvre et l'histoire de la famille

René Lefebvre

1877. Naissance. Lu 7 ans, bac 15 ans et demi.

s'intéresse de suite à la politique

10/9/1902. Mariage.

A ce moment, à Valenciennes

payait 19 sous par jour de pension (nourri logé)

Voyage Cook "faisons d'abord notre voyage de noces tranquilles"

1904. Naissance de Michel

Dirigeait l'usine de Valenciennes

ont loué une maison dans Valenciennes

puis venus rue de Heck, agrandissements

2/8/14. Guerre déclarée

toute la famille à la mer

Bonne Maman Boulan plus Tante Marie Boulan

100 F en caisse

coupé de Valenciennes

6 enfants, père et mère, bonne maman, 2 bonnes

au bout d'un an, touché 1000 F pour réquisition d'un cheval

15 F par mois comme secrétaire de la mairie de Wimereux

naissance de Luc

embarqué sur amiral Dupeyré

Dunkerque-La Rochelle

40 jours en mer, démobilisé

Boulogne jamais occupé

zone désarmée

anglais, camps

propriétaires de la maison

permis de séjour

histoire de la pièce de 2 sous (avalée, repoussée avec du riz, fait ding dans le pot de chambre)

1915/16. Venus à Paris 1 an. 2té 1915/16

contentieux Banque de France

Hotel rue Blanche (7)

cousins Rivière/Rabut/Wallon Etienne prof Jeanson

invitait à déjeuner

neuvaine. 2 soeurs/frères

propriété Antony, prêtée par un cousin

proposé à Mère

10/1916. Déménagement, gare du Nord 11 h du soir

enfants en classe à Antony

10/1917. Monte une affaire de confection avec 2 amis

démobilisés Staplinck, grand ami Lillois

Lefebre et Petit, rue de Maubeuge

un des associés est plus ou moins parti avec la caisse

1818. Banque populaire des régions libérée après la guerre, petit commerce

Comptoir régional du Nord de la France, pour fournir en coopérative les épiciers qui se remontaient. Chargent wagons tous les deux

marche à fond

Colas parti avec la caisse (Papi aurait dû se méfier: il avait déserté)

Loi sur le propriété commerciale

dictait très bien

revues commerciales, juridiques, d'assurance

mai 18. Bonne Maman Boulan meurt

19. Maison rue de Heck toute démolie

usine abîmée

Père et Bonne Maman Billet décident d'arrêter

elle meurt en mai 19, secouée par cet échec

un vieil ouvrier avait fait l'inventaire

quelques dommages de guerre (auraient été dépensés à Paris, ce qui aurait contraint René à rembourser par la suite ?)

1920 (je pense) élu député du Nord, centre gauche

1924. Pas réélu

amendement proposé, jamais passé

entre par la gauche

droite centre pas voulu voter contre

les gros brasseurs avaient succursales, mal

payés, exploités.

Père pris leur défense, pas pardonné

se présente dans le 12e, écho de Paris

contre candidat

son idée:

les députés doivent être des légistes

peu nombreux, bien payés

loi sur la propriété commerciale

quand prête à passer

présentée par un de ses amis

on ne peut pas passer à travers, pas plaidé

1924. Avocat conseil de la fédération des agents d'assurance.

Michel et Jacques

Jamais voulu payer pour une retraite

Extraits des Guides pratiques Conty. Réseaux du Nord. Stations balnéaires et thermales. Edition 1913-1914.

WIMEREUX

Village de 1 370 habitants, dépendant de la commune de Wimille et agréablement situé à l'embouchure de la petite rivière le Wimereux à 5 kilomètres de Boulogne. Station balnéaire à recommander aux familles. Plage de sable et de galets. Nombreuses villas. Casino. Grandes facilités de communication.

Choix d'un hôtel et location de villas. Voir l'Agenda du voyageur, lettre W;

Poste et télégraphe. A Wimereux.

Voitures, chevaux et ânes. Prix à débattre.

Tramway électrique. Pour Boulogne (voir page 69)

Moyens de transport. Chemin de fer du Nord, ligne de Paris à Calais. Descendre à la station de Wimile-Wimereux où l'on trouve les omnibus des hôtels.

De Paris. 260 kilomètres, 11 trains quotidiens, 4 heures en rapide. Un billet simple: 29 fr 10, 19 fr 65, 12 f 80... ...

Itinéraire. De la gare à la plage. La gare étant peu éloignée du village de Wimereux, vous pouvez vous y rendre à pied en quelques minutes en prenant à droite au passage à niveau, un chemin qui descend vers la mer à deux pas de la plage.

Deux mots sur Wimereux. La petite plage de Wimereux est, pour ainsi dire, la succursale balnéaire de Boulogne, où viennent les baigneurs qui, tout en ne voulant pas se sevrer absolument des distractions et des plaisirs de la ville, ne sont pas fâchés de se soustraire aux exigences d'étiquette d'une grande plage. Rien n'est plus facile d'ailleurs que de prendre son logement et ses bains à Wimereux et son plaisir à Boulogne.

La vie y est simple et familiale; on vit chez soi et pour soi. De plus, les fournitures nécessaires à l'alimentation y sont en général moins chères qu'à Boulogne.

La plage est parsemée de nombreux chalets; on y trouve un petit établissement de bains avec quelques cabines.

A l'extrémité Sud, se trouve un élégant Casino, où ont lieu des concerts, des bals et des représentations théâtrales (restaurant, salles de jeux).

Wimereux conserve les restes d'un port de mer, creusé en six mois, en 1803, par un détachement de l'armée du camp de Boulogne; c'est un peu plus loin, à la pointe aux Oies, que débarqua Louis-Napoléon, le 6 août 1840, lorsqu'il voulut tenter d'intéresser Boulogne à ses prétentions.

On voit encore à 3 ou 400 mètres en avant de la plage, les restes d'un fortin que la mer entoure à marée haute.

Excursions aux environs. Boulogne sur mer (5 kilomètres), soit en chemin de fer, soit par la route qui longe la mer, soit en tramway, voir page 69.

Wimille (1 km 112) en prenant après avoir traversé la voie ferrée, la route qui fait face à la station. Wimille est un village de 2 008 habitants, sur la rivière de Wimereux. L'église remarquable par son clocher octogonal du XIIe siècle, est entourée par un cimetière dans lequel ont été enterrés les aéronautes Pilâtre de Rozier et Romain qui périrent victimes de leur tentative périlleuse, le 15 juin 1785. Partis de Boulogne avec l'intention de traverser la Manche pour passer en Angleterre, ils tombaient quelques minutes après, par suite de l'incendie de leur montgolfière, d'une hauteur de 2 000 mètres, dans la garenne de Wimereux, à quelques pas de la mer. Leurs restes furent transportés dans le cimetière de Wimille, où un monument fut élevé à ces deux martyrs de la science.

Un petit obélisque fut également dressé, dans la garenne de Wimereux, sur le lieu même de leur chute. Il se trouve à proximité de la voie ferrée sur la route de Wimereux à Ambleteuse, au lieu dit: Le Ballon.

Ambleteuse. On peut se rendre à Ambleteuse (5 kilomètres) soit à pied, soit par la voiture de correspondance ou par des autos qui stationnent à la gare de Wimille (0 fr 50 c). Partant de Wimereux, on traverse la petite rivière du même nom, puis la garenne de Wimereux où se trouve à droite l'obélisque de Pilâtre de Rozier et Romain, modeste monument qui indique l'endroit précis où sont tombés les deux célèbres aéronautes. Plus loin, à droite, s'étend l'ancien champ de courses de Boulogne, aujourd'hui le Golf de Boulogne (Wimereux Links). La route s'éloigne un peu de la mer laissant à gauche une immense étendue de dunes jusqu'à la Slack, petite rivière qui se jette dans la mer près d' Ambleteuse. Après avoir franchi la rivière tourner à gauche pour atteindre en quelques minutes Ambleteuse, voir page 306.

Marquise et la Vallée-Heureuse. 10 kilomètres en chemin de fer jusqu'à Marquise d'où l'on peut aller visiter la vallée de la Slack ou Vallée-Heureuse. Marpchiwue, chef-lieu de canton de 3 960 habitants n'offre comme ville que peu d'intérêt. L'église (clocher du XIIIe siècle) renferme quelqus sculptures intéressantes et un joli pilier du XVe siècle. près de la gare, sur la route de Marquise, se trouvent d'importantes usines métallurgiques. Les environs, au contraire, son charmants. La vallée de la Slack, ou Vallée Heureuse qui s'étend au sud de Rinxent, à droite de la voie ferrée est des plus pittoresques et renferme d'importantes carrières de marbre. C'est de l'une de ces carrières, la carrière Napoléon, qu'a été extraite la colonne de la Grande Armée que l'on voit aux environs de Boulogne.

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Dans le même guide, parmi les excursions à partir de Boulogne-sur-mer.

WIMEREUX

Renseignements. On se rend de Boulogne à Wimereux, la jolie stations balnéaire, qui s'éteint au Nord, en voiture, à pied (5 km) ou par le tramway électrique (départ toute les 6 minute en été, toutes les 30 minutes en hiver; trajet en 25 minutes).

Itinéraire. Partant de la place Dalot, le tramway gagne le Casino, puis suit le boulevard Sainte-Beuve dans toute sa longueur. A son extrémité, il grimpe par la route de Wissant, sur la crête des falaises, en laissant à droite le monument de la Légion d'honneur (voir ci-dessus) et plus loin la colonne de la Grande Armée. On passe au pied du fort de Terlincthun, à la halte de la Crêche.

La route s'abaisse par un lacet et dépasse la ferme de Honvault (halte); laissant à gauche le Casino, on arrive à Wimereux que le tramway traverse entièrement par la rue Carnot.

Autres excursions: Pont de Briques, Cap Gris-Nez, Mont-Lambert, Forêt de Boulogne, château d'Hardelot, Equihen.

Pont de Briques, l'Asnières des Boulonnais, situé dans un site pittoresque au bord de la Liane, est très fréquenté pendant la belle saison par les amateurs de pêche et de canotage. On y trouve de nombreux restaurants et guinguettes où se font de joyeux pique-niques.

Concernant Boulogne:

La plage et les bains de mer. Devant la terrasse du Casino s'étend la magnifique plage de Boulogne recouverte d'un sable fin très résistant sur lequel roulent les 200 voitures-cabines qui conduisent les baigneurs jusqu'au milieu du flot et les ramènent lorsque le bain est pris.

Les bains se prennent à toute heure du jour et des poteaux indicateurs fixent les limites assignées aux baigneurs.

C'est à marée basse qu'il faut voir le coup d'oeil pittoresque que présente la plage avec ses tentes-abris, ses voitures, ses baigneurs aux costumes bariolés et l'essaim d'enfants qui, sous la surveillance maternelle, vient y prendre ses ébats.

En dehors de bains à la lame qui se prennent sur la plage, l'établissement de bains du Casino possède encore une école de natation composée de deux piscines, l'une pour les hommes, l'autre réservée aux dames. Ces piscines mesurent chacune 55 mètres de long sur 13 mètres de large sont alimentées par l'eau de mer à chaque marée et permettent de se baigner par les plus mauvais temps.

Itinéraire (par le train).

En quittant la gare centrale de Boulogne, on suit d'abord la ligne de Paris; mais, obliquant à gauche, on traverse la Liane, sur un beau pont courbe en pierre, à l'extrémité du quel on rejoint la ligne directe de Paris à Calais, qui franchit la Liane sur un viaduc métallique.

Pénétrant dans un long tunnel, n s'arrête à la gare de Boulogne-Tintelleries à proximité du jardin des Tintelleries et que desservent tous les rapides; traversant ensuite un second tunnel percé sous le faubourg d'Odre, on aperçoit à la sortie, à gauche la mer, et à droite la colonne de la Grande-Armée, on dépasse la halte de Terlincithun et Wimille-Wimereux, d'où l voit, à gauche la station balnéaire de Wimereux (voir page 355) et, au milieu de la mer, la Tour Croï. Franchissant la Wimereux, on distingue à gauche une pyramide élevée en mémoire et Pilâtre de Rozier et de Romain, morts en cet endroit en tentant dans une montgolfière la traversée de la Manche en 1785.

On s'éloigne ensuite de la mer et l'on se dirige vers l'Est. ...