Le Paris-Brest
Le second Paris-Brest-Paris (1901) : Garin escorté de ses entraîneurs, en pleine nuit, au delà de Mayenne (Composition de G. Scott. L"illustration du 24 août 1901)).
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Faites du vélo à Maisons-Laffitte . Retour à l'accueil mansonnien Dernière révision le 14/2/2022
Repris de Histoire de la locomotion terrestre par Baudry de Saunier, Charles Dollfus et Edgar de Geiffroy (L'Illustration, 1935). On y trouve un autre article "Premières courses sur vélodrome".
Voir présentation globale du Paris-Brest avec photos dans Wikipedia
L'histoire du cyclisme européen comporte, on s'en doute, un nombre incalculable de courses sur route. Nous ne saurions ici ni en faire la liste ni les analyser Elles ont eu chacune leur retentissement et leur bienfaisance, puis ont été oiubliées comme il était naturel.
Mais, dans l'époque que nous pouvons appeler le passé, trois épreuves sont demeurées en quelque sorte "classiques". Ce sont PARIS-ROuen de 1869, BORDEAUX-PARIS de mai 1891 ete PARIS-BREST-Pais, de 1891 également, en septembre.
La première et la troisième sont demeurées du passé. La deuxième, au contraire, est devenue une épreuve annuelle, qui ses poursuit encore de nos jours; nous parlerons d'elle un peu plus loin (page 201), afin de présenter un ensemble non morcelé de cette compétition qui s'étend maintenant sur près de trente-cinq ans !
PARIS-ROUEN 1969 - La première course de fond qui eut lieu au monde dans le sport vélocipédique se déroula le 9 novembre 1869 sur l'itinéraire Paris-Rouen (224 kilomètres). C'était à l'époque du "premier essor" (voir p. 163) qu'avait provoqué l'invention de la pédale par Pierre Michaux.
L'enthousiasme bouillait Trois cent inscrits ! quatre-vingts partants, parmi lesquels cinq femmes : miss América, Mlles Olga, Fatma, etc. dont les prouesses sont restés aussi obscures que leur anonymat.
Les machines étaient toutes en bois et métal, mais quelques unes déjà étaient à trois et même quatre roues.
L'épreuve était disputée non seulement par des Français tels que Laumaillé, de Château-Gontier, et Jules Truffault, de Tours, qui brillèrent plus tard dans le sport, mais encore par des Anlais tels que W Jackson et James Moore qui ont laissé un nom estimé dans l'histoire du cyclisme.
Résultat : Laumaillé et Truffault se sont perdus en route ; James Moore est gagnant en 10h 54 mn, suvii de Castera, Boblier, Pascaud et de quinze autres. Le reste a abandonné.
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Un contrôle dans le premiere Paris-Brest et retour : un concurrent signe (d'après Le Cyclisme théorique et pratique). Charles Tarront, le vainqueur du premier Paris-Brest-Paris (1891). Collection J. beau. Archives photographiques du Touring-Club de France.
PARIS-BREST-PARIS 1891 - Vingt-deux ans pus tard. La bicyclette est, sans discussion, maîtresse de la route et de la piste, mais les pneumatiques, quelles que soient leurs qualités, sont encore, à cause de leur extrême fragilité, suspects à bien des coureurs;
Nous sommes au mois de juillet 1891. La grande course Bordeaux-Paris a eu lieu le 23 mai, gagnée par l'Anglais Mills.
Le Petit Journal, le plus répandu des quotidiens de l'époque, avait alors pour chef des informations Pierre Giffard (pseudonyme Jean-sans-Terre) qui, séduit par les propriétés de la nouvelle machine, partisan enthousiaste de celle qu'il avait promue "reine bicyclette", voulait démontrer au populaire, par une épreuve frappante, les prouesses dont un homme était capable.
Sous son inspiration l'administration du journal annonce l'organisation d'une course prochaine sur route, ouverte aux Français seulement, interdiction de changer de machine en route, distance de 1.200 kilomètres, Paris-Brest et retour.
Pierre Giffard, qui n'avait pas le sens du sport, estimait que l'épreuve pouvait parfait être gagnée "par un petit employé de commerce parti avec son paquetage et sa lanterne,et qui saurait ménager sa machine". Les sportifs pensaient bien que le vainqueur ne pourrait être gagnée qu'un grand coureur de vitesse, un Terront, un Jiel-Laval, un Jules Dubois, un Coulliboeuf - les autres champions réputés à l'époque étant répartis comme entraîneurs de l'une et de l'autre des prinicpales vedetes Médinger, Antony, Fournier, Mauboussin et Cottereau entraînaiient Charles Terront : Cassignard, Lamberjack, Charron, Echalié, Fol, de Clèves et Voigt entraînaient Jiel-Laval.
Charles Terront montait une bicyclette Humber sur pneus démontables, innovation de Michelin. Jiel-Laval, sur bicyclette Clément avec pneus collés Dunlop, avait pour manager le très réputé coureur Frédéric de Givry, alors retirég des pistes.
Le départ de Paris-Brest sur tonné les dimanche 6 septembre 1891, à 7 h 3, aux 206 concurrents (sur 375 inscrits !) qui, à 8 heures du matin, étaient ranés devant l'hôtel du Petit Journal, rue de Châteaudun.
Presque immédiatemnet Terront (No 5) prit la tête, et la course se résuma, presque d'emblée, en un match pathétique entre lui et Jiel-Laval. A La Queue-les-Yvelines, premier contrôle, Terront avait cinq minutes d'avance déjà sur tous les concurrents (50 km en 1h 50m.). A Alençon, il en avait vingt... Mais un peu avant la ville de Laval, un de ses pleus crevait clou, tout neuf ! Il était 8 heures et demie du soir, et Jiel signait au contrôle de cette localité six minutes avant son rival, lequel, remonté, le rattrapait, ans la nuit complète, à Vitré...
Alors les deux lutteurs s'arrêtèret. "Quelques fanatiques nous ont attendus, écrit Charles Terront dans ses mémoires, et nous applaudissent bruyamment quand nous passons. Mais le reste de la ville dort. Ensemble, nous buvons ainsi que les cyclistes qui nous accompagnent une cruche de lait, et nous repartons. La fraternité vient-elle enfin entre nous, dans la nuit, dans cette épopée extraordinaire ? Si nous cessions quelques instants la lutte ? Faisons le voyage ensemble, c'est plus simple. Et nos entraîneurs, Tissier et Fournier, se joignent à ceux de Jiel : nous deux roulant côte à côte suivons sans rien dire. Jiel semble harassé de fatigué. Il semble être déjà aux mains de ses hommes un objet inerte. "Où couchereras-tu ? lui demandé-je - Je ne sais pas où ils me feront coucher.." me répondit-il avec peine>. Jusqu'à Rennes, nous cheminons ainsi ensemble.
"Gaétan de Knyff se charge alor de moi, me mène à l'hôtel, me fait prendre deux bouillons tandis que Jiel s'arrête et se repose quelques instants. Je veux lors repartir vite ! Gaétan de Knyff s'élance, part devant moi, mais ne voit pas un trottoir et y brise sa machine... Je suis seul. J'arrive à Montauban-de-Bretagne, quatrième contrôle. Il est 2h5 du matin. Le contrôle est fermé et le contrôleur est dans son lit".
Le temps qu'il fallut à Terront pour réveiller le contrôleur permet à Jiel-Laval, qui a repris des forces, de rejoindre Terront. Et, pour la seconde fois dans cette même nuit du dimanche au lundi, les deux rivaux font ensemble paisiblement, sans de dire un mot, derrière leurs entraîneurs devenus communs à eux deux. A Lamballe, l'impérieux besoin de repos saisit de nouveau Jiel, et Terront arrive seul à Saint-Brieuc ) 6h50 du lundi matin.
Il repart, estimant à vingt minutes son avance sur Jiel. Soudain, il crève, d'un clou tout neufencore Il se traîne jusqu'à Morlaix et, tandis qu'un ouvrier de Michelin répare la roue, il prend en hâte un bain. A peine rhabillé, il entend un cri : "Vive Jiel !". Il saute en selle, entraîné par Superbie... Jiel est à 200 mètresr deant ! ... Encore un clou ! Crevé à n ouveau !...
Si bien que Jiel signe au contrôle e Brest et premier et qu'à Guipavas Terront, croisant une troupe de cyclistes rapides, reconnaît au milieu d'eux Jiel en direction de Paris ! Jiel avait maintenant sur lui 41 minutes d'avance.
" ... Je signe enfin au contrôle. Un de mes pneumatiques se dégonfle à vue d'oei. Je descends de machine. Dans ma roue est fichée une épingle... Je ne veux pas réparer. Je regonfle, je remonte, mais le pneu se dégonfle à nouveau... Je roule sur la jante jusqu'à Landerneau, où l'on me répare, 2 kilomètres plus loin, mon entraîneur Echard casse le boulon de sa chaîne. Me voilà de nouveau seul ! Je suis désespéré et me demande pourquoi je continue à rouler."
A Morlaix, il fait nuit noire. Echard, arrivé par le train avec sa machine réparée, reprend Terront et l'emmène bon train sur Guingamp. Mais à Plouigneau sa roue de devant crève, encore sur un clou neuf. "Allons, va-t-en vite ! Adieu !" me dit-il. Je repars, mais je n'avais pas fait 100 mètres que ma roue de derrière crève aussi. Des paysans viennent à moi avec des lanternes et m'éclairent. Ils me racontent qu'une demi-heure auparavant est arrivé un autre vélocipédiste dont on est en train de réparer là-bas la machine. A la description qu'ils m'en font, je comprends qu'il s'ait de Jiel-Laval. Je reprends coufage et, au bout d'une heure (sic), je repartais sur mon caoutchouc réparé. Guiganp était à 50 kilomètres et je n'avais pas d'entraîneur, et il faisait nuit complète."
Terront arrive ainsi à Guingamp à 2 heures du main et apprend de ses entraîneurs, qui l'attendaient, que Jiel-Laval, à bout de forces, vient de se coucher !
"Jiel-Laval couché ! La Providence venait-elle à mon secours ? A fond de train nous nous mettons sans route sans que pesonne n'ait vu notre départ, et à 3h35 du main j'atteins Saint-Brieuc. Je savais que Frédéric de Civry (manager de Jiel-Laval) était à Lamballe où j'allais bientôt arriver. Il fallait le laisser dans l'ignorance de ce qui se passait. Je connaissais fort bien la ville et le café où j'avais tout lieu de croire qu'il se tenait en attendant le passage de Jiel. J'indiquai à mes entraîneurs le chemin à prendre pour lui échapper. "
Depuis lors le terrible combat se déroule à l'avantage de l'infatigable Terront. Il est 7h40 du matin, le mardi 7, à Montauban-de-Bretagne ; à 1h32, à Laval ; à 5h40, à Pré-en-Pail.
"Là, je fus aux mains de l'excellent sportsman René de Knyff, qui me fit frictionner et voulut, avec raison, me faire manger. Je pris donc une tartine de pain beurré, le premier aliment soide que je prenais depuis Paris, bus du bouillon et un peu de jus de viande ; et en route ! ... J'arrivai à Alençon à 7h10 du soir. Là, j'appris que Jiel était resté couché trois heures à Guingap et que j'avais deux heures et demie d'avance sur lui. Mais j'avais encore une nuit entière à passer (celle du mardi au mercredi). Au moment où je remontais en machine, arriva une dépêce : Jiel n'était plus qu'à dix minutes e moi ! La dépêche était fausse, je j'ai su depuis. Elle avait certainement pour but de m'empêher de me reposer. Me venait-ele d'un ami ou d'un ennemi ? Je détalai au plus vite" (Mémoires, page 218).
Il est à Mortagne à 9 heures. Plus loin dans la nuit, il heurtes une branche d'arbre sur le sol, tombe, asse une de ses manivelles, se et à pleurer, pousse sa machine jusqu'à une maison éclairée du village de Saint-Maurice. Cétait celle d'un forgeron ! On prend une manivelle saine sur la mahine de l'netraîneur, et Terront repart joyeux.
A Dreux, il boit un peu de champagne et voit le petit jour se lever à la Queue-les-Yvelines. Le soleil commence à briller... "Un millier de cyclistes criaient, entonnaient des hourrahs ! ...
"Sur le boulevard Maillot, à Neuilly, but d'arrivée, je commençais à emballer tant que je le pus ! Alors e fut du délire dans la foule qui se resserrait en courant derrière moi aussitôt que j'étais passé, et je franchis le poteau.
"On se précipite. on veut m'enlever de ma machine. Mais je descends tout seul. M. Thomas, présideht de la course, m'embrasse et me mène au contrôle. Il est 6 heures et demie du matini, le mercrei Il y a soixante et onze heures et demie que je suis sur ma machine (Mémoires, page 224). Un détail : la machine de Terront pesait exactement 21 kg. 50.
Jiel-Laval n'arriva que huit heures après, à 2 h 4 de l'après-midi. Coullboeuf, troisième, le lendemain matin, suivi de Marty, qui d'ailleurs disqualifié pour faute grave. Le quatrième était Corre, le futur rival et vaincu de Terront encore dans le fameux match Terront Corre à la Galerie des machines ; puis venaient Gros, Allard, Lavoncourt...
A titre documentaire je rappelle que la célèbre course fut reprise dix an après, en 1901, par Henri Desgrange qui venait de fonder l'Auto-Vélo.Le règlement autorisait le changement de macine. Le départ fut donné le 15 août à 139 concurrents. Lesna, grand favori, commettait une faute analogue à celle de Jiel-Laval en 1901, profitant de son avance pour prendre un bain, qui le déprima et permit à Garin de le dépasser à la sortie de Mayenne au retour et d'arriver premier à la porte Maillot en 12h11 m. Le temps de Terront était battu de près de vingt heures. Rivière était second en 54 h 6 m.
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Pierre Giffard, apôtre enthousiaste de la bicyclette qui, en 1891, eut l'idee de la course cycliste Paris-Brest-Paris (1.200 kilomètres). Maurice Garin, le vainqueur du Paris-Brest-Pais de 1901. Il effecteua les 1.200 kilomètres du parcours à la moyenne de 23 kilomètres à l'heure. Il battait de 19 h 30 m le temps établi par Tarront en 1891
Dix ans après encore, le 25 août 1911, la course Paris-Brest-Paris fut courue pour la troisième fois, gagnée par Georget en 50 h 13 m, devant Lapize.
On peut écrire que la célèbre course Paris-Brest et retour de 1891, si pathétique, si démonstrative, comme le voulait Pierre Giffard, de la "bienfaisance sociale" qu'apportait aux homme la bicyclette enfin parvenue à un suffisant degré de perfectionnement, es le point de départ de la diffusion de ce mode de locomotion dans le monde. Aucune épreuve n'eut plus de retentissement que celle-là.
On doit noter encore que cette grande épreuve a marqué pour la première fois les relations qui pouvaient s'établir entre le cyclisme et la locomotion automobile par moteur à explosion. La maison Peugeot, en avant-garde sur tous les progrès, avait suivre la course de bout en bout par un "quadricycle à gazoine" (2Cv, 2 cyllindres à brûleur), pesant 550 kilos, qui fit le trajet Valentigney- Brest et retor (2.047 kilomètres) en 139 heures, ainsi que le signale La Nature du 20 octobre 1891.
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