Photo Le Parisien, Philippe Lavieille

Cachez ces races que je ne saurais voir

Interviewé par Jannick Alimi et Christel Brigaudau, dans Le Parisien du 14 juin, Julien Denormandie, ministre de la Ville et du Logement, se voit demander :

« La réforme institutionnelle, examinée l’an dernier, prévoyait d’ôter le mot race du préambule de la Constitution. Y êtes vous favorable ? »

Réponse : « Oui, il faut définitivement enlever ce mot de la Constitution. C’est un élément dont s’était déjà saisie l’Assemblée nationale. Ce serait un un symboliquement très fort ».

Et, en fin d’interview :

« Le porte-parole du gouvernemnt, Sibeth Ndiaye, souhaite ouvrir le débat sur les statistiques ethniques. Y êtes-vous favorable ».
Il répond :

« La question légitime posée set « comment peut-on améliorer la diversité au sein d’une entreprise, d’une administration, si on ne peut pas la mesurer ? ». Je pense que la meilleure piste est les statistiques en fonction du lieu d’habitation. C’est moins stigmatisant et c’est très performant ».

Pour moi, ces questions résonnent fort dans mon expérience, ne serait-que :
- un service militaire en 1959-60 dans la « Coloniale » à Pointe-Noire (Congo Brazzaville), où les différences physiques et psychologiques entre Bacongo, Peul et Sara étaient évidentes,
- la controverse autour du livre The Bell Curve
Intelligence and Class Structure in American Life (1994),
-
à la même époque, un parisien emmenant son amie au cinéma dans une grande ville de province, s’entend dire « Ne te gare pas près du cinéma, je ne veux pas qu’on me voie descendre d’une voiture immaticulée 75.

Je ne sais plus trop quoi penser aujourd’hui.

Ce qui constituait une « race », c’était la vie dans un groupe relativement isolé, avec ses conséquences génétiques. Qu’il s’agisse des tortues des Galapagos ou de l’aristocratie européenne. Levi-Strauss, dans Race et histoire (1952), est venu y ajouter la composante culturelle.

De nos jours, au moins autant que le lieu d’habitation proposée par le ministre, ce sont les réseaux sociaux qui constituent des groupes fermés, porteurs de cultures séparatistes potentiellement dangereuses. Et l’on sait que le Gafa y contribue volontairement pour des raisons tout simplement commerciales.

Verra-t-on, par exemple, les DRH se passer de photos, mais demander aux candidats sur quels réseaux sociaux on peut les trouver ? D'ailleurs, ils le font sans doute déjà. Ne serait-ce qu'avec Linkedin...

Que faire ? Avez-vous des idées ?

Pierre Berger

Notes et compléments

L'ACM (Association for Computing Machinery), un des deux grandes associations internationales d’informaticiens, recommande aux gouvernements d’abandonner la reconnaissance faciale



Condamnation par erreur d'un noir aux US par erreur de reconnaissance faciale.

Uber et Lyft font payer plus cher les transports vers les zones à forte connotation ethnique. (New Scientist du 19/6/2020).

François Héran titre dans Le Monde du 25 juin : « Cessons d’opposer les principes républicains à la statistique ethnique ».

Jacques Toubon, Défenseur des droits en France, tient un discours ambigu sur la question : « On n’a pas besoin de statistiques ethniques pour agir ! On a parfaitement le droit de comparer les patronymes, de retenir le pays de naissance et d’interroger les personnes sur leur appartenance pour évaluer une situation ». Cité par Le Monde du 23 juin.

Un algorithme développé par des ingénieurs en neuro-informatique à Bochum estime l’âge et les origines ethniques des personnes. Les chercheurs ne savent pas exactement sur quelles caractéristiques ils se basent. Un article de Roberto Escalante, relayé par l’ACM (Association for Computing Machinery). 23/6/2020.

Dans Le Monde , le démographe Hervé Le Bras apporte d’utiles précisions :
- Le refus d’identifier les personnes par une appartenance ethnique a une raison simple : au lieu de combattre le mal, on le renforce, chacun se retranchant dans son groupe ethnique en s’identifiant à lui.
- Tout en proscrivant l’utilisation de catégories ethniques ou raciales dans les recensements et les actes d’état civil, on peut continuer à les utiliser dans les travaux de recherche précis. 17/6/2020



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