L’hôpital de Valenciennes. Photo de Réseau et hôpital
La gouvernance, c’est toujours affaire d’intérêts et de poinats de vue différents, parfois opposés jusqu’au conflit. A l’hôpital, plus que d’intérêts, il s’agit de valeurs. D’une part l’impératif catégorique de la vie, de l’autre les contraintes financières. L’arbitre, c’est le directeur. En général, un gestionnaire, face au corps médical.
L’hopital est organisé en pôles, dirigés par des chefs de pôle selon le site Weka (« intelligence du service public). Les chefs de pôle peuvent ou non être des médecins.
Lire notamment l’article en ligne L'hôpital, le jour d'après, d’André Grimaldi et Frédéric Pierru dans le Monde diplomatique (avril 2020).
A l’hôpital de Valencienne, la gouvernance a été repensée, comme l’explique Marion Lecas, dans un article publié par La Croix du 19 août 2020 et qu’elle nous a autorisé à reproduire ici.
Dans cet établissement du Nord, on expérimente depuis dix ans un meilleur équilibre entre les équipes soignantes et l’administration. L’un des enjeux-clés du Ségur, dont les propositions seront mises en œuvre à partir de 2021.
En 2009, la loi hôpital, patients,
santés et territoires est promulguée et … aussitôt fustigée.
Les soignants l’accusent d’offrir les clés de l’hôpital
public « aux gestionnaires ». Au même moment, à
contre-courant, naît « le modèle valenciennois »,
qui décide d’expérimenter un mode de gestion autonome,
décentralisé, médicalisé. « Je délègue aujourd’hui 95 %
de mes responsabilités » aux médecins, affirme le directeur
du centre hospitalier de Valenciennes (CHV), RodolpheBourret.
« Cet
hôpital renoue avec l’ambition de la délégation de gestion aux
pôles, créés en 2004, qui a été un échec jusqu’ici »,
analyse Frédéric Pierru, sociologue du CNRS. De fait, les médecins
chefs de pôle jouissent à Valenciennes d’importantes
prérogatives, recrutent et gèrent librement les dépenses du
service tant qu’elles sont inférieures à 75 000 euros. « Nos
respirateurs étaient vieillissants, témoigne ainsi le docteur
Nabil El Beki, chef du pôle des urgences, d’anesthésie et de
réanimation. Nous avons tout changé en un jour, pour 60 000 euros,
sans cosignature ».
Pour gérer au mieux « l’argent du contribuable », les chefs de pôle suivent une formation universitaire en management à la faculté de Valenciennes. Et les finances sont bonnes : sur un budget annuel de 500 millions d’euros,l’hôpital dégage chaque année, depuis 2009, 1 à 2 % d’excédent. « On ne peut pas expliquer ces bons résultats par le seul mode de gouvernance, nuance Frédéric Pierru. Cela dépend aussi du positionnement stratégique de l’hôpital dans l’offre de soin. »
Autre intérêt : la satisfaction du personnel soignant. Les louanges surprennent, qui contrastent avec ce que l’on dit souvent de l’hôpital public : « Ici, nous n’avons pas l’impression d’être des pions de l’administration, mais des collaborateurs à part entière, témoigne l’anesthésiste Fabrice Granet, égalemnt passé par le CHU de Lille. On se sent investi, on crée un lien presque affectif avec l’hôpital » ; Le vice-chef du pôle d’imagerie médicale, Nicolas Laurent, se réjouit « de pouvoir mener à bien un projet de A à Z. C’est stimulant ».
« L’autonomie libère l’esprit d’initiative, la créativité, l’envie » confirme Rodolphe Bourret, le directeur, qui met en avant les projets innovants de l’hôpital : le recours à l’intelligence artificielle, l’acquisition, coûteuse, d’une IRM Tesla à la pointe, etc. « La R & D est centrale, comme en atteste le profil des médecins recrutés, qui font souvent de la recherche », précise Fanny Blondiau, la cheffe du pôle gériatrie, qui a orchestré, en septembre 2019, la création d’un « Living-Lab », un laboratoire de recherche consacré au grand âge.
« L’autonomie n’exclus pas un contrôle de gestion. Je reste le pilote de l’avion », souligne Rodolphe Bourret. Ainsi, au-delà de 75 000 euros, les projets doivent être doublement validés, par une commission dédiée d’abord, par le directoire ensuite. « L’administration est force d’accompagnement vers une meilleure gestion des soins », poursuit-il. Le centre hospitalier de Valenciennes compte seulement 5 % de pe enrsonnel non médical, contre 33,7 % en moyenne dans les hôpitaux français.
Avec, du coup, des procédures simplifiées, des délais écourtés et une capacité d’adaptation décuplée, qui s’est avérée précieuse avec le coronavirus. Les équipes ont rapidement ouvert 42 lits en réanimation. Si bien qu’au milieu d’un des foyers de propagation les plus sévères des Hauts-de-France, le cente hospitalier a tenu bon. « Nous n’avons pas eu à bousculer notre quotidien. Simplement à nous adapter, ce qu’on faisait déjà très bien », assure le directeur.
Le modèle valenciennois n’a pas été retenu en tant que tel par le Ségur de la santé, qui s’est conclu en juillet. « Le poids des habitudes et des lobbys », estime le directeur, amer. « Changer la gouvernance n’est pas une panacée, le problème est structurel », note de son côté le sociologue Frédéric Pierru.
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