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Productivité en panne : c’est l’humain qui manque !

Dans un récent article nous nous interrogions sur l’IT Governance, et regrettions que les facteurs humains soient absents de la littérature de la spécialité.

Dans Les Echos du 27 août, nous retrouvons ce souci à un niveau plus général. Et l’un de nos lecteurs, responsable informatique, nous fait part de son expérience qui ne fait, hélas, que le confirmer.
En outre, Claude Salzman ouvre la voie à des précisions techniques sur IT et SI, à quoi il faudrait ajouter la « transformation numérique » citée dans le livre de Legrenzi et Rosé

Ci-dessous, avec leur autorisation, leurs contributions in extenso.

Pour une approche plus humaine de la productivité

Source essentielle de performance et de compétitivité des entreprises, la productivité, définie comme le rapport entre le PIB et les heures travaillées est historiquement élevée en France. Pour autant, l’OCDE constate que les grains de productivité des entreprises françaises ont fondu comme neige au soleil, en passant de plus de 2 % entre 1985 et 2000, à moins de 1 % entre 2007 et 2018. Cette volonté d’amélioration de la productivité n’était-elle pourant pas au coeur de nombreuses transformations engagées dans les entreprises ces dernière décennies ? Aurions-nous manqué quelque chose ?

Selon l’indicateur synthétique du World Management Survey, les entreprises françaises sont performantes pour optimiser les processus, mais le sont beaucoup moins sur « les aspects humains du développement ». Pour développer l’engagement des collaborateurs, les consultants de France et de Navarre mettent en avant le premier levier d’un « manager porteur de sens » qui a travaillé sur le « pourquoi » de son entreprise. Même si l’avènement des « entreprises à mission » donne un nouve élan à ce sens partagé, l’impact sur la valeur créée n’est pas encore là.

Second levier ‘essentiel d’engagement des collaborateurs, la capacité des managers à favoriser la collaboration au sein des équipes en développant le sens de l’initiative de chacun, par des démarches participatives souvent inspirées du « design thinking ». De la même façon même s’il s’agit d’actions sur le long terme, avec la nécessité d’un véritable changement de structure, cela ne semble pas suffire pour avoir un impact déterminant sur la productivité des entreprises. Alors, quelle serait donc la potion magique ?

Peut-être ce troisième levier d’engagement des collaborateurs qui est celui de la reconnaissance. Le World Management Survey mentionne qu’en 2019 la France accusait un retard en Europe sur la qualité du retour et des commentaires du manager.Mais de quel retour parle-t-on ? La reconnaissance est souvent formellement portée par les entretiens annuels en lien avec la rémunération. Il s’agit de rendez-vous importants (ils offrent un espace d’expression réel), mais bien isolés dans une année de travail. Ne masquent-ils pas l’absence dune vraie considération pour les personnes ? Confondantes de simplicité, les pratiques qui visent à passer de la reconnaissance à la re-connaissance s’adressent directement au besoin primaire de tout être humain : être connu avant d’être reconnu. Avez-vous bien en tête le nom, l’histoire, les compétences, les passions des membres de votre collectivité de travail ? Echangez-vous sur leurs contributions particulières à la réussite de votre entreprise ? Recueillez-vous leurs idées sur des sujets en lien avec leurs métiers et leurs expertises ?

Cette attention, qui se Plus sur la visioconférence
loge de manière régulière dans des temps d’échange informels, respectueux des modes d’expression et de la la culture de chacun, crée un socle de légitimité à l’engagement. Elle libère les énergies. Et voilà un accélérateur de « productivité positive » parfaitement compatible avec l’apport des nouvelles technologies. De quoi nourrir les réflexions « post-confinement » qui ne manquent pas d’animer les entreprises. En positionnant le curseur sur ce qui fait la différence : la relation humaine comme détonateur de l’intelligence collective.

Christophe Collin et Pierre Daems
membres des Company Doctors , réseau de consultants indépendants.



L’humain n’intéresse pas

L’humain n’intéresse pas vraiment les gouvernants de nos jours, de toute façon, le salarié est un élément jetable et on ne s’attend pas vraiment à ce qu’il reste plus de 4 ans en poste. Le salarié a parfaitement compris cette logique mis en place dans les années 90 et on n’entre plus dans une société « pour faire carrière » mais pour faire « évoluer son CV ». Le salarié est donc surtout vu comme un risque de défaillance comme n’importe quelle machine, risque dont il faut se prémunir en assurance un « backup » de ses fonctions.

Le budget formation est donc réduit au minimum légal et capté en grande partie par les dirigeants, puisque la loi fixe une somme globale pour l’entreprise et non par salarié. Donc une formation à 100 000 euros pour le patron compte autant que 20 formations à 5 000 euros.

On voit de temps en temps passer des enquêtes de satisfaction des salariés. Au premier essai, les résultats sont en général mauvais. Mais la direction ne prend aucune mesure, et quand l’opération est renouvelée, plus personne n’y répond. Par exemple, le taux de réponse aux enquêtes menées pendant le confinement est de l’ordre de 30%. les résultats ne veulent donc pas dire grand-chose. C’est comme en politique. Et de toute façon, comme en politique, les mesures prises seront sans rapport avec les résultats des enquêtes.

Tout cela a bien sûr des impacts en terme de performance : de nombreux salariés sont démotivés. Quitte à faire quelques efforts pour ajouter une bonne ligne sur leur CV et préparer leur prochain job. Certains (rares) restent tout de même motivés parce qu’ils trouvent leur projet intéressant… et qu’on « ne leur casse pas trop les pieds ».

J’ai pu constater ce type d’évolution dans une grande banque où j’ai travaillé il y a 15 ans. J’étais alors sincèrement impressionné par le niveau de performance et d’implication de l’informatique. Dernièrement, j’ai dialogué avec mon ancienne cheffe, qui est devenu une amie. Quand je lui ai expliqué que je faisais un point d’équipe tous les matins à 9h30, elle a été stupéfaite, m’avouant qu’il lui était devenu impossible de faire ce genre de réunion avant 10h00, car presque plus personne n’arrive avant 10h00 et ne reste jusqu’à 18h00. Parce que depuis des années on n’augmente pratiquement plus les salariés, tandis que l’équipe dirigeante s’augmente de 10% à 20% tous les ans. D’où un turnover important ou des gens qui ne restent que par « confort » et parce que le statut bancaire a encore des avantages certains. De là à travailler plus tard pour finir un projet dans l’intérêt de l’entreprise, certainement pas ! Je doute cependant que l’entreprise ait jamais chiffré le résultat de cette politique. Les dirigeants s’en moquent, leurs bonus n’en dépendent pas.

Il reste quand même, heureusement, certains managers qui s’intéressent à leurs collaborateurs mais, dans de plus en plus de cas, ils n’en ont plus vraiment le temps car ils sont surchargés de travail.

La partie sur l’entretien annuel m’a fait sourire car la partie rémunération ne peut souvent plus du tout y être abordée. Chez mon précédent employeur, il avait été clairement dit que ce n’était pas le lieu pour le faire (à la question « quel est donc le lieu pour parler de sa rémunération ? » la réponse de la direction avait été « aucun »). De plus, le manager direct n’avait souvent plus aucun lien avec la décision des augmentations. Par exemple, toutes les augmentations de la DSI étaient décidées et validées par mon N+3, personne totalement inaccessible bien sûr et qui n’avait évidemment aucune vision sur le travail réel des quelque cent personnes de la DSI.

Dans mon entreprise actuelle, l’an dernier toutes les augmentations de mes collaborateurs directs ont été décidés par mon directeur sans me consulter. Il m’est revenu par contre, « l’honneur » d’aller annoncer à chacun d’entre eux s’il avait été ou non augmenté. En tant que manager, on see retrouve donc à faire des phrases du genre « la direction m’a indiqué que tu ne serais pas augmenté cette année ».

A quoi bon, dans ces conditions, pour les salariés de te dire s’il sont contents ou pas : il savent que tu n’as aucun poids sur la décision et se tournent donc directement vers les RH quand ils ont des réclamations à faire.

 Un autre lecteur se lamente à l’unisson : « La gouvernance informatique me dépasse mais  que l'humain n'intéresse pas les experts est une catastrophe sans nom et je reste convaincu que nous sommes gouvernés par des idiots qui, s'ils sont intelligents malgré tout, n'en sont pas moins inhumains et le transhumanisme ne va pas les sauver loin de là je pense. 

Claude Salzman : il y a d’autres causes, et il faut distinguer IT et SI…

Deux remarques :

. La productivité est un phénomène économique. Ses évolutions sont liés à deux facteurs : le montant des investissements réalisés en dehors du renouvellement à l'identique et leur efficacité. C'est à dire leur rentabilité. La crise de 2008 à fortement impacté la productivité car les investissements ont été fortement réduits (voir courbes de l'OCDE jointe). La France a connu une baisse de la productivité entre 2007 et 2009 mais en 2017 et 2018 elle est revenu à des niveaux équivalents aux années 1990-2002. Il est probable que la crise du Covid aura les mêmes effets sauf si les plans de relance sont réellement efficaces. L'Allemagne a connu, en dehors de l'année 2008, un rythme plus régulier autour de 1 à 1,5 % par an. Mais globalement sur l'ensemble de l'OCDE on constate effectivement une baisse de la productivité. Elles est indiscutablement lié à la crise de 2008 et une faiblesse structurelle constatée depuis cette date. 

. La gouvernance IT ne produit pas de gains de productivité si ce n'est le respect des budgets des projets et l'éventuelle baisse du coût des traitements. C'est la gouvernance des SI qui peut se traduire par des gains de productivité. C'est d'ailleurs l'objectif des réflexions du Club Gecsi .

Christophe Legrenzi a publié une définition des termes informatique, système d’information…

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